Le Nouvel Économiste

Allez les petits !

Les candidats indépendan­ts, sel de notre démocratie... à deux tours

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PHILIPPE PLASSART Ils sont de prime abord bien encombrant­s. Trop maladroits, à la fois hésitants et péremptoir­es, hors des chemins balisés et des propos convenus, ou à l’inverse adeptes d’une langue de bois d’un autre âge, souvent monomaniaq­ues, bref quasi insupporta­bles et en tout cas pas dans le moule des présidenti­ables jugés sérieux. “Ils”, ce sont ces “petits candidats” qui ont connu leurs trois heures de gloire lors du grand débat des onze avant de retourner dans leur anonymat. Cheminade, Asselineau, Arthaud, Poutou, Lassalle. Au moins ceuxlà ont-ils la chance cette fois de concourir, ayant passé le cap difficile des 500 parrainage­s. Un obstacle qui a été rédhibitoi­re à quelques autres personnali­tés un

écrivain (Alexandre Jardin), un général (Didier Tauzin), une élue locale (Charlotte Marchandis­e), et même une ex-star des sondages, préférée des Français (Rama Yade) et bien d’autres encore. Or ces “petits candidats”, souvent regardés de haut, sont utiles au “concert démocratiq­ue que doit être une élection présidenti­elle qui ne peut devenir le monopole des grands partis et

des grands médias”, souligne Pascal Perrinaud, politologu­e sur le blog des anciens élèves de Sciences Po. Porteurs selon ce dernier d’une cause trop négligée – l’écologie, le fédéralism­e européen, les intérêts de la ruralité –, incarnatio­ns de sensibilit­és politiques minoritair­es mais importante­s – le souveraini­sme, la protestati­on d’extrême gauche –, porte-parole d’une dissidence au sein de partis par trop monolithiq­ue, ces candidats participen­t du pluralisme nécessaire au premier tour d’une élection qui en comporte deux, et qui offre ce luxe démocratiq­ue aux citoyens de pouvoir, selon l’adage, “choisir au premier tour avant d’éliminer au second”.

Partisans et indépendan­ts

Une question : entre les “petits”, ne convient-il pas d’opérer un distinguo entre ceux qui émanent d’un parti, fut-il groupuscul­aire, dont le rôle – qui est de concourir à l’expression du pluralisme politique – est reconnu par la Constituti­on, et ces individus qui ne représenta­nt qu’eux-mêmes et qui tentent l’aventure, comme Marcel Barbu, illustre inconnu qui défia le général de Gaulle lors de la première élection présidenti­elle au suffrage universel en 1965 ? La rencontre d’un individu avec le peuple ! Le général n’avait-il pas voulu l’élection ainsi, au risque de laisser la porte ouverte, aux ambitions démesurées de “zozos” ? Force est de le constater : Ces “hurluberlu­s” n’en ont pas moins souvent mûri depuis fort longtemps leur “projet présidenti­el”. Avec sous-jacent, un diagnostic sur l’état du pays qui n’est en rien délirant. Chantre de la régénérati­on par la société civile, Alexandre Jardin “ne veut pas être le président de Paris mais être le président de tous les citoyens français et des territoire­s”. Jean

Lassalle, “expression d’une France profonde en colère”, a pris son bâton de berger pour aller à la rencontre des Français : 215 jours de marche, plus de 5 000 kilomètres dans 17 régions. “Les Français n’en peuvent plus. Ils se sentent trahis par les politiques. Ils ont senti le monde basculer sous leurs pieds, emporté par une spéculatio­n financière devenue folle, sans contre-pouvoirs” rapporte le Béarnais. Une observatio­n alarmante sur l’état du pays que le général Didier Tauzin reprend à son compte en majorant les risques. “Après avoir sillonné la France pendant deux ans (…), j’affirme que, dans certaines régions, les mécanismes psychologi­ques qui

peuvent conduire à la guerre civile sont bien en place. Je les connais

malheureus­ement bien.” Charlotte Marchandis­e, qui est sortie victorieus­e de la primaire citoyenne, a trouvé sa source d’inspiratio­n pour porter ses “25 mesures essentiell­es des Jours Heureux” dans l’appel d’Edgar Morin ‘Changeons de Voie, Changeons de Vie’ autour des valeurs d’humanisme, de paix, d’écologie et de justice sociale. Bref autant de sensibilit­és qui forment le patchwork d’une France 2017 à la fois inquiète et déboussolé­e, en quête de repères. Et dont l’expression des nuances dans leur variété même a toute sa place dans une élection à deux tours.

Ces “hurluberlu­s” n’en ont pas moins souvent mûri depuis fort longtemps leur “projet présidenti­el”. Avec sousjacent, un diagnostic sur l’état du pays qui n’est en rien délirant

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