Géraldine Poivert
Directrice générale d’Ecofolio
“Le changement de modèle économique est à portée de main pour que nos déchets deviennent nos ressources”
“Le changement de modèle économique est à portée de main pour que nos déchets deviennent nos ressources”
C’est une alchimie vertueuse, faire du neuf avec du vieux, du papier avec des déchets. Mais le modèle économique de cette économie circulaire n’est pas tout à fait au point malgré les efforts de Géraldine Poivert et de l’éco-organismeg qu’elle dirige, Écofolio.
Entreprise hybride mi- publique, mi-privée, qui vient de se voir renouveler son agrément début janvier. “Je trouve les sujets d’économie circulaire passionnants. On est pour le juste papier. Nous l’aimons trop pour en faire de la paperasse” , explique- t- elle. Effectivement, il faut de la passion pour faire bouger tant de parties prenantes, des collectivités locales qui veulent avoir chacune leur centre de tri alors qu’il est plus rationnel de mutualiser, des opérateurs qui doivent investir et surtout des consommateurs qui devraient changer leurs habitudes quasi culturelles. La France est en retard pour le recyclage du papier par rapport aux autres pays européens, et l’un de ses premiers consommateurs, la presse, refuse d’y participer.
Le changement de modèle économique est à portée de main pour que nos déchets deviennent nos ressources, une mutation simple réalisable en France, en Europe et au niveau mondial. Il faut mettre en place quelques mécaniques si on veut que notre déchet soit attractif, une forme de fiscalité ou de permis… et une juste prévention : pas de gaspillage, faire mieux avec moins. Donc moins de déchets, moins de gaspillage, et surtout une écoconception du produit. Voilà pourquoi l’éco-organisme que je dirige fait de la sensibilisation, de la prévention qualitative. Certes, l’une de nos activités la plus importante est de recycler les déchets, mais c’est aussi d’accompagner tous les professionnels pour que, par exemple, les journaux n’aient plus de vernis UV ou de teinte dans la masse qui les rendent non recyclables.
Le mouvement perpétuel du recyclé
Aujourd’hui, le bois est terriblement concurrencé dans ses usages : on l’utilise pour la construction, la biomasse. Donc l’avenir du papier est d’être fabriqué à partir de papier recyclé – selon un véritable mouvement perpétuel, le recyclage. Un nouveau modèle économique est très porteur d’espoir puisqu’il réconcilie des choses souvent opposées : le développement économique et l’écologie. Cette dernière est de l’économie et de l’innovation. Nombre de problèmes seront réglés par l’innovation. Ce que nous essayons de faire au quotidien avec quelque chose de très prosaïque, ce déchet que nous appelons ressource. Certes, depuis 2007, on voit bien un vrai mouvement du côté des consommateurs Et des acteurs économiques qui ont intégré cette valeur. Mais on peut aller encore beaucoup plus loin.
Directives européennes
En fait, depuis le début des années 90, une réglementation européenne a induit une nouvelle dynamique suite à la publication d’un rapport de l’OCDE expliquant que la gestion du déchet ne doit pas être gérée par une fiscalité, mais par l’acteur économique qui le produit. Au niveau communautaire, un certain nombre de directives européennes ont été mises en place, la première sur les emballages datant de 2012 : tous les producteurs – Danone pour son biscuit, Carrefour pour son prospectus publicitaire – doivent organiser la collecte de ce déchet, son recyclage, sa dépollution et l’écoconception de son produit. Dans les années 2000, le dispositif a été étendu aux déchets d’équipements électriques et électroniques, puis en 2006, au papier. Dans l’univers des déchets, le papier est le moins polluant de tous car il est biodégradable, c’est un agro-matériau recyclable, mais souvent l’adjuvant rajouté pour le surfaçage et la charge alcaline le rendent plus difficilement recyclable. Une loi a donc imposé à l’ensemble des émetteurs de papier – à l’exception de la presse – de contribuer à sa valorisation, une fois utilisé. Je travaillais alors à la politique de qualité environnementale de la grande distribution. Ils m’ont proposé de diriger cette nouvelle structure publique-privée, sur le même modèle qu’Éco-Emballages. J’ai trouvé passionnantes ces années 2006-2007 où l’on a découvert que le développement durable n’était pas une mode, mais un axe stratégique, et que ces éco-organismes sont des partenariats publics-privés à l’anglo-saxonne : on peut demander à ce type d’entreprise des missions proches de l’intérêt général qui ne sont pas portées par le service public. Aujourd’hui, tous les produits de grande consommation sont couverts par un éco-organisme qui récolte au total entre 1 et 2 milliards de tonnes. Avec