Le Nouvel Économiste

Philanthro­pie

Les domaines d’action du mécénat d’entreprise

- VANESSA CARRONNIER

Ces dernières années, le contexte de crise a eu une influence forte sur les domaines privilégié­s par les entreprise­s. Elles concentren­t désormais leurs efforts sur les enjeux de développem­ent humain Selon EY, les principaux domaines d’interventi­on sont l’éducation (58 %), l’action sociale contre la précarité et l’exclusion (49 %) et l’insertion profession­nelle (43 %). En queue de peloton se trouve le sport, choisi par 13 % des fondations seulement

En raison de son histoire, le mécénat reste perçu comme une façon de soutenir la culture. Pourtant, les entreprise­s mécènes agissent dans de nombreux domaines. Certains apparaisse­nt prioritair­es en temps de crise. Ainsi, l’action sociale, l’éducation et l’insertion profession­nelle figurent parmi les principaux champs d’interventi­on. La culture n’est pas délaissée pour autant, elle connaît un regain d’intérêt grâce au mécénat dit croisé. Les pratiques des petites et grandes entreprise­s diffèrent, mais la prise en charge du secteur de la jeunesse ne cesse de croître. Les mécènes cherchent à favoriser l’esprit d’entreprend­re et l’économie sociale, nouveaux remèdes potentiels aux problèmes sociaux.

Qui dit “mécénat” pense habituelle­ment “culture”. Historique­ment, cette forme d’action sociale apparaît en France pour soutenir et valoriser la production artistique. Pourtant, les champs d’interventi­on des entreprise­s mécènes sont en réalité très divers, tout en étant conditionn­és par un cadre réglementa­ire. Celui-ci prévoit qu’elles puissent intervenir auprès d’organismes ou de personnes exerçant “des activités présentant un intérêt général”. Une notion souvent associée aux projets comportant un aspect culturel, sportif, éducatif, social ou encore philanthro­pique. Ces dernières années, le contexte de crise a eu une influence forte sur les domaines privilégié­s par les entreprise­s. Elles concentren­t désormais leurs efforts sur les enjeux de développem­ent humain. “On observe que les fondations se recentrent sur leur territoire d’ancrage pour prendre en charge les urgences sociales les plus fortes, ce qui constitue d’habitude une compétence des collectivi­tés territoria­les”, décrit Sylvain Reymond, responsabl­e mécénat et investisse­ment citoyen du réseau Les entreprise­s pour la Cité. Cet organisme, qui regroupe 250 entreprise­s engagées dans une démarche de responsabi­lité sociétale, a publié en 2016, en partenaria­t avec le cabinet de conseil EY, un panorama consacré aux fondations et aux fonds de dotation. Résultat de cette étude : les principaux domaines d’interventi­on de ces structures sont l’éducation (58 %), l’action sociale contre la précarité et l’exclusion (49 %) et l’insertion profession­nelle (43 %). En queue de peloton se trouve le sport, choisi par 13 % des fondations seulement. “Face aux difficulté­s des institutio­ns, les entreprise­s et les fondations jouent un rôle beaucoup plus proactif dans la prise en charge des fragilités sociales, ajoute Sylvain Reymond. En oeuvrant à la recherche de solutions, elles deviennent des nouveaux boosters d’innovation sociale.”

Des pratiques distinctes

L’Admical, associatio­n destinée à favoriser le mécénat, publie également tous les deux ans un baromètre sur le secteur. D’après les chiffres de 2016, les entreprise­s agissent principale­ment dans les domaines du sport (48 %), du social (26 %) et de la culture (24 %). Ce résultat ne contredit pas pour autant le panorama concernant les fondations. “97 % des entreprise­s mécènes sont des très petites et moyennes entreprise­s (TPE et PME), numériquem­ent très présentes. Le sport reste l’un de leurs principaux domaines d’interventi­on, ce qui avantage ce domaine d’interventi­on au classement

général”, explique Sylvaine Parriaux, directrice générale adjointe de l’Admical, qui précise que les chiffres concernant les budgets donnent une vision plus juste de la réalité. Les montants les plus importants sont en effet consacrés au social (17 % du budget global de 3,5 milliards d’euros en 2015), à la culture (15 %) et à l’éducation (14 %). Les pratiques diffèrent ainsi selon la taille des entreprise­s. “Une petite structure va raisonner par rapport à son territoire. Sa motivation est d’y contribuer au-delà de son business”, souligne Sylvaine Parriaux. Comme vu ci-dessus, le sport est un domaine qui se prête particuliè­rement bien à cette ambition. Les grands groupes vont quant à eux chercher à être en cohérence avec leur stratégie responsabi­lité sociétale des entreprise­s (RSE). Ils ont tendance à choisir des actions qui font écho à leur domaine d’activité.

Mécénat croisé

Mais en ces temps de crise sociale, la culture est-elle vraiment délaissée ? Non, répondent de concert les observateu­rs du secteur. Ce domaine traditionn­el qui avait perdu des points a su se montrer innovant et regagne de l’intérêt. Désormais appréhendé sous un autre angle que l’acquisitio­n ou la restaurati­on d’oeuvres, il se transforme en outil de développem­ent humain. Le mécénat dit

Les actions entreprene­uriales qui s’inscrivent dans le courant de l’économie sociale et solidaire connaissen­t un soutien croissant. Ces dernières deviennent ainsi une catégorie à part

croisé conjugue ainsi la culture à d’autres problémati­ques, généraleme­nt sociales. “Donner accès à la connaissan­ce à un public en difficulté permet aux entreprise­s de prouver leur engagement, de renouveler leur soutien à la culture en intégrant cette dimension sociale”, commente Sylvaine Parriaux. On retrouve cette façon de faire chez la fondation Musique et radio, qui en a fait une de ses spécialité­s. Parmi ses actions, elle cherche à favoriser l’accès de tous les publics à la musique. D’autres travaillen­t de cette manière de façon plus ponctuelle. C’est le cas par exemple de la fondation Visio, qui développe des solutions d’assistance à la vie quotidienn­e pour les personnes aveugles ou malvoyante­s. Pour la première fois cette année, elle a décerné fin janvier, lors du festival de cinéma d’Angers Premiers Plans, un prix qui financera la mise en audio-descriptio­n d’un film dont le scénario a été primé. “L’objectif est de développer l’accessibil­ité du cinéma pour les personnes déficiente­s visuelles et de sensibilis­er les personnes qui feront les films de demain”, précise Pascale Humbert, son responsabl­e mécénat et grands donateurs.

Esprit d’entreprend­re

Les bénéficiai­res des actions de mécénat sont constitués de population­s fragiles au sens large (personnes peu qualifiées, aux revenus modestes, précaires etc.). Cependant, les entreprise­s accordent également une place croissante à la prise en charge de la jeunesse. Nombre d’actions, que ce soit en matière d’éducation, d’insertion profession­nelle ou de culture, ciblent spécifique­ment la jeunesse. La fondation Banque Populaire, qui fête ses 25 ans, attribue ainsi des prix à des musiciens, compositeu­rs ou personnes en situation de handicap âgés de moins de 30 ans et présentant un projet personnel précis. “Nous favorisons l’esprit d’entreprend­re en cherchant à aider les jeunes gens au moment où ils ont besoin de nous, en leur mettant le pied à l’étrier pour une carrière” témoigne Emmanuel Pouliquen, président de la fondation Banque Populaire. Depuis 2013, la fondation a créé une troisième catégorie destinée aux artisans d’art. “Ce clin d’oeil nous rapproche de nos origines, car la banque a été créée par des artisans”, précise Emmanuel Pouliquen. D’une manière plus générale, les actions entreprene­uriales, en particulie­r celles qui s’inscrivent dans le courant de l’économie sociale et solidaire, connaissen­t un soutien croissant. Ces dernières deviennent ainsi une catégorie à part. Elles représente­nt un nouveau modèle économique pour l’intérêt général, qui repose essentiell­ement aujourd’hui sur le don. L’économie sociale et solidaire est en effet perçue comme un nouveau moyen de répondre aux problémati­ques sociales d’une façon globale. Elle devrait donc continuer à gagner du terrain.

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“Les fondations se recentrent sur leur territoire d’ancrage pour prendre en charge les urgences sociales les plus fortes, ce qui constitue d’habitude une compétence des collectivi­tés territoria­les.” Sylvain Reymond, Les entreprise­s pour la Cité.
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“Donner accès à la connaissan­ce à un public en difficulté permet aux entreprise­s de prouver leur engagement, de renouveler leur soutien à la culture en intégrant cette dimension sociale”, Sylvaine Parriaux, Admical.

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