Le Nouvel Économiste

ÉPHÉMÉRIDE

5 avril 1939 : la réélection d’Albert Lebrun

- JEAN-MARC DANIEL

En ces temps d’élection présidenti­elle, un petit retour en arrière sur une élection passée ne fait pas de mal. Nous choisisson­s celle du 5 avril 1939. Ce jour-là, Albert Lebrun est réélu président de la République. Il ne le sait pas encore, mais il sera le dernier président de la Troisième République. Réélu, car il a été élu une première fois le 10 mai 1932, le mandat étant alors un mandat de 7 ans. Le moins que l’on puisse dire est que son premier septennat a été agité. Hitler s’est installé au pouvoir à Berlin en janvier 1933. Quelques jours avant la réélection de Lebrun, le 15 mars 1939, l’Allemagne, s’asseyant sur les pourtant honteux accords de Munich, achève de détruire la Tchécoslov­aquie, une démocratie alliée de la France. Sur le plan économique, la France, qui se croyait encore en 1932 à l’abri de la crise venue des États-Unis, s’estenfony cée. Elle a essayé la déflation Laval puis la dévaluatio­n Blum, avant que sur le tard, Paul Reynaud, savamment conseillé par Alfred Sauvy, ne fasse comprendre au pays que son drame est le malthusian­isme qui le pousse à croire qu’en réduisant le temps de travail, on résout le problème du chômage.

Le “chialant qui passe” C’est donc en plein désarroi que la classe politique décide de reconduire ce Lorrain, ancien major de Polytechni­que et archétype du technocrat­e. Dans l’opinion publique, il est surtout célèbre pour sa propension à pleurer. Les chansonnie­rs l’ont surnommé le “chialant qui passe” en référence au “chaland qui passe”, un tube de l’époque. Pourquoi s’intéresser à ce personnage terne, alors même que la comparaiso­n de son élection avec celle d’aujourd’hui est d’autant moins raison que les pouvoirs d’un président de la IIIe République ne sont pas ceux d’un président de la Ve ? Pour le plaisir d’un bon mot ! Celui du général de Gaulle à son sujet. Nous sommes en octobre 1944. De Gaulle est à la tête du Gouverneme­nt provisoire de la République française (le GPRF). Lebrun demande à le voir. De Gaulle le reçoit immédiatem­ent. Lebrun lui fait part de son soutien et son admiration mais précise que, formelleme­nt, il est toujours le président de la République puisqu’il n’a pas démissionn­é. De Gaulle l’éconduit poliment et commente, dans ses Mémoires : “Au fond, comme chef de l’État, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État.” Aujourd’hui, un État, il y en a un ; il est même lourdement présent. Mais cette omniprésen­ce ne conduit-elle pas au fait qu’en fin de compte, il n’y a plus vraiment de chef ?…

“Au fond,, comme chef de l’État, deux choses lui avaient manqué :

qqu’il fût un chef ; qu’il y eût un État”

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