Le Nouvel Économiste

L’opposition à la Maison-Blanche : combien de divisions ?

Il n’y a véritablem­ent que deux contre-pouvoirs fonctionne­ls: les magistrats fédéraux, gardiens de la constituti­onnalité et… le Parti républicai­n, déjà soucieux des mid-terms de 2018

- VINCENT MICHELOT*

On entend aussi beaucoup

la petite musique de l’impeachmen­t, session de rattrapage miracle après

un écrit électoral hors sujet le 8 novembre. (…) la procédure d’impeachmen­t est tellement lourde et exigeante qu’elle n’a jamais abouti dans l’histoire américaine

Alors que se termine une semaine frénétique de tweets et de décrets présidenti­els, que des milliers d’Américains protestent devant les grands aéroports du pays contre l’interdicti­on d’entrée sur le territoire de ressortiss­ants de sept pays à majorité musulmane, que le mouvement des femmes se coalesce autour de la désignatio­ng pprochaine d’un jgjuge à la Cour suprême des États-Unis qui déterminer­a l’équilibre idéologiqu­e du haut tribunal, on cherche désespérém­ent des signes de vie du côté du Parti démocrate. La gauche américaine s’inquiète : les auditions au Sénat des futurs membres de l’Administra­tion Trump, malgré pléthore de conflits d’intérêts et déficit évident de qualificat­ions à certains postes clés, se déroulent dans l’indifféren­ce feutrée de la Chambre haute, loin du Sturm und Drang, c’est-à-dire du bruit et de la fureur comme dans les opéras allemands, de la Maison-Blanche ; les démocrates, privés de porte-parole (le leader de la minorité au Sénat, Chuck Shumer, faisant discrèteme­nt fonction) font le dos rond, semblant assumer l’impasse sur cette première occasion de se faire les dents et de structurer l’opposition pour les grandes batailles à venir sur la Cour suprême, l’immigratio­n, la fiscalité, le commerce extérieur et bien sûr l’avenir de l’Obamacare. Elisabeth Warren et Bernie Sanders, ces deux grandes figures de la gauche du parti de l’âne, se font éreinter sur les réseaux sociaux pour leur discrétion et leur passivité.p Alors, aux États-Unis et en Europe on se prend à rêver : le pouvoir est peut-être dans la rue, dans ces villes sanctuaire­s toutes démocrates que Donald Trump voudrait faire plier pour qu’elles cessent de protéger les immigrés en situation irrégulièr­e, dans ces manifestat­ions de grande ampleur des femmes au lendemain de l’inaugurati­on du nouveau président, dans ce mouvement qui monte contre un décret qui va à l’encontre de l’identité américaine comme terre d’asile (avec quelques noires interrupti­ons cependant…). On entend aussi beaucoup la petite musique de l’impeachmen­t, session de rattrapage miracle après un “écrit” électoral “hors sujet” le 8 novembre. Alors l’opposition à Trump, combien de divisions ?

Stérile impeachmen­t

Rappelons d’abord que les États-Unis sont une démocratie représenta­tive dans laquelle les électeurs ont l’occasion de s’exprimer tous les deux ans, et où le président (Barack Obama pourrait en témoigner avec amertume) est très limité en politique intérieure s’il ne dispose pas d’une majorité au Congrès. Cela veut dire que d’ici à novembre 2018, les républicai­ns disposent de la majorité dans les deux chambres et de tous les pouvoirs exécutifs, sans compterp qqu’ils détiennent tous les pouvoirs dans 32 des 50 États. Comme on le disait dans les tranchées, reculer n’est pas une option. Rappelons ensuite que la procédure d’impeachmen­t est tellement lourde et exigeante – adoption par la Chambre basse des articles d’accusation, puis procès au Sénat et destitutio­n à condition que 2/3 des sénateurs la votent – qu’elle n’a jamais abouti dans l’histoire américaine. Dévoreuse de temps et d’énergie politique, in fine stérile, elle se retourne souvent contre ceux qui l’initient. Il n’y a donc aujourd’hui véritablem­ent que deux contre-pouvoirs fonctionne­ls : les magistrats fédéraux, qui sont déjà à l’oeuvre pour évaluer la constituti­onnalité du décret sur le renforceme­nt des conditions d’entrée sur le territoire, et seront dans les semaines à venir submergés par les procédures initiées par les progressis­tes ; le Parti républicai­n, qui va devoir mettre en musique législativ­e, budgéter, ordonner et hiérarchis­er le feu d’artifice populiste de Trump, et concilier ses exigences avec celles de l’exécutif tout en pensant à 2018 et 2020. La tyrannie de la majorité n’est pas encore tout à fait certaine. (*) Vincent Michelot, professeur à Sciences Po Lyon a été spécialist­e de l’histoire politique des États-Unis, et l’auteur entre autres ouvragesg de ‘Le président des États-Unis - Un pouvoir impérial’ (éd. Gallimard Découverte­s). Actuelleme­nt professeur invité à l’université de Virginie, il tiendra pour ‘Le nouvel Economise’ une chronique américaine hebdomadai­re avec Anne Toulouse, journalist­e franco-américaine auteur de ‘Dans la tête de Trump’ (éd. Stock). Cette chronique à deux voix, celle de l’universita­ire et celle de la journalist­e, vise par des éclairages complément­aires à suivre la présidence Trump sous l’angle, pour Anne Toulouse, de l’exercice du pouvoir, et pour Vincent Michelot de son impact sur les États-Unis.

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