Le Nouvel Économiste

Défiscalis­ation

Même si sa rentabilit­é est faible et les contrainte­s importante­s, la loi Pinel a permis une reprise du marché de l’immobilier locatif

- SOPHIE SÉBIROT

Les pour et les contre du dispositif Pinel

La loi Pinel a permis de démocratis­er l’investisse­ment immobilier en permettant à certains d’investir dans la pierre pour la première fois

Équitable, souple et vertueuse pour les uns, survendue pour les autres, la loi Pinel, prorogée jusqu’à la fin de l’année, ne fait pas forcément l’unanimité. Certes, ce dispositif de défiscalis­ation a relancé le secteur de la constructi­on dans le neuf ces deux dernières années. Il dispose également d’atouts, à condition toutefois de respecter certaines règles bien précises et d’investir au bon endroit. Faut-il profiter de sa prolongati­on pour investir, ou bien lui préférer d’autres investisse­ments immobilier­s plus rentables ? Le débat n’est pas complèteme­nt tranché.

Prolongée jusqu’à fin 2017, la loi Pinel a réconcilié les Français avec l’investisse­ment locatif. Les investisse­urs ont répondu présents, attirés par des avantages fiscaux et des taux d’intérêt encore bas. Par ailleurs, depuis deux ans, la constructi­on d’immeubles neufs à visée locative a été dopée. Les autorisati­ons de construire et les mises en chantier de logements collectifs neufs ont augmenté respective­ment de 19 % et 13,4 % en 2016 par rapport à 2015, selon la Fédération des promoteurs immobilier­s. “La loi Pinel a permis une reprise du marché de l’immobilier neuf, stoppé nette par la loi Duflot”, déclare William Truchy, directeur général régions chez Kaufman &

Broad. “La politique du logement depuis 2014 a apporté de réels bénéfices en matière de confiance pour les bailleurs privés et de solvabilit­é pour les jeunes primo-accédants”, confirme Jean-Philippe

Ruggieri, directeur général délégué “clients particulie­rs” chez Nexity. De fait, la loi Pinel a permis de démocratis­er l’investisse­ment immobilier en permettant à certains d’investir dans la pierre

pour la première fois. “La loi Pinel est plutôt vertueuse : elle a favorisé la constructi­on de logements neufs dans des zones tendues, elle offre des avantages fiscaux, permet de loger ses ascendants ou descendant­s et de compléter sa retraite”, résume Nathalie Watine, directrice générale en charge de la transforma­tion numérique et de la relation institutio­nnelle de Bouygues Immobilier, chargée auparavant du logement en France.

Un dispositif contraigna­nt

Parée d’atouts, la loi Pinel est cependant soumise à de nombreuses contrainte­s qu’il faut

connaître pour investir utile. “La loi Pinel a apporté un vent de liberté à la loi Duflot ; elle l’a assoupli mais les vraies contrainte­s n’ont pas changé”, reconnaît Jean-Philippe Ruggieri. L’investisse­ment en Pinel ne peut se faire que dans des zones très précises, où la demande en logements est tendue. Seules 600 villes sont concernées. L’investisse­ment est limité à 300 000 euros. Le prix du loyer est plafonné et la loi impose un plafond de ressources au locataire. Par ailleurs, acheter un logement neuf en état futur d’achèvement implique qu’il faut prendre en compte la durée de constructi­on du programme neuf, ce qui peut retarder de plusieurs mois le paiement du premier loyer et donc le retour sur investisse­ment.

“Trop de contrainte­s tuent l’investisse­ment”, commente Renaud Deneux, directeur du développem­ent chez Buildinves­t, spécialisé dans les opérations de défiscalis­ation immobilièr­e. En outre, pour ce dernier “les constructi­ons ne se font pas toujours dans les meilleurs secteurs”. Or, en matière immobilièr­e, l’emplacemen­t est primordial. Ce que confirme Jean-François Fliti, fondateur associé d’Allure Finance, spécialisé­e dans la gestion de patrimoine : “l’investisse­ment dans la pierre est intéressan­t à condition de privilégie­r l’emplacemen­t et la revente. Pour faire une plus-value à la revente, il faut être certain que l’investisse­ment soit réalisé dans une zone rentable, ce qui n’est pas forcément le cas avec la loi Pinel”.

Un zonage à revoir Car les zones constituen­t une contrainte importante du dispositif Pinel. Et elles sont largement décriées par la profession qui en

demande la révision. “Certains zonages sont illogiques. Investir en zone B2 n’a aucun intérêt”, déclare

William Truchy. “La loi Pinel gagnerait à bénéficier d’une cartograph­ie plus fine des zones tendues. En zone Abis, il faudrait mettre en place au moins 6 ou 7 ‘souszones’ ”, confirme Jean-Philippe Ruggieri. Ce zonage peut par ailleurs avoir pour conséquenc­e l’émergence de quartiers-ghettos et engendrer à terme le risque d’une bulle immobilièr­e en cas de revente massive et simultanée de logements Pinel. Un argument que réfutent les promoteurs. “Les taux de vacances locatives sont très faibles. Les projets Pinel sont construits dans des zones où existe un véritable besoin locatif. Le risque de se retrouver avec trop de logementsg neufsf n’existe pas”, estime Nathalie Watine. À voir, car le Laboratoir­e de l’immobilier a publié récemment une liste de 64 communes éligibles au dispositif Pinel à éviter ou à surveiller, en raison

des risques locatifs potentiels.

William Truchy admet : “le risque de vacance locative existe. C’est la raison pour laquelle il faut bien choisir son bien, tenir compte de l’emplacemen­t et des besoins des futurs locataires, notamment en matière de transports en commun et de services”. “La loi Pinel est une loi de masse. Il y aura forcément des mécontents à la revente”, souligne Renaud Deneux.

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“La loi Pinel a apporté un vent de liberté à la loi Duflot ; elle l’a assoupli mais les vraies contrainte­s n’ont pas changé.” Jean-Philippe Ruggieri, Nexity.
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“Le dispositif Pinel a le mérite d’exister, mais il est moins rentable que le Scellier ou le Périssol.” Jean-François Fliti, Allure Finance.

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