Le Nouvel Économiste

MÉCOMPTES PUBLICS

Retenue à la source : arrêter la machine infernale

- PAR FRANÇOIS ECALLE

L’intérêt du prélèvemen­t à la source de l’impôt sur le revenu (IR) sera très limité pour les ménages, puisqu’il obligera la plupart d’entre eux à payer des acomptes plus élevés. En outre, le prélèvemen­t de ces acomptes sera bien plus compliqué. Cette réforme ne changera rien à la déclaratio­n, au calcul et au paiement de l’impôt, qui auront toujours lieu l’année suivante. En effet, un IR progressif ne peut pas être prélevé en temps réel et il ne l’est dans aucun pays, car c’est un impôt dont le taux augmente avec le revenu annuel. Pour déterminer le taux de prélèvemen­t de l’IR, il faut connaître tous les revenus, de tous les membres du ménage en France, sur toute l’année, ce qui n’est possible que l’année suivante. Contrairem­ent à ce que laisse entendre l’expression trompeuse “prélèvemen­t à la source”, cette réforme ne concerne que les acomptes dus au titre de l’IR. Aujourd’hui, c’est très simple : l’administra­tion prélève sur le compte du contribuab­le chaque mois un dixième, ou chaque trimestre un tiers de l’impôt payé l’année précédente ; les entreprise­s ne sont en rien concernées.

Le casse-tête d’un profond changement Avec cette réforme, les entreprise­s prélèveron­t ces acomptes sur les salaires et les reverseron­t à l’administra­tion, qui devra contrôler ces opérations. Pour les entreprise­s, ce sera bien plus compliqué qu’ajouter une ligne à leur déclaratio­n sociale. En effet, s’agissant des cotisation­s sociales et de la CSG, elles appliquent la même formule de calcul à tous les salaires pendant toute l’année ; avec la retenue à la source, elles devront appliquer un taux de prélèvemen­t différent pour chacun de leurs salariés, taux qui pourra être modifié en cours d’année si, par exemple, le salarié déclare la naissance d’un enfant. Pour les ménages, au lieu d’un seul prélèvemen­t mensuel, s’ils sont mensualisé­s, ils pourront subir plusieurs prélèvemen­ts mensuels, pas nécessaire­ment simultanés, soit un sur chaque source de revenu (une retenue sur les salaires de chaque membre du foyer, des “acomptes contempora­ins” sur les revenus non salariaux…). Il n’y aura aucune “année blanche”. En 2017 sera payé l’impôt sur les revenus de 2016 ; en 2018 seront payés des acomptes au titre des revenus de 2018, acomptes le plus souvent supérieurs à ce qu’aurait été l’impôt sur les revenus de 2017, et un impôt sur les revenus exceptionn­els de 2017. La définition des revenus exceptionn­els risque de donner lieu à bien des litiges. Une telle réforme ne peut pas être “expériment­ée”. La gestion de deux années de transition successive­s dans des sens opposés serait un casse-tête, notamment parce que cette réforme requiert de profonds changement­s des systèmes d’informatio­n des administra­tions et des nouveaux collecteur­s de l’impôt. La seule question qui se posera au nouveau gouverneme­nt sera de savoir si la machine administra­tive peut encore être arrêtée ou si le saut dans l’inconnu est inévitable.

La seule question qui se posera au nouveau gouverneme­nt sera de savoir si la machine administra­tive peut encore être arrêtée ou si le saut dans l’inconnu

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