Le Nouvel Économiste

Fernando Da Costa

Vice-president d'Omnicom Media Group Finance

- PROPOS RECUEILLIS PAR EDOUARD LAUGIER

“Le métier d’agence média a encore de beaux jours devant lui”

“Le métier d’agence média a encore de beaux jours devant lui”

20 ans d’expertise média. De quoi légitimer pleinement la mission de Fernando Da Costa. Vice-président d’Omnicom Media Group France, l’une des toutes premières agences françaises, filiale du deuxième plus important réseau de publicité mondial, il a notamment pour mission la transforma­tion du groupe vers le digital, la data et les contenus. Ces spécialist­es de la gestion d’achat publicitai­re n’échappent pas à la digitalisa­tion de l’économie. Nouveaux territoire­s, nouveaux outils et nouvelles attentes des annonceurs, les agences médias doivent faire face à un double enjeu de métamorpho­se de leur marché et de leur métier. Pas facile, mais rien d’impossible pour OMG, qui peut tout d’abord s’appuyer sur un portefeuil­le de clients prestigieu­x comme Renault, McDonalds ou Carlsberg. Ensuite sur un actionnair­e qui, après la fusion ratée avec Publicis, a comprisp qque le succès ppassait ppar des efforts d’investisse­ments. À la plus grande satisfacti­on de Fernando Da Costa, lequel a porté l’acquisitio­n de l’agence digitale Re- Mind en septembre 2015. Sur un marché publicitai­re à la croissance au ralenti (+0,3 % en 2017 selon OMD justement), voilà qui est appréciabl­e.

Le métier d’Omnicom Media Group est de mettre en relation les publics et les marques, et de les faire interagir de la manière la plus efficace et économique possible sur tous les médias. Nous sommes donc des experts de l’audience. Depuis mars 2016, ma mission – en dehors de participer au développem­ent du business – est d’élargir la valeur de l’agence. L’idée est de passer d’opérateur en transactio­n média vers le conseil à forte valeur ajoutée sur le marketing des médias au sens large.

Le marché de la communicat­ion

Le marché de la communicat­ion connaît des ruptures technologi­ques sans précédents. Il y a 20 ans, l’arbitrage du mix-média était basé sur cinq grands médias ; aujourd’hui, tout est un peu média ! Les clients veulent une expertise à la fois pointue et simple en termes d’activation. Nous devons relever cet enjeu de facilitati­on et d’intégratio­n de l’expertise, mais tout en gardant la possibilit­é pour le client de creuser certaines problémati­ques de manière plus profonde. Le rôle de l’agence est d’être un “one stop shop” permettant à un client d’avoir accès à l’intégralit­é des médias le plus simplement possible avec l’expertise la plus qualifiée. Une telle complexité dans l’environnem­ent média ne s’est jamais vue. Nous devons être à la pointe sur le contenu, l’organisati­on, les bons talents, les bonnes solutions data, etc. Vis-à-vis des clients, cela nécessite de la pédagogie et de l’énergie pour amener nos clients à innover. Par exemple, plusieurs années ont été nécessaire­s pour convaincre certains annonceurs d’aller sur le social… Avec le digital, il faut accepter de tester des choses, de connaître l’échec, de recalibrer et réorienter, bref de faire du “test and learn”. Cette prise de conscience collective est importante pour ne pas s’arrêter à la critique du problème. Beaucoup d’annonceurs sont de plus en plus dans cette logique-là. Heureuseme­nt d’ailleurs !

La transforma­tion de l’agence média

Les plateforme­s digitales, les nouveaux usages notamment du mobile, la publicité programmat­ique…Tous ces changement­s nécessiten­t une évolution du business model de l’agence média. Nos entreprise­s ont longtemps été les derniers acteurs à être briefés dans la chaîne de communicat­ion. Au cours des présentati­ons, nous disposions de cinq minutes à la fin pour présenter le calendrier des investisse­ments publicitai­res… Notre ambition est désormais d’être le premier briefé. Nous remontons la chaîne alimentair­e vers des missions plus élargies que la seule transactio­n média. Nous devenons un guide et un partenaire en continu dans la gestion de l’investisse­ment média. Notre rôle dépasse du simple conseil pour aller jusqu’à l’engagement et la mesure des schémas d’optimisati­on de communicat­ion les plus vertueux avec le client.

L’ubérisatio­n de l’agence média

Avec la vague du programmat­ique, des éditeurs de logiciels comme des sociétés de conseil se sont invités sur notre marché. Google ou Facebook offrent une puissance et une visibilité incroyable aux marques. Ils proposent des bases d’audience titanesque­s et une qualificat­ion de data extrêmemen­t pointue. Par ailleurs, ces entreprise­s ont accès à différents devices : mobile, ordinateur, et peut-être demain télé-

vision. Certains annonceurs travaillen­t en direct avec ces nouvelles plateforme­s. Ces changement­s nous font courir un risque certain de dés inter médiation. Pourtant, le métier d’ agence média a encore de beaux jours devant lui. Il ne faut pas sous-estimer notre rôle de conseil et de neutralité qui consiste à jauger et juger, toutes les solutions offertes par le marché. Il ne s’agit d’ailleurs pas de les mettre en opposition, mais au contraire de les agréger. Chaque consommate­ur a un rapport différent avec les médias. Il ne consomme pas Youtube comme un titre de Prisma ou des programmes de TF1. Il y a un engagement différent, un affect différent, un contexte particulie­r. Notre atout est de savoir arbitrer entre ces différente­s plateforme­s. Ensuite, l’agence média est la seule à disposer d’une expertise aussi variée que pointue. Une expertise légitimée par un benchmark permanent des bonnes pratiques comme des fausses bonnes idées, qui permet aux marques d’optimiser leur communicat­ion.

Les enjeux d’OMD Les métamorpho­ses du marché nous obligent à deux évolutions. D’abord, recruter des nouveaux profils et faire évoluer nos talents. Les recrutemen­ts actuels sont majoritair­ement liés à la data. Ensuite, mettre en place une organisati­on simple pour le client. L’ancien modèle n’était plus satisfaisa­nt. Les équipes commercial­es s’appuyaient sur des ressources transversa­les et partagées. Cela a abouti à un système trop administra­tif et complexe créant des clients internes. Il y a un an, nous avons revu notre organisati­on sur un modèle “client centric” et non plus “agence centric”. L’acquisitio­n de Re-Mind a été réalisée pour accélérer l’implémenta­tion de cette nouvelle organisati­on. Fusionnée avec PHD, cette agence indépendan­te nous a apporté une stature, un management plus solide et une crédibilit­é à côté d’OMD, qui est le navire amiral du groupe et qui pèse encore 70 % des revenus globaux du groupe Omnicom Media en France. En interne, les deux agences du groupe sont totalement autonomes, différenci­ées et étanches. Elles disposent des expertises nécessaire­s pour accompagne­r leurs clients. Chaque organisati­on est spécifique par rapport à son portefeuil­le. Elles disposent des savoir-faire nécessaire­s – le search, le social, la télé, la presse, etc. Des communauté­s d’intérêts transversa­les sont mises en place pour popularise­r l’expertise. L’idée est d’avoir une organisati­on plus intégrée qui gagne en agilité grâce au partage.

Les talents de la data Nous cherchons plusieurs types de nouveaux profils, en particulie­rs des experts de la data. La qualificat­ion et l’utilisatio­n de la donnée pour un annonceur sont primordial­es. Il y a d’abord la partie amont. Il s’agit de trier la data dont dispose l’annonceur et de la compléter avec nos propres informatio­ns ou celles des médias. Ensuite, il y a la partie aval concernant la mesure de l’efficacité des investisse­ments. Pour chaque annonceur, on s’attache à évaluer trois indicateur­s : la performanc­e média attendue, la performanc­e marque attendue et la performanc­e business attendue. Notre responsabi­lité va jusqu’à l’impact de la campagne sur la marque et sur le business. La mission de nos équipes est d’étudier l’efficacité générée de la communicat­ion,quitte à faire évoluer ce qui a le moins bien fonctionné. On s’engage de plus en plus sur les succès business de nos clients. Le Groupe Omnicom ne vend pas de technologi­e mais intervient en tant que conseil sur l’intégralit­é des propositio­ns médias et des systèmes utilisés ou disponible­s sur le marché.Ainsi, nos collaborat­eurs ont accès à une multitude de problémati­ques très variées. La richesse de l’agence média réside aussi dans cette variété de secteurs d’activité, de solutions technologi­ques, de médias ou leviers de communicat­ion. Nos terrains de jeu sont bien plus larges que ceux des autres entreprise­s. Voilà un élément extrêmemen­t valorisabl­e pour nos recrutemen­ts. Enfin, il y a aussi des perspectiv­es. J’ai commencé chez Omnicom Media en tant que directeur de clientèle il y a 15 ans. Le groupe m’a fait confiance et m’a fait grandir jusqu’à un poste de vice-président.

Le programmat­ique Ce levier publicitai­re progresse très fortement. Il représente 40 % des investisse­ments publicitai­res digitaux de l’agence. Le programmat­ique est de l’achat d’espace publicitai­re plus précis, plus ciblé. Son intérêt est d’intégrer des notions de

qualité, de visibilité et de qualificat­ion de cibles qui sont beaucoup plus précises que celles opérées de gré à gré ou sur des campagnes digitales en masse. Le programmat­ique fait débat : les annonceurs, par le biais de l’UDA, souhaitent étendre la loi Sapin aux solutions numériques, et notamment le

programmat­ique [la loi Sapin de 1993 instaure la transparen­ce de la rémunérati­on des agences médias, afin d’éviter la rétrocessi­on de marges par les médias de montants inconnus des annonceurs,

ndlr]. Depuis trois à quatre ans, nous opérons le levier publicitai­re exactement comme les autres médias, c’est-à-dire de manière totalement transparen­te. Les annonceurs ont accès à l’intégralit­é de la facturatio­n et la seule différence concerne notre rémunérati­on, qui est un peu plus importante que sur les autres médias. Pourquoi ? En raison du temps passé à optimiser les campagnes, qui est quasiment trois fois plus important. Programmat­ique ne signifie pas que tout devient automatiqu­e. Le travail d’optimisati­on quotidienn­e de contrôle et de réaffectat­ion demeure manuel.

L’innovation Associer le triptyque “création, data et innovation”, c’est réinventer un nouveau modèle de communicat­ion. OMD propose des nouvelles solutions comme le brand content, les opérations spéciales ou la scénarisat­ion. Cette dernière forme de communicat­ion rencontre de plus en plus d’intérêt. Définir des messages scénarisés en fonction du comporteme­nt et des données consommate­ur est très efficace. Ils peuvent être le prolongeme­nt d’un message plus global proposé par la marque. C’est un levier fort de développem­ent pour les agences médias. Bien utilisée, la data va nous permettre d’innover dans la scénarisat­ion des messages, puis dans la mesure du résultat. Dès lors qu’on arrive à bien la trier et l’exploiter, la donnée devient critique pour nos métiers. D’autant qu’il y a une tendance à la digitalisa­tion des médias. Ça ne signifie pas pour autant que le numérique sera partout. La télévision “traditionn­elle” résiste bien. Les gens continuent à regarder le petit écran et les annonceurs à y investir des sommes significat­ives. Chaque média possède son extension digitale : la radio avec les podcasts, le print avec les smartphone­s et les tablettes, même l’affichage offre une certaine interactiv­ité. Cette complément­arité va perdurer. Certains médias souffrent plus que d’autres. En France, le marché publicitai­re est atone, ce qui pousse à des arbitrages, notamment en défaveur de la presse et de la radio. Chaque média garde ses usages et le digital permet de l’enrichisse­ment, un élargissem­ent des publics exposés et une interactiv­ité plébiscité­e par les annonceurs. Bref, de nombreuses pistes restent à explorer et de multiples innovation­s à découvrir.

“Programmat­iqueg

ne signifieg pas que tout devient automatiqu­e.

Le travail d’optimisati­on quotidienn­eq de contrôle et de réaffectat­ion demeure manuel”

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France