Le Nouvel Économiste

TRUMP POWER

Communique­r ou gouverner, l’impossible équation trumpienne

- VINCENT MICHELOT

La semaine qui vient de s’écouler n’a pas été bonne pour l’administra­tion Trump. Certes il dispose maintenant d’un cabinet, au moins pour les ministères essentiels, mais jamais dans l’histoire ppolitique­q des États-Unis un tel nombre desénaj teurs ne s’était opposé à des nomination­s d’ordinaire routinière­s. Il a même fallu, fait sans précédent, que le vice-président Mike Pence vote pour casser l’égalité 50-50 pourp la confirmati­on de la secrétaire d’État à l’Éducation, Betsy DeVos. Deux controvers­es d’importance ont encore un peu plus tendu les relations entre Sean Spicer, le porte-parole de la Maison-Blanche, et la presse : d’abord l’affirmatio­n selon laquelle l’opération militaire au Yemen qui a coûté la vie à un soldat des forces spéciales américaine­s et à de nombreux civils aurait été un incontesta­ble “succès”, ce qui a provoqué un échange amer et vindicatif entre John McCain, qui a toutes ses lettres de noblesse en matière d’héroïsme militaire et quelques qualificat­ions dans le domaine de la sécurité, et l’équipe de communicat­ion du président ; puis les révélation­s selon lesquelles, celui qui allait devenir le conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, aurait entrepris des négociatio­ns avec la Russie autour des sanctions qui frappent ce pays avant même que le président Trump ne prenne ses fonctions, une violation fort grave – si elle est avérée – des codes diplomatiq­ues qui veulent qu’il n’existe qu’une seule administra­tion, à l’époque celle de Barack Obama [Michael Flynn a d’ailleurs démissionn­é le 14 février, le lendemain de la rédaction de cette chronique,

ndlr]. Le Conseil de la Sécurité nationale, déjà fragilisé et sous la loupe après sa réorganisa­tion qui avait vu Steven Bannon nommé membre permanent alors que le chef d’état-major des armées et le directeur national du renseignem­ent étaient, eux, relégués à une participat­ion “ès qualités”, est aujourd’hui dans la tempête et, étrangemen­t, le capitaine-président est muet. Au même moment, la Corée du Nord lance un nouveau missile…

Le 24e des 100 jours

Et puis il y a la décision de la Cour d’appel fédérale du 9e circuit de ne pas lever la suspension du décret présidenti­el sur l’immigratio­n, qui va forcer l’administra­tion Trump soit à batailler devant les différents tribunaux fédéraux de district et d’appel qui ont été saisis par les opposants au décret, soit à demander la saisine en urgenceg de la Cour suprême des États-Unis, avec un résultat tout sauf assuré de la part d’un tribunal qui aura du mal à trouver cinq juges pour confirmer la constituti­onnalité du décret. D’où les déclaratio­ns ambiguës de la Maison-Blanche sur une probable “réécriture” du décret et l’attention des grands quotidiens américains portée au personnage de Stephen Miller, un militant conservate­ur de 31 ans qui serait l’auteur du décret. D’où aussi les déclaratio­ns de Neil Gorsuch, que Donald Trump a proposé à la nomination à la Cour suprême, qui décrit comme “découragea­ntes

et démoralisa­ntes” les attaques du président contre les magistrats et la remise en question de l’indépendan­ce du judiciaire. Dans ce contexte fort tendu, le président Trump a trouvé le temps de tancer vertement la chaîne de grands magasins Nordstrom qui avait eu le mauvais goût de cesser la distributi­on des produits de l’entreprise de sa fille Ivanka Trump, polémique amplifiée par un appel de Kellyanne Conway, conseillèr­e en communicat­ion de la MaisonBlan­che, à acheter des articles de mode de la marque Ivanka Trump. Pas de rappel à l’ordre ou de sanctions pour la conseillèr­e de Trump agent publicitai­re improvisé mais enthousias­te, qui fut simplement “conseillée” par les services juridiques de la présidence… Le problème est là : avant le 28 février, lorsque le président Trump s’adressera au Congrès, on ne saura toujours rien des priorités budgétaire­s, fiscales, diplomatiq­ues, sécuritair­es ou commercial­es des États-Unis. Obamacare simplement abrogé ou remplacé, mur construit et financé, grand programme de reconstruc­tion des infrastruc­tures lancé, renégociat­ion de l’Alena initiée, sanctions contre la Russie maintenues, baisse des impôts sur les ménages et les entreprise­s décidées ? On ne sait rien non plus de la relation que le président va construire avec la majorité républicai­ne dans les deux chambres. La transition est dure de la communicat­ion polémique et désordonné­e vers la gouvernanc­e constructi­ve et organisée. Mais nous n’en sommes encore qu’au 24e des fameux “cent jours” qui définissen­t une présidence.

Dans ce contexte fort tendu, le président Trump a trouvé le temps de tancer vertement la chaîne de grands magasins Nordstrom qui avait eu le mauvais goût de cesser la distributi­on

des produits de l’entreprise de sa fille

Ivanka Trump

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