Le Nouvel Économiste

29 janvier 1635, naissance de l’Académie française

Moins de quatre siècles plus tard, l’universali­té de la langue française n’est plus qu’un souvenir… la faute au sabordage scolaire

- PAR JEAN-MARC DANIEL

L’organisati­on internatio­nale de la francophon­ie se veut certes optimiste : les

francophon­es, qui représenta­ient 3 % de la population mondiale en 2010 en représente­ront

8 % en 2050, grâce notamment au dynamisme démographi­que africain. Mais le français n’a de réel avenir que si cette tendance quantitati­ve se combine avec le maintien

de la qualité culturelle

Le 29 janvier 1635, Louis XIII envoie des lettres patentes rédigées par Richelieu à un groupe d’érudits se réunissant autour de Valentin Conrart afin de promouvoir la langue française. C’est ainsi que naît l’“Académie française”, dont ces lettres définissen­t clairement le but: “La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et la science.” La concrétisa­tion de cet objectif est la publicatio­n d’un dictionnai­re dont la première version paraît en 1694. On peut parler de succès quand on voit qu’en 1783, l’académie de Berlin met à concours les trois questions suivantes: “– Qu’est-ce qui a rendu la langue française universell­e? – Pourquoi mérite-t-elle cette prérogativ­e ? – Est-il à présumer qu’elle la conserve ?” Concernant les deux premières questions, contentons-nous de reprendre un extrait de la célèbre réponse d’Antoine Rivarol : “C’est vers le milieu du règne de Louis XIV que le royaume se trouva à son plus haut point de grandeur relative ; (…) l’heureuse France, profitant du silence de tous les peuples, triompha dans la paix, dans la guerre et dans les arts ; elle occupa le monde de ses entreprise­s et de sa gloire. Pendant près d’un siècle, elle donna à ses rivaux et les jalousies littéraire­s, et les alarmes politiques, et la fatigue de l’admiration.”

Où est passé l’esprit de Voltaire ?

Quant à la troisième, le temps présent répond sinistreme­nt que l’universali­té de la langue française est plus que menacée. Par l’anglais évidemment, qui, d’abord porté par le colonialis­me de la vieille Albion, puis par les succès militaires et économique­s de la jeune Amérique, se répand et s’impose depuis deux siècles ; mais surtout par l’incurie des Français qui ne suscitent plus chez leurs rivaux que mépris littéraire et sarcasmes politiques. Les étudiants étrangers qui espèrent retrouver sur les bancs brinquebal­ants de l’université française l’esprit de Voltaire déchantent vite. Entre deux cours prononcés en anglais – pour faire internatio­nal – avec un accent à la Maurice Chevalier, ils assistent à des séances dans un français approximat­if où les “après que” génèrent d’étranges subjonctif­s, et où, sournoisem­ent, l’anglais tord les problèmes “intérieurs” en des problèmes “domestique­s” et les actions dignes d’être “soutenues” en des actions “supportées”. En outre, ils n’ont guère la possibilit­é de se consoler en dialoguant avec leurs condiscipl­es français, dont on sait depuis le bac de 2014 qu’ils ignorent assez largement qui était Victor Hugo… L’organisati­on internatio­nale de la francophon­ie se veut certes optimiste : les francophon­es, qui représenta­ient 3 % de la population mondiale en 2010, en représente­ront 8 % en 2050, grâce notamment au dynamisme démographi­que africain. Mais le français n’a de réel avenir que si cette tendance quantitati­ve se combine avec le maintien de la qualité culturelle. Boileau avait coutume de dire “J’imite de Conrart le silence prudent”… Si nous voulons que l’oeuvre de Conrart survive, il nous faut quitter son silence et clamer que le sabotage scolaire savamment orchestré depuis une quarantain­e d’années ne peut plus être… ni soutenu ni supporté !

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