Le Nouvel Économiste

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ

Le prévisionn­iste, plus fort que le sondeur

- PAR BERTRAND JACQUILLAT

La seule chose dont on puisse être certain quant à l’avenir, c’est son incertitud­e. Et pour surmonter celle-ci, il existe plusieurs approches, notamment dans le domaine électoral. On peut d’abord se fier aux sondages. Même rigoureux, ils ne représente­nt qu’une photograph­ie de l’opinion au moment où ils sont réalisés, et leurs résultats récents ont été décevants tant est grande la volatilité électorale (l’élection présidenti­elle américaine de 2016, le référendum du Brexit, les primaires de la droite et de la gauche en France, etc.).On peut aussi s’appuyer sur le jugement des experts. Cette source est sans doute encore moins fiable que la précédente, pour des raisons que nous avons déjà soulignées dans ces colonnes. Nous y présention­s deux types d’experts : les hérissons et les renards. Les premiers sont plus idéologues et donnent des réponses simples, immédiates, souvent vagues mais exprimées avec une grande confiance. Ils sont de bons “clients” pour les médias qui les invitent pprioritai­rement sur les pplateaux, mais de piètres prévisionn­istes. À l’inverse des renards, qui sont de mauvais “clients” pour les médias parce que moins sûrs d’eux, plus analytique­s, plus réfléchis, mais qui sont de meilleurs prévisionn­istes parce qu’ils décortique­nt les problèmes. Troisième source d’éclairage du futur, les marchés de prévision (prediction markets) quand ils existent, qui traitent des contrats, par exemple sur les chances de tel ou tel candidat à une élection de l’emporter. Si un tel contrat se traite pour 30 cents et que vous pensez que le candidat a 60 % de chance de l’emporter, vous l’achetez. Si tel est le cas, l’acheteur gagne 1 euro, et zéro sinon.

Super-prévisionn­istes contre sondages Il y a une dernière source qui est celle des groupes structurés de prévision, à l’image du Good Judgment Project (GJP), constitué de milliers de prévisionn­istes chevronnés rassemblés par Philip Tetlock de l’Université de Pennsylvan­ie, et adossé à l’IARPA (Intelligen­ce Advanced Research Projects Activity), une agence de recherche au sein des services de renseignem­ents américains. Celle-ci avait ouvert un concours auprès de cinq organismes similaires sur un programme de prévision s’étalant sur cinq ans. Au bout de deux ans, c’est le groupe de Tetlock qui fut seul invité à continuer, tant sa supériorit­é sur les autres était éclatante. Dans son ouvrage ‘Superforec­asting, The Art and Science of Prediction’, Tetlock décrit la méthodolog­ie de ce vaste projet de recherche qu’il a dirigé pendant près de 5 ans en impliquant plus de 20 000 volontaire­s régulièrem­ent sollicités pour donner leurs prévisions sur des milliers de sujets géopolitiq­ues, électoraux ou financiers, avec les “dix commandeme­nts” que tout bon prévisionn­iste doit suivre. Les résultats sont époustoufl­ants. Les équipes de prévisionn­istes ordinaires ont des résultats 10 % supérieurs à la sagesse des foules (les prévisions par équipe de prévisionn­istes sont supérieure­s à la moyenne des prévisions de leurs membres). Les marchés de prévision ont un score supérieur de 20 % aux résultats des équipes de prévisionn­istes ordinaires. Et enfin, les équipes de super-prévisionn­istes ont des résultats de 15 % à 30 % encore supérieurs. Voilà pourquoi de telles méthodes de prévision sont supérieure­s aux autres, et notamment aux sondages. C’est ainsi qu’une équipe de prévisionn­istes autour d’un gérant de portefeuil­le sud-africain avait prévu la victoire à l’élection présidenti­elle du Honduras de 2013 de Hernandez contre Castro, favori des sondages ! De quoi donner des idées…

Les marchés de prévision ont un score supérieur de

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