Le Nouvel Économiste

TRUMP POWER

La guerre des nomination­s

- ANNE TOULOUSE TRUMP POWER

Lorsque le président Trump a évoqué la possibilit­é d’utiliser l’option nucléaire, il ne faut pas imaginer le Donald le doigt sur bouton rouge, prêt à embraser la planète. L’option nucléaire est une manoeuvre parlementa­ire introduite en 2013 par les démocrates pour faire passer rapidement le programme de Barack Obama, lorsqu’ils avaient encore la majorité au Sénat. Cela consiste à empêcher l’opposition de faire traîner un vote en se livrant à d’interminab­les discours par un procédé que l’on appelle le “filibuster” [faire de l’obstructio­n parlementa­ire, ndlr]. Le champion à ce jour inégalé du filibuster est le défunt sénateur Strom Thurmond qui, en 1957, a réussi à tenir la tribune pendant 24 heures et 18 minutes. L’orateur n’ayant pas le droit de s’interrompr­e, il s’était artificiel­lement déshydraté pour ne pas avoir à répondre à l’appel de la nature. Même si on ne voit plus de nos jours une telle déterminat­ion, quelques dizaines de sénateurs peuvent se relayer pour occuper le terrain. Il fallait une majorité des 3/5e pour les interrompr­e, elle a été réduite à la majorité simple, ce qui revient à donner la maîtrise du temps au parti majoritair­e, les démocrates ne semblant avoir imaginé qu’un jour ce ne serait plus eux ! Cela ne veut pas dire que l’opposition soit sans ressource dans la guerre de tranchée qui oppose l’exécutif et le législatif. On a eu la preuve depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui devrait jouer sur du velours avec une majorité dans les deux chambres. D’autres ont même réussi à s’accommoder d’une opposition dans les deux chambres, comme Ronald Reagan, mais cela suppose un sens de la négociatio­n politique et des relations humaines qui ne sont pas les points forts du 45e président. Cela explique que plus de trois semaines après sa prise de fonctions, il n’ait que la moitié de son gouverneme­nt en place, l’autre moitié attendant le bon vouloir du Sénat pour prendre les siennes.

Nomination­s en état de crise ouverte

Aux États-Unis, les nomination­s présidenti­elles doivent être ratifiées par la Chambre Haute. Cela se passe en deux étapes. Le candidat doit d’abord être interrogé par la commission correspond­ant à sa spécialité, par exemple celle des affaires étrangère g ppour l’aspirantp au Départemen­tp d’État. Ces commission­s n’ont qu’un pouvoir consultati­f, mais les auditions étant publiques et télévisées, elles sont toujours un grand spectacle au cours duquel les sénateurs essayent de se faire du temps d’antenne. La nomination part ensuite en séance plénière, où tous les sénateurs ont le droit de prendre la parole et ne s’en privent pas, jusqu’au moment où la majorité décide que cela suffit. Jusqu’à une époque récente, il était tacitement admis que le président avait le droit de choisir les membres de son gouverneme­nt et que le Sénat leur devait un vote de courtoisie, après les avoir raisonnabl­ement tourmentés. Cette bonne volonté a commencé à s’éroder dans les années 1980, jusqu’à atteindre actuelleme­nt un état de crise ouverte. Les nomination­s du gouverneme­nt Trump sont passées grâce à la majorité de deux voix dont disposent les républicai­ns, avec un épisode inédit dans les annales parlementa­ires, lorsque deux sénateurs de la majorité ont fait défection ppour ratifier la nomination de la ministre de l’Éducation Betsy DeVos. La dame avait eu un passage piteux en commission. Interrogée sur la présence d’armes dans les écoles, elle avait répondu que cela pourrait être utile en cas d’attaque par un grizzli. Elle se référait à un incident qui s’est réellement produit dans le Wyoming, mais depuis lors, elle est la tête de turc des émissions comiques. Le vote était bloqué à égalité sur son cas, ce qui renvoie l’arbitrage au viceprésid­ent. C’est donc Mike Pence qui est venu au Sénat faire entrer la ministre en fonction par la petite porte. Il risque d’avoir à y retourner, mais si les républicai­ns sont exaspérés, les démocrates ne vivent pas leur tactique d’obstructio­n dans un état d’esprit serein. Le Sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans, et en 2018, le roulement sera très défavorabl­e pour les démocrates qui auront 23 sièges en jeu contre 10 pour les républicai­ns. Ils sont tiraillés entre la pression des électeurs démocrates qui, furieux de l’élection Donald Trump, veulent une opposition extrême, et le fait que les électeurs moins engagés sont hostiles aux manoeuvres qui bloquent le fonctionne­ment des institutio­ns. Et il ne faut ppas oublier qque le pprincipal­p pparti aux États-Unis représente ceux qui n’en ont aucun : les Indépendan­ts.

Jusqu’à une époque

récente, il était tacitement admis que le président avait

le droit de choisir les membres de son gouverneme­nt et que le Sénat leur devait un vote de courtoisie, après les avoir raisonnabl­ement tourmentés. Cette bonne volonté a commencé à s’éroder dans les années 1980,

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