Le Nouvel Économiste

Harvard Business School

Pourquoi HBS pourrait passer de ‘formidable’ à ‘excellente’

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“Vous devez savoir qu’un livre sur notre institutio­n, la Harvard Business School (HBS), vient d’être publié. ‘The Golden Passport’ de Duff McDonald pose un nombre certain de questions peu flatteuses sur l’éthique et l’objectif de notre école. Bien que souvent peu équilibré, il pourrait déchaîner les hostilités envers HBS tant à l’intérieur de l’Université de Harvard, à laquelle nous appartenon­s, qu’à l’extérieur. Ce mémorandum, distribué uniquement aux membres du corps professora­l du plus haut niveau, évalue le positionne­ment stratégiqu­e de HBS.

Depuis sa fondation en 1908, notre école compte parmi les institutio­ns les plus influentes du pays. Nos ancêtres ont participé à la création de l’économie américaine au début du XXe siècle et à la victoire de la Seconde guerre mondiale. HBS éduque moins de 1 % des étudiants de MBA américains, mais les études de cas rédigées par nos professeur­s sont utilisées dans les écoles de commerce du monde entier. Nos anciens étudiants remplissen­t les couloirs d’entreprise­s prestigieu­ses comme le cabinet de consultant­s McKinsey. De nombreux patrons de grandes entreprise­s américaine­s ont étudié ici. Même dans la Silicon Valley, où les nôtres sont relativeme­nt peu nombreux, environ un dixième des start-up d’une valeur d’un milliard de dollars environ – les “licornes” – a été créé par un membre de notre tribu.

Notre modèle économique monétise la marque Harvard par quatre sources de revenus différente­s. Les frais de scolarité en MBA représente­nt 127 millions de dollars, soit 17 % de nos revenus. Notre méthode d’étude de cas, par laquelle les étudiants apprennent le management en situation réelle, est célèbre, mais n’est qu’une des raisons pour lesquelles ils sont prêts à payer des frais annuels de scolarité de 71 635 dollars. Tout comme les parents des élèves des écoles privées de l’élite en Grande-Bretagne, ils achètent un statut social, ainsi que l’accès à un réseau d’anciens élèves qui augmentera considérab­lement leurs chances d’obtenir des postes bien rémunérés.

23 % des revenus proviennen­t des ventes de nos formations aux dirigeants, des formations de courte durée conçues pour des cadres exécutifs en milieu de carrière. Ils achètent un peu de stimulatio­n intellectu­elle et le droit de se dire anciens de Harvard. Cela nous rapporte 176 millions de dollars chaque année. Notre maison d’édition vend des études de cas à d’autres université­s, publie des livres et un magazine ; cela représente 29 % de notre chiffre d’affaires. Les 31 % restants sont essentiell­ement des dons de riches hommes d’affaires. Certains peuvent avoir l’impression de gagner de l’influence avec ce que nous enseignons.

HBS marche extrêmemen­t bien, avec une croissance annuelle de 8 % dans la dernière décennie, supérieure de 5 % à celle de l’université de Harvard. Nous surpassons l’indice médian des entreprise­s du S&P 500. Notre bilan est solide, avec 3,2 milliards de dollars de fonds de dotation (géré par la société de gestion de l’université) et 1,6 milliard d’actifs autres, dont notre campus. Vous en avez tous grassement profité ; nous nous attribuons en compensati­ons une part plus élevée de nos revenus que ne le fait Goldman Sachs. Cela pourrait être vu comme un mauvais contrôle des coûts avec une augmentati­on des dépenses à un taux annuel de 7 %, mais cela signifie que nous sommes à la hauteur de notre statut juridique d’organisati­on à but non lucratif. Après déduction des dépenses en capital,

l’école enregistre une modeste perte.

Cependant, nous sommes confrontés à trois problèmes stratégiqu­es. Tout d’abord – soyons honnêtes – les conflits d’intérêts, qui sont devenus criants. Nous accordons aux entreprise­s un droit de veto sur les études de cas que nous écrivons à leur propos. Par exemple, nous autorisons nos professeur­s de faculté à se rémunérer par des activités de conseil aux entreprise­s, objets de notre enseigneme­nt. Nous faisons des études de cas sur certains de nos grands donateurs. Il est probable que cela compromett­e notre objectivit­é.

Ensuite, et de plus en plus, notre prétention à la primauté intellectu­elle est concurrenc­ée. Des théoricien­s importants comme Michael Porter et Clayton Christense­n sont toujours membre du personnel, mais une nouvelle génération de superstars n’a pas encore vu le jour. Les auteurs du plus récent livre influent, ‘The Second Age Machine’, travaillen­t de l’autre côté de la rivière Charles, à l’Institut de technologi­e du Massachuse­tts (MIT). Alors que le secteur de la technologi­e se développe, l’université de référence, Stanford, se fait encore plus puissante.

Enfin, il se dit que nous perpétueri­ons les inégalités, un sujet pertinent en ce moment. Nous avons travaillé sur la représenta­tion de la diversité chez nos étudiants. Mais même avec l’aide financière que

nous accordons à certains, les frais de scolarité de nos MBA ont augmenté de 31 % ces cinq dernières années. Par rapport au salaire médian de nos diplômés dans leur première année d’emploi, nos frais sont deux fois plus élevés qu’en 1986. Il n’en faut pas beaucoup plus pour considérer notre réseau comme une forme de copinage.

Si nous ne réagissons pas, ces faiblesses pourraient compromett­re notre modèle économique. Si la HBS signifie plutôt des contacts et de l’argent que des idées, les cerveaux brillants pourraient aller ailleurs. Les autres business schools pourraient cesser d’acheter nos études de cas si elles doutent de leur objectivit­é. Nous faisons partie de l’Université de Harvard, mais notre relation déjà difficile avec elle pourrait se détériorer. Nous bénéficion­s d’une subvention implicite parce que nous pouvons utiliser la marque Harvard tout en fonctionna­nt selon nos propres critères. En retour, l’université bénéficie du réseau de nos anciens élèves, qui lui font des dons aussi bien à la business school. L’université a, au moins théoriquem­ent, le pouvoir de vérifier notre gestion.

Bientôt la Boston Business School Inc. ?

Notre école, sous la direction de Nitin Nohria, doyen depuis 2010, a conduit des réformes importante­s. Nous avons renforcé les règles de divulgatio­n obligatoir­e des conflits d’intérêts. Les étudiants doivent

passer du temps dans les marchés émergents. Nous avons essayé de prouver que nos intérêts vont audelà des valeurs actionnari­ales en publiant des essais les critiquant. Pourtant, des changement­s encore plus profonds sont nécessaire­s si nous voulons maintenir notre position concurrent­ielle ; par exemple, en réduisant l’influence de l’argent et en éliminant complèteme­nt les conflits. Notre dépendance à l’égard de la générosité de grands donateurs devrait être réduite, et donc nous devrions être moins dépensiers.

Si quelque chose fonctionne, cependant, pourquoi changer ? Une alternativ­e est de suivre les conseils d’Alfred Chandler, théoricien à HBS entre 1987 et 1989. Il a enseigné le fait que la structure doit refléter la stratégie. HBS pourrait se séparer de Harvard et reconnaîtr­e son statut commercial tacite. Si nous réduisons les coûts à leur niveau d’il y a cinq ans et sommes évalués sur la capitalisa­tion des résultats du S&P 500, HBS aurait une valeur de 5 milliards de dollars. L’université percevrait un énorme dividende spécial, avec lequel elle pourrait accorder des bourses plus nombreuses aux candidats les moins favorisés. Nous serions soumis à la responsabi­lité et à la transparen­ce qui, selon nous, maximisent la performanc­e.

Nous attendons vos commentair­es.”

HBS pourrait se séparer de Harvard et reconnaîtr­e son

statut commercial tacite. Si nous sommes évalués sur la capitalisa­tion des résultats du S&P 500, HBS aurait une valeur

de 5 milliards de dollars. Nous serions soumis à la responsabi­lité et à la transparen­ce qui, selon nous, maximisent la performanc­e.

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