Le Nouvel Économiste

Au secours, la politique industriel­le revient !

Alors même qu’il ne s’agit que de protéger les positions des entreprise­s existantes qui, le plus souvent, sont des canards boiteux en puissance

- BERTRAND JACQUILLAT

De partout se pose la question des sources du déclin séculaire de la productivi­té dans les économies occidental­es. Là est peut-être la raison : la croyancey en l’efficacité de l’État stratège, avec tout

ce que cela implique en termes de réglementa­tion, de fiscalité, de transferts contre-productifs à long

terme

La politique industriel­le, si chère aux gouverneme­nts français, ne semble plus d’actualité, sauf dans le programme d’un compétiteu­r éliminé dès le premier tour de la primaire de la Belle Alliance Populaire. Mais voilà que, tel Phénix, cette idée renaît de ses cendres dans deux pays chantres du capitalism­ep et du libéralism­e, la GrandeBret­agne et les États-Unis. Même si cette renaissanc­e se fait sous le couvert de négociatio­ns Brexit, de lois fiscales, d’accords commerciau­x, il s’agit toujours de bonne vieille politique industriel­le. La critique habituelle qui lui est faite est qu’il est vain de chercher à détecter les entreprise­s gagnantes du futur. La gestion de portefeuil­le a prouvé depuis longtemps l’inanité de cette quête du Graal. Mais cet objectif est tellement doux aux oreilles des politiques et du grand public que certains parmi les premiers n’hésitent pas à invoquer cet objectif qui surfe sur la crédulité du second, alors même qu’il ne s’agit que de protéger les positions des entreprise­s existantes qui, le plus souvent, sont des canards boiteux en puissance. Rien de nouveau à la suite du grand Fernand Braudel qui soulignait dans ‘Dynamique du capitalism­e’ que les entreprene­urs les plus puissants ont cherché à se protéger de la concurrenc­e avec l’appui du pouvoir en place, et qui rapportait qu’un marchand hollandais, écrivant à l’un de ses comparses de Bordeaux, lui recommanda­it de tenir secrets leurs projets, “autrement, ajoutait-il, il en serait de cette affaire comme de tant d’autres où, dès qu’il y a de la concurrenc­e, il n’y a plus d’eau à boire”.

Les entreprise­s “zombies”

La France n’a pas été immunisée contre ce lobbying patronal visant à venir en aide aux grandes entreprise­s industriel­les existantes. On l’a vu notamment avec le CICE et le niveau du Smic en dessous duquel appliquer les abaissemen­ts de charges. Le lobbying patronal plaidait pour 3,5 fois le niveau du Smic, ce qui concernera­it pratiqueme­nt toute l’industrie, alors que les études soulignent la moindre efficacité de l’abaissemen­t des charges sociales au-delà de 1,5 fois le Smic. Une nouvelle étude de l’OCDE montre le lien qui existe entre le nombre d’entreprise­s “zombies” dans une économie et le déclin de la productivi­té : une augmentati­on de 3,5 % de la part des entreprise­s zombies (définies comme ayant au moins 10 ans d’âge et un ratio d’Ebitda sur charges d’intérêt inférieur à l’unité au cours de trois années successive­s) entraîne un déclin de la productivi­té du travail de 1,2 % dans tous les secteurs. De partout se pose la question des sources du déclin séculaire de la productivi­té dans les économies occidental­es. Là est peutêtre la raison : la croyancey en l’efficacité de l’État stratège, avec tout ce que cela implique en termes de réglementa­tion, de fiscalité, de transferts contre-productifs à long terme. Les nouvelles positions américaine et anglaise risquent d’aggraver encore le problème, au grand dam de la croissance de l’économie mondiale, des consommate­urs comme des épargnants.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France