Le Nouvel Économiste

Au-delà de la barre des 100 jours

Le succès d’un président dépend de sa capacité à travailler avec le Congrès, qu’il soit de son bord ou de l’opposition

- ANNE TOULOUSE*

Dans l’un de ses fameux tweets, Donald Trump a préventive­ment minimisé l’impact de la barre des 100 jours, en accusant la presse d’en avoir fait un instrument de mesure artificiel. Il se trompe de cible, car ce n’est pas la presse, mais Franklin Roosevelt qui a créé en 1933 le concept des 100 jours, et à son époque, cela voulait vraiment dire quelque chose. Le président, qui avait trouvé un pays en détresse avec un taux de chômage de 25 % et une partie de la population faisant la queue devant les soupes populaires, avait pris, dès sa première semaine à la Maison-Blanche, des mesures aussi radicales que de fermer les banques pendant 3 jours pour évaluer leur solvabilit­é. Pendant ces fameux 100 jours, il avait obligé le Congrès à siéger sans discontinu­er et avait fait passer 15 lois. Certaines devaient plus tard être retoquées par la Cour Suprême, mais cet ensemble constitue les piliers du New Deal. Aucun président n’a depuis lors égalé cette performanc­e, mais l’usage est resté de faire à ce stade le premier bilan de son mandat. Là où Donald Trump n’a pas tort, c’est que cette évaluation ne préjuge pas toujours de l’évolution d’une présidence. La précédente, celle de Barack Obama, a été l’une des plus actives pendant cette période, le président a fait passer un stimulus de 787 milliards de dollars pour relancer l’économie en crise, un renfloueme­nt de l’industrie automobile, une loi sur l’égalité des salaires hommes-femmes et les premiers éléments de ce qui allait être connu sous le nom d’ “Obamacare”, la loi sur l’assurance maladie. Mais que s’est-il passé ensuite ? Lors de l’élection suivante, en 2010, il a perdu la majorité à la Chambre des Représenta­nts, et ne l’a jamais retrouvée. En 2014, son parti a également perdu le Sénat et, dans une ambiance extrêmemen­t polarisée, le président a eu les mains liées jusqu’à la fin de son deuxième mandat. Barack Obama, qui avait commencé son mandat avec des taux de popularité record, avait une cote qui se situait entre 60 et 70 % d’approbatio­n après son premier trimestre à la Maison-Blanche. Ce n’est finalement pas tellement plus que les 60 % à 65 % d’opinions favorables que George W. Bush enregistra­it au terme des 100 premiers jours de sa présidence, pendant lesquels il avait vu ses sondages grimper. Il a tiré parti de cette période en faisant passer des baisses d’impôts de 1,6 trillion de dollars, en retirant les États-Unis du protocole de Kyoto et en lançant une série de réformes de l’éducation. Le parallèle entre les deux débuts s’arrête là car, 6 mois plus tard, les attentats du 11 septembre ont poussé la présidence de George W. Bush dans une direction que personne ne pouvait envisager. Les 100 jours les plus atypiques ont été ceux de Ronald Reagan, qui d’ailleurs a failli ne pas les voir car, le 30 mars, un mois avant cette échéance, il a été victime d’une tentative d’assassinat qui l’a laissé entre la vie et la mort. C’est le souvenir marquant qui reste dans l’opinion publique, mais avant de se retrouver à l’hôpital, le président avait envoyé aux parlementa­ires l’une des plus grandes réformes fiscales et administra­tives de la fin du XXe siècle et avait réussi, grâce à son sens de la communicat­ion, à rallier l’opinion face à un Congrès d’opposition.

Des premiers pas d’amateur

Si Donald Trump est d’humeur à se pencher sur le passé, il peut méditer deux exemples contraires. Sa cote de popularité, entre 40 et 48 % selon les sondages, est comparable à celle qu’avait au même stade de son mandat Bill Clinton, dont les débuts à la Maison-Blanche avaient été décrits en ces termes par un éditoriali­ste: “La première de la présidence Clinton ressemblai­t aux débuts d’une troupe

de théâtre amateur”. Cela n’a pas empêché Bill Clinton d’être élu pour un deuxième mandat et de présider une Amérique prospère et satisfaite avec, il est vrai, pendant 6 ans, un Congrès dans l’opposition, qui l’a “impeaché” sans conséquenc­es notables. Le deuxième exemple est celui de la présidence Carter, qui offre des similitude­s avec les débuts de la présidence Trump, bien que les deux hommes soient aux antipodes l’un de l’autre. Jimmy Carter était comme Donald Trump un outsider, qui était arrivé en promettant, tout comme lui, d’assainir les moeurs de Washington et, tout comme lui, il a rapidement constaté que l’establishm­ent de la capitale a la peau dure. Les grandes réformes qu’il avait annoncées, comme l’établissem­ent d’un système de santé universel et une réforme du système fiscal, ont été des pétards mouillés. Il n’a effectué qu’un mandat et a été écrasé par Ronald Reagan, après l’une des présidence­s les plus impopulair­es de l’histoire récente. Ce ne sont donc pas les 100 jours, mais les 265 suivants et les 365 qui viendront après cela, qui vont déterminer le sort présidenti­el de Donald Trump. S’il y a une constante à tirer des exemples que nous avons vus, c’est que le succès d’un président dépend de sa capacité à travailler avec le Congrès, qu’il soit de son bord ou de l’opposition: dans ce domaine, les 100 premiers jours du 45e président n’ont pas été flamboyant­s!

Ce ne sont pas les 100 jours, mais les 265 suivants et les 365 qui viendront après cela, qui vont déterminer le sort présidenti­el de Donald Trump. S’il y a une constante à tirer des exemples que nous avons vus, c’est que le succès d’un président dépend de sa capacité à travailler avec le Congrès, qu’il soit de son bord ou de l’opposition

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