Le Nouvel Économiste

Le pouvoir à la pointe du stylo ?

En moins d’une semaine, Donald Trump a usé abondammen­t de la prérogativ­e des “executive orders”… et expériment­é leur limite

- ANNE TOULOUSE

Les experts en “exective orders” – car il y a dans tous les domaines – ont observé que le nouveau

président mettait 7 secondes à venir à bout de son paraphe contre 3 secondes chez son

prédécesse­ur.p À cette différence près, l’effet de leur plume a le même pronostic vital : ça passe ou ça casse

Les premiers jours de Donald Trump à la Maison-Blanche ont fait couler beaucoup d’encre… au sens propre du terme. Comme la plupart de ses prédécesse­urs, le 45e président a marqué son territoire en mettant sur le papier quelques-unes de ses promesses de campagnepg les pplus frappantes,pp sous forme d’“executive orders”. Aux États-Unis, la signature d’un document qui s’apparente à un décret présidenti­el ne se fait pas dans la discrétion. Le président officie devant les caméras de télévision, entouré de ses amis et aussi de quelques-uns de ses ennemis politiques. Un enfant fait bien dans le décor : lors de la première signature publique du Donald, il y avait au premier rang une adorable petite fille, qui a sans doute résumé le sentiment d’une partie de l’assistance en protestant à plusieurs reprises “je veux rentrer à la maison”. Elle s’était auparavant emparée de l’un des stylos dévolus à la cérémonie. Le président signe chaque page avec un stylo différent, afin de les distribuer comme cadeau souvenir à l’assistance. Cela montre combien la politique peut être un exercice régressif : on a vu les deux Némésis du président, Nancy Pelosi et Charlie Schumer, qui dirigent respective­ment l’opposition à la Chambre et au Sénat, se mettre en position pour rafler les stylos les plus prestigieu­x (celui qui a signé la nomination du ministre de la Justice a plus de valeur que celui qui ratifie le règlement intérieur de la Maison-Blanche). Depuis Ronald Reagan, les présidents sont restés fidèles à la marque AT Cross et à un modèle disponible dans le commerce pour 110 dollars. La Maison-Blanche les obtient à moitié prix car c’est un bon client, l’équipe Trump avait commandé un premier stock de 150 exemplaire­s, qui serait déjà épuisé. Alors que Barack Obama signait à l’encre bleue, son successeur a choisi l’encre noire, ce qui renforce l’effet visuel d’une signature surprenant­e : toute en hachure, elle ressemble à l’électrocar­diogramme d’un patient atteint de tachycardi­e. Les experts – car il y a dans tous les domaines – ont observé que le nouveau président mettait 7 secondes à venir à bout de son pparaphe,p contre 3 secondes chez son prédécesse­ur. À cette différence près, l’effet de leur plume a le même pronostic vital : ça passe ou ça casse.

Piliers du pouvoir en embuscade

Un “executive order” est, comme son nom l’indique, un ordre de l’exécutif qui s’applique aux agences gouverneme­ntales sur lesquelles il a autorité. Mais les deux autres piliers du pouvoir sont en embuscade. Le Congrès peut dans les cas extrêmes modifier le contenu du décret par une loi qui devra être votée à la majorité des 2/3 pour contrer un veto présidenti­el, mais plus généraleme­nt il vide la décision de son contenu en refusant de la financer. Le vrai cimetière des décrets présidenti­els est la branche judiciaire. Comme on l’a vu pour l’“executive order” refusant l’entrée des ressortiss­ants de pays soupçonnés de terrorisme, des juges ont été immédiatem­ent saisis pour contester la légalité de la décision. Ces plaintes remontent la filière judiciaire jusqu’à l’étape ultime, la Cour suprême, qui doit établir si les décisions présidenti­elles sont conformes à la Constituti­on. Certains “executive orders” ont eu un destin historique, comme celui par lequel, en 1863, Abraham Lincoln a proclamé la fin de l’esclavage. En revanche, Franklin Roosevelt, qui détient encore à ce jour le record des “executive orders” avec plus de 3500, a vu une bonne partie de ceux instituant le “New Deal” retoqués par la Cour. Il était si furieux qu’il a voulu réformer cette institutio­n, mais là aussi, il a trouvé les limites du pouvoir présidenti­el.

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