Le Nouvel Économiste

Politique de stationnem­ent

Apocalypse parking

- THE ECONOMIST

En Irlande, on prie Saint Antoine ppour trouver des pplaces de stationnem­ent. À Chicago, si vous déblayezy la neigeg sur un emplacemen­t,p il vous appartient. À Shanghai, les gens demandent à leurs proches de réserver des places de parking en s’asseyant dessus. Partout dans le monde, le stationnem­ent est synonyme d’amendes à payer, pour ceux qui respectent la loi, et de bruyantes altercatio­ns entre parfaits étrangers. Mais avant tout, la politique de stationnem­ent façonne les villes en profondeur – généraleme­nt dans le mauvais sens du terme. Simples lignes de peinture sur l’asphalte, les places de stationnem­ent peuvent sembler inoffensiv­es. Mais si elles prolifèren­t dans la désorganis­ation, elles peuvent provoquer des embouteill­ages, aggraver la pollution de l’air et contraindr­e les villes à s’étendre. Le coût et la disponibil­ité des places de stationnem­ent influencen­t les habitudes de déplacemen­t entre le domicile et le lieu de travail, bien davantage que les lignes d’autobus express et de métros légersg qque les villes tiennent tant à construire. À l’instar d’autres programmes louables, comme les péages routiers et les péages urbains, la politique de stationnem­ent est aussi facile à adapter. Les métropoles en croissance rapide, particuliè­rement en Afrique et en Asie, doivent relever ce défi avant de répéter les erreurs désespéran­tes des villes occidental­es. Dans de nombreuses villes, les automobili­stes ppeuvent se ggarer dans les rues pour presque rien. À Boston, la plupart des parcmètres prélèvent 1,25 dollar (1,17 euro) de l’heure ; à Chennai, le tarif est de 20 roupies (44 centimes) par jour. Nombreux sont les usagers qui préfèrent profiter de cette bonne affaire plutôt que payer une place dans un garage au prix du marché. Résultat : la demande excède l’offre de stationnem­ent, et les automobili­stes se retrouvent à faire des tours de pâté de maisons pour trouver une place. Des chercheurs ont découvert qu’une grande partie du trafic automobile urbain était constitué de conducteur­s cherchant une place de stationnem­ent. Le record est détenu par la ville allemande de Fribourg : selon une étude, 74 % des voitures en circulatio­n tournaient en quête d’une place. Partant du principe que le chaos automobile résulte d’une pénurie de places de stationnem­ent, de nombreuses villes se sont mis en tête d’en créer davantage. Divers pays comme l’Australie, la Chine, l’Inde et les Philippine­s, exigent des promoteurs la création de places de parking partout où ils construise­nt de nouveaux immeubles. Aux États-Unis, ces programmes atteignent une précision grotesque. La ville de Saint Paul, au Minnesota, impose quatre places de parking pour chaque trou d’un terrain de golf et une place pour trois nones dans chaque couvent. C’est à cause de ces exigences que, dans de nombreux centres commerciau­x, les voitures jouissent de plus d’espace que les êtres humains. Les Européens adoptent souvent une approche différente face à la pénurie de stationnem­ent, en réservant de nombreuses places aux résidents, qui ne paient presque rien. Autour des bureaux de The Economist à Londres, le stationnem­ent coûte 4,90 livres (5,76 euros) de l’heure – et la plupart d’entre nous en sommes réduits à tourner dans le quartier ou à rejoindre la cohue des transports en commun. Les résidents, qui ne sont manifestem­ent pas dans le besoin, ne paient que 145 livres par an (169 euros) pour se garer dans ces mêmes rues. Une ressource publique est ainsi allouée de façon très inefficace. Que tout le monde soit habitué à cette organisati­on n’enlève rien à son absurdité. Inonder les villes de parkings est efficace, dans le sens où cela facilite la recherche d’une place de stationnem­ent. Mais le coût global est considérab­le. Puisque le stationnem­ent est si abondant, il est gratuit, et puisqu’il est gratuit, les automobili­stes en abusent invariable­ment. Selon une étude menée à Washington, la présence de places de stationnem­ent gratuit est associée à une probabilit­é de 97 % de voir les riverains se rendre au travail seul dans leur voiture. L’abondance de places de stationnem­ent crée des déserts de béton qui vident les villes de leur vigueur et de leur beauté. L’argent et l’espace engloutis dans les places de stationnem­ent ont provoqué une hausse du coût de la vie pour tout le monde, y compris pour ceux qui ne conduisent pas. Le stationnem­ent augmente de 67 % le coût de constructi­on d’un centre commercial à Los Angeles (et c’est beaucoup plus si les places sont en sous-sol). Les villes devraient arrêter d’essayer d’accroître leurs parcs de stationnem­ent et de manipuler le marché en faveur des propriétai­res fonciers. Elles devraient plutôt augmenter les prix jusqu’à ce que les places de stationnem­ent soient presque toutes occupées (mais pas totalement) – et faire payer tout le monde. Les résidents se plaindront de la perte de leurs privilèges. Mais s’ils habitent dans un quartier où la demande est élevée, le stationnem­ent générera des revenus considérab­les. Les responsabl­es politiques locaux pourront investir cet argent où ils le souhaitero­nt, dans de beaux jardins ou des équipement­s de sécurité.

Lâchez les pervenches

Il y a autre raison de faire payer plein pot le stationnem­ent : cela accélérera­it une opportune révolution des transports. Si les véhicules autonomes finissent par être autorisés à circuler et déposent à la chaîne les usagers, de nombreuses places de parking deviendron­t superflues. Ce serait formidable. Mais ce futur adviendra plus rapidement si les responsabl­es politiques augmentent le prix du stationnem­ent. Les véhicules autonomes profiteron­t à tous parce qu’ils donneront la possibilit­é aux passagers de s’occuper utilement pendant leur trajet. Mais leur autre grand avantage est qu’ils n’ont pas besoin d’être garés : une véritable bénédictio­n partout où le stationnem­ent coûte de l’argent. De nombreuses villes occidental­es ont déjà été défigurées par une politique de stationnem­ent excessive et des tarificati­ons mal pensées. Mais il n’est pas trop tard pour les villes africaines et asiatiques, qui pourraient devenir les grandes métropoles de ce siècle. Dans la plupart de ces villes, la conduite automobile n’est pas encore assez répandue pour que les conducteur­s dictent les règles d’aménagemen­t urbain, et les résidents ne sont pas encore habitués au stationnem­ent gratuit. Alors, sortez les horodateur­s et lâchez les pervenches. Les villes doivent appartenir aux êtres humains, pas à des boîtes de métal en stationnem­ent.

Une grande partie du trafic automobile urbain était constitué de conducteur­s cherchant une place de stationnem­ent. Le record est détenu par la ville allemande

de Fribourg : selon une étude, 74 % des voitures

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d’une place

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