Le Nouvel Économiste

CONTRE COURANT

Le déclasseme­nt programmé de la France

- PAR PASCAL LOROT

La campagne électorale suit son cours en France. Tristement, au rythme d’annonces souvent irréaliste­s, pour ne pas dire démagogiqu­es, quand celle-ci n’est pas tout entière centrée sur des questions de personnes qui ne nous disent rien de la façon dont la France, mais aussi l’Europe, peuvent se projeter demain dans un environnem­ent qui, force est de le constater, ressort de plus en plus concurrent­iel. Pendant ce temps, le monde avance, vite, très vite même. Les nouvelles économies que l’on qualifiait jusquelà d’émergentes ont, de fait, émergé. Elles se structuren­t, se dotent des moyens de renforcer leur force de frappe économique et de partir à la conquête de marchés. Sans se soucier de nous. L’étude que vient de publier le cabinet PwC est révélatric­e et a un mérite ; elle souligne la nouvelle dynamique mondiale et son corollaire, notre déclasseme­nt pprogrammé. À horizon 2050, les États-Unis ne compteront plus ainsi que pour 12 % du PIB mondial contre 16 % en 2016, et l’Europe à 27 pour 9 petits pourcents, contre 15 % actuelleme­nt. La surprise n’est pas dans la progressio­n de la Chine (de 18 à 20 % de la richesse mondiale) voire de l’Inde (de 7 à 15 % du PIB monde),) mais dans celle d’États absents de nos préoccupat­ions et que l’on regarde souvent de loin, mais aussi de haut, avec un mélange de condescend­ance et de dédain. Et pourtant, si l’on compare ne serait-ce que le G7 – le club des 7 pprincipal­esp économies industrial­isées “historique­s”q (Allemagne,g Canada, États-Unis, Italie, Japon, France, États-Unis) – avec le E7, qui rassemble lui les sept économies émergentes les plus emblématiq­ues (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie), on observe une vraie dynamique en faveur de ces derniers. Si la richesse du E7 n’atteignait que la moitié de celle du G7 en 1995, les poids respectifs des deux ensembles s’équilibrai­ent en 2015. Et en 2040, la richesse du E7 sera, au dire de l’étude de PwC, le double de celle du G7 !

Comment continuer à exister ?

En ce qui concerne notre pays, la régression est spectacula­ire, et bien plus rapide qu’un pays comme le Royaume-Uni, dont la taille de la population et la richesse économique sont aujourd’hui plus ou moins identiques aux nôtres. Dès 2030, la France quittera le Top 10 mondial pour se retrouver au 12e rang à horizon 2050, derrière la Turquie et une très légèreg tête devant une Arabie saoudite suivie du Nigeria et de l’Égypte. D’aucuns critiquero­nt la méthodolog­ie adoptée, les calculs réalisés en parité de pouvoir d’achat, ou encore l’approche globale et non pas en PIB par tête, qui donne un bonus, en termes d’affichage, aux pays à démographi­e galopante. Peu importe. Ce qui compte en ce domaine, c’est la tendance et, en l’espèce, elle nous est très défavorabl­e. Alors, que faire pour continuer à exister dans un monde dont nous disparaiss­ons peu à peu ? L’Europe unie aurait un sens et permettrai­t de conserver un poids conséquent. Mais la façon dont celle-ci s’est construite, loin des peuples et confisquée par des cercles technocrat­iques, a tué dans l’oeuf un projet qui aurait pu emporter l’adhésion des Européens s’il avait été plus démocratiq­ue. En attendant que l’Europe se reconstrui­se pour ne pas disparaîtr­e, essayons, nous Français, à l’occasion de cette campagne présidenti­elle, d’élever le débat et de (re)bâtir un projet qui nous offre des perspectiv­es et nous permette de rester ce que nous avons été tout au long des trois à quatre siècles passés : un grand pays ouvert sur le monde et en position de l’impacter en maints domaines. Je crains malheureus­ement qu’une majorité de nos aspirants présidents n’aient pas pris la vraie mesure de l’enjeu…

Dès 2030, la France quittera le Top 10 mondial pour se retrouver au 12e rang à horizon 2050, derrière la Turquie et une très légère tête devant une Arabie saoudite suivie du Nigeria et de l’Égypte

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