Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Le triomphe des ETF

- PAR BERTRAND JACQUILLAT

Tel était le titre de l’article en couverture du magazine ‘Business Week’, avec pour sous-titre “For all their expertise, they can’t even beat the SSP 500 index”. C’était en 1985, il y a plus de 30 ans. Et la situation n’a fait que s’accélérer depuis, les gestions actives ont le plus grand mal à battre leurs indices de référence, d’où le triomphe de la gestion indicielle qui se manifeste principale­ment sous forme d’un produit au succès fulgurant, l’ETF (Exchange Trading Fund) dont on estime qu’il recouvre plus de 4 000 milliards de dollars sous gestion dans le monde. Le sigle ETF recouvre plusieurs formes de gestion passive ou indicielle, mais la plus populaire et la plus simple est celle qui vise à répliquer un indice général d’actions comme le S&P’s 500 américain, ainsi en vat-il de l’emblématiq­ue Total Stock Market Index Fund de Vanguard,g même si ce n’est pas la seule forme de gestion passive. À côté des ETF qui sont cotés, et dont on peut acheter les titres de manière continue comme toute autre action, coexistent les fonds mutuels de gestion passive, dont on peut demander tous les jours le remboursem­ent à la valeur nette comptable calculée après la clôture de la bourse. Malgré ces succès fulgurants, on estime que seulement 5 % de l’univers des actions cotées sont gérés dans des ETF. Il y a donc encore de la marge mais la donne change continuell­ement. Qu’on en juge. Apple est la société dont l’action fait l’objet du volume quotidien de transactio­ns le plus élevé (plus de 3 Md$), à comparer à 14 Md$ pour l’ETF le plus important, State Street S&P 500. Cinq ETF figurent dans les 10 titres ayant les plus forts volumes de transactio­ns aux côtés d’Apple, Facebook, Alibaba, Amazon et Lockheed Martin.

Industrie en disruption

En 2016, la collecte de l’épargne en actions se fait largement à l’avantage des ETF (240 Md$) et de la gestion passive (contre 130 Md$ dans des fonds mutuels classiques américains), pour les raisons mises en avant il y a plus de 30 ans par l’article de ‘Business Week’. Le phénomène est accentué par les frais de gestion, en moyenne plus de 10 fois plus élevés dans la gestion active, et c’est normal… Il faut bien rémunérer les gérants qui prétendent vous faire bénéficier de leur expertise et battre le marché ! Et les frais ne cessent de baisser avec la consolidat­ion des sociétés de gestion dans une industrie très technologi­que d’économies d’échelle. Les deux plus importants promoteurs, Blackrock et Vanguard, contrôlent plus de 55 % de la gestion globale ETF, contre 52 % en 2012. Et c’est cette concentrat­ion qui fait peur à certains pour des raisons diverses : le risque systémique en est une, l’absence d’incitation­s et de contrôle sur les sociétés cotées qu’implique cette forme de gestion qui se défausse de son rôle d’évaluateur d’entreprise en est une autre ; une troisième est liée à la concentrat­ion du secteur dans un cartel de promoteurs, ce qui suscite d’une firme de Wall Street très respectée pour sa recherche, une étude au titre révélateur ‘La route silencieus­e de la servitude : pourquoi la gestion passive est pire que le marxisme’. Aucune de ces craintes n’est sérieuse, elles ne font que masquer celles d’une industrie en disruption.

Blackrock et Vanguard, contrôlent plus de 55 %

de la gestion ETF. Cette concentrat­ion fait peur à certains : risque systémique, absence

d’incitation­s et de contrôle sur les sociétés cotées qu’implique cette forme de gestion ; concentrat­ion du secteur dans un

cartel de promoteurs

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