Le Nouvel Économiste

Changement de main

Le dynamisme de la société civile couplé à un dispositif fiscal avantageux, le tout au service de l’intérêt général

- NEJIBA BELKADI

“Créer une fondation, c’est décider d’affecter des moyens humains et financiers et s’engager de façon concrète et opérationn­elle en vue d’accomplir une oeuvre d’intérêt général sans recherche de profit ni volonté de servir des

intérêts privés” “Avant de créer une fondation, la prise de contact avec des fondations abritantes, les structures spécialisé­es comme l’Admical ou encore le Centre français des fonds et fondations,

est primordial­e”

Si l’État et les collectivi­tés ont longtemps été les garants de l’intérêt général, la maîtrise du secteur du mécénat, des projets associatif­s et de l’interventi­on sociale est lentement en train de passer entre les mains de la société civile. Entreprene­urs, particulie­rs, fondations et entreprise­s prennent en effet en charge, avec des moyensy qqui ne concurrenc­ent toutefois ppas ceux de l’État, une partie de la gestion des crises et des difficulté­s subies par la population française. Créer et faire prospérer une fondation n’est toutefois pas chose facile, raison pour laquelle des viviers de compétence­s se sont constitués pour répondre à la demande croissante des aspirants fondateurs en matière d’assistance juridique et financière. C’est très clair, le XXIe siècle sera celui des fondations”, peut-on lire sur le site du Centre français des fonds et fondations (CFF). Car le secteur des fondations est de plus en plus dynamique en France. En effet, leur nombre ne cesse de croître dans un contexte de crise économique et sociale où de plus en plus de particulie­rs souhaitent changer la donne et mettre en place des projets d’intérêt général. Le processus de création d’une fondation est toutefois exigeant. Si les raisons pouvant motiver la création d’une fondation sont nombreuses, il n’est pas aisé de le faire sans bénéficier de l’expertise de profession­nels établis dans le secteur. Afin notamment d’assurer un lancement réussi et bénéficier d’avantages fiscaux, s’entourer de conseiller­s juridiques et financiers est essentiel pour rendre possible un travail en réseau autour de la cause défendue par les fondateurs.

Création d’une fondation : comment et pourquoi ?

Contrairem­ent aux associatio­ns, la fondation repose sur l’engagement financier de ses créateurs : elle ne comporte pas de membres, mais des fondateurs. Concrèteme­nt, sept statuts juridiques de fonds et fondations existent aujourd’hui en France : fondation reconnue d’utilité publique (FRUP), fondation abritée, fondation d’entreprise, fondation de coopératio­n scientifiq­ue, fondation partenaria­le, fondation universita­ire et fonds de dotation. “En fonction de la nature des membres fondateurs (entreprise, particulie­r, université), du type de projet et/ ou du montant apporté à la création de la fondation, un statut sera défini”, précise Suzanne Gorge, secrétaire générale au CFF. Vient ensuite la rédaction des statuts de la nouvelle structure, qui méritent une attention particuliè­re, puis le suivi des formalités propres à la création de chaque type de structure. Comme dans le processus de création d’entreprise, une démarche exploratoi­re préalable s’impose afin d’identifier les organismes et les expertises capables d’accompagne­r les fondateurs. “Les compétence­s sont aujourd’hui disponible­s sur Internet. Par ailleurs, la prise de contact avec des fondations abritantes, les structures spécialisé­es comme l’Admical ou encore le Centre français des fonds et fondations, est primordial­e”, ajoute Pascale Humbert, responsabl­e mécénat et grands donateurs à la fondation Visio, qui s’est donnée pour objectif de favoriser le progrès technique dans le domaine de la déficience visuelle. Elle estime que “créer une fondation, c’est décider d’affecter des moyens humains et financiers et s’engager de façon concrète et opérationn­elle en vue d’accomplir une oeuvre d’intérêt général sans recherche de profit ni volonté de servir des intérêts privés”. L’objectif selon elle est surtout de soutenir une cause d’intérêt général et d’apporter des solutions qui bénéficier­ont à l’ensemble de la société. “Celles et ceux qui s’engagent dans la création d’une structure d’intérêt général sont philanthro­pes dans l’âme”, résume-t-elle.

L’État en retrait

La floraison de projets d’intérêt général provenant d’initiative­s privées témoigne du pouvoir grandissan­t de la société civile (associatio­ns, fondations, particulie­rs, entreprise­s) dans la gestion des affaires citoyennes. “Elle n’est pas étrangèreg au retrait progressif de l’État et des collectivi­tés locales, confrontés à l’obligation de rationalis­er leurs dépenses et leurs subvention­s, de la sphère de l’interventi­on sociale, laissant ainsi plus de place aux élans individuel­s. La société civile détient aujourd’hui beaucoup de moyens d’action”, explique Jean-Guillaume de Tocquevill­e, fondateur de la fondation Tocquevill­e, qui oeuvre au rayonnemen­t de la philanthro­pie et de la pensée d’Alexis de Tocquevill­e, et membre fondateur de la structure française du réseau philanthro­pique américain United Way. Raison pour laquelle le secteur privé est désormais perçu comme un partenaire par les pouvoirs publics, autrefois seuls garants de l’intérêt général. Avec l’apparition des nouvelles technologi­es, les moyens de communicat­ion entre associatio­ns, entre citoyens et entre entreprise­s sont pour leur part devenus plus horizontau­x et globaux, rendant la prise de décision plus souple et rapide tout en renforçant les moyens d’action. “On est passé d’une approche top-down à une approche bottom-up”, résume JeanGuilla­ume de Tocquevill­e. Une interactio­n entre le monde des affaires et celui de la philanthro­pie s’est ainsi dessinée, en lien avec la prise de conscience de l’importance de la RSE (responsabi­litép sociétale des entreprise­s). À tel point

Le secteur privé est désormais perçu comme

un partenaire par les pouvoirs publics, autrefois seuls garants

de l’intérêt général

qu’aujourd’hui, “beaucoup de jeunes diplômés ont désormais tendance à orienter leur choix vers les entreprise­s les plus actives dans la Cité”, ajoute celui-ci. Pascale Humbert

indique pour sa part que “pour un certain nombre de personnes privées ou de chefs d’entreprise, c’est aussi une façon, arrivé à un certain âge, de partager ce qu’on a reçu, d’apporter sa pierre à l’édifice, de se sentir utile pour la société et pour des population­s qui n’ont pas eu les mêmes chances”.

Les bonnes compétence­s

Il n’est toutefois pas aisé pour un réseau de fondateurs de lancer une activité d’intérêt général sans le recours à des experts ancrés dans ce milieu de plus en plus codifié. Les acteurs qu’il est essentiel de consulter sont de trois types. Il faut faire d’abord appel à des juristes spécialisé­s dans le droit des organismes sans but lucratif, à même de guider les fondateurs dans le choix du type de structure, la rédaction des statuts, la compositio­n des organes de gouvernanc­e, les délégation­s de pouvoir, etc. Vient ensuite “le notaire, chargé d’accompagne­r la réflexion autour des questions testamenta­ires, de donation entre vifs, de donation temporaire d’usufruit, etc.”, explique Suzanne Gorge. Enfin, le banquier est l’acteur clé permettant de gérer le dossier des dotations initiales et les questions liées aux sources de financemen­t et au budget prévisionn­el. “L’une des missions du Centre français des fonds et fondations est d’accompagne­r les porteurs de projets. Certaines rencontres et formations organisées par le centre s’adressent non seulement aux fonds et fondations existants et expériment­és, mais également aux porteurs de projets soucieux de se familiaris­er avec le secteur et intéressés par le partage d’expertises et de bonnes pratiques”, ajoute-t-elle.

Avantages fiscaux

Faire appel à ces viviers de compétence­s permet, outre de s’équiper des outils juridiques à même de faciliter la tâche du lancement de l’activité, de faire bénéficier la fondation d’avantages fiscaux. Pour encadrer la philanthro­pie et le mécénat, des dispositif­s fiscaux ont en effet été mis en place pour les entreprise­s et les particulie­rs. La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associatio­ns et aux fondations, dite “loi Aillagon”, a contribué de manière significat­ive à l’instaurati­on d’un cadre juridique et fiscal favorable au financemen­t d’initiative­s privées d’intérêt général, qu’elles émanent de citoyens ou d’entreprise­s. Les particulie­rs peuvent ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu (IR). En faisant un don à une fondation ou un fonds de dotation, ils bénéficien­t en effet d’une réduction d’impôt de 66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable. En outre, si le plafond de 20 % des revenus est dépassé, le bénéfice de la réduction peut être reporté sur les cinq années suivantes. “Autre avantage : la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)” précise Suzanne Gorge.

“Il s’agit d’un dispositif instauré par la loi n° 2007-1 223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (dite loi TEPA). Si une personne est redevable de l’ISF, la loi TEPA lui ouvre droit à une réduction d’ISF égale à 75 % du montant du don et limitée à 50 000 euros.”

Pour les entreprise­s, le nouveau dispositif issu de la loi du 1er août 2003 permet aux fondations d’entreprise de faire bénéficier l’entreprise et les salariés de réductions d’impôt.

Suzanne Gorge explique que “l’entreprise fondatrice bénéficie d’une réduction d’impôt de 60 % du montant des dons effectués par elle dans la limite de 5‰ de son chiffre d’affaires. Quant aux salariés, ils ont droit à une réduction d’impôt au taux de 66 % des sommes versées par eux dans la limite de 20 % de leur revenu imposable”.

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“En fonction de la nature des membres fondateurs (entreprise, particulie­r, université), du type de projet et/ou du montant apporté à la création de la fondation, un statut sera défini.” Suzanne Gorge, CFF.
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“Pour certaines personnes privées ou chefs d’entreprise, c’est une façon de partager ce qu’on a reçu, de se sentir utile pour la société et pour des population­s qui n’ont pas eu les mêmes chances.” Pacale Humbert, fondation Visio.
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“Beaucoup de jeunes diplômés ont désormais tendance à orienter leur choix vers les entreprise­s les plus actives dans la Cité.” Jean-Guillaume de Tocquevill­e, Fondation Tocquevill­e.

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