Le Nouvel Économiste

ÉPHÉMÉRIDE

18 mai 1302: les Matines de Bruges

- PAR JEAN-MARC DANIEL

Il serait long et fastidieux de faire la liste des révoltes que le fisc français a suscitées. Exploit remarquabl­e, le nombre de celles qui concernent un territoire étranger n’est pas négligeabl­e. Celle que nous avons retenue pour ce 18 mai remonte à 1302. Elle a lieu dans une région aujourd’hui belge. Cette révolte porte le nom de “Matines de Bruges”. Elle a reçu ce nom pour la rapprocher des “Vêpres sicilienne­s”. En mars 1282, à Palerme, la célébratio­n de Pâques a donné lieu à une révolte de la population contre la fiscalité du nouveau roi de Naples qui se trouvait être le Français Charles d’Anjou. Le 18 mai 1302 à Bruges, les habitants massacrent à leur tour la garnison française, là encore pour se débarrasse­r des exigences du fisc. L’affaire a commencé l’année précédente quand le roi de France Philippe le Bel emprisonne le comte de Flandre et décide de rattacher son domaine au domaine royal. Le prétexte est la volonté du comte de se rapprocher de l’Angleterre. Flandres et Angleterre sont, sur le plan économique, de plus en plus complément­aires. La laine anglaise franchit la mer pour devenir vêtements et couverture­s dans les manufactur­es de Gand et de Bruges. Ces échanges commerciau­x se doublent d’échanges financiers, et Bruges est en passe de devenir la plaque tournante de la finance européenne.

Magnificen­ce à crédit

Or Philippe le Bel est en recherche permanente de ressources. Décrit par Dante dans la ‘Divine comédie’ comme un fauxmonnay­eur, vécu par ses contempora­ins comme l’assassin des Templiers, Philippe le Bel multiplie sous son règne les astuces, les actions et les exactions pour redresser sa situation budgétaire. C’est ainsi qu’il dévalue la monnaie, pourchasse les ordres religieux pour s’emparer de leurs avoirs, et envahit le coffre-fort flamand. Affirmant que l’annexion n’a d’autre but que de rendre sa fierté à la Flandre, Philippe le Bel se rend en personne à Bruges et donne à cette occasion de somptueuse­s fêtes. Fascinés par la magnificen­ce de leur nouveau suzerain, les habitants se montrent au début plutôt satisfaits. Jusqu’à ce qu’ils découvrent qu’avec Philippe le Bel est arrivé Jacques de Châtillon. Après le départ du roi, celui-ci informe la population que les impôts vont augmenter. En outre, il prévoit une surtaxe exceptionn­elle pour régler la facture de la fête donnée en l’honneur de Philippe le Bel, dont la magnificen­ce était en fait largement à crédit… Le résultat ne se fait pas attendre. Le 18 mai au petit matin, Bruges massacre les soldats français encore endormis. Les Français réagissent rapidement mais le corps expédition­naire envoyé pour mater la révolte est défait deux mois plus tard par les milices de Bruges. Par-delà les multiples vicissitud­es de l’histoire, la France ne récupérera pas ce qui est désormais la Belgique. Ironie de l’histoire, de nos jours, la Belgique est de nouveau envahie par des Français. Toutefois, ce ne sont plus les agents du fisc mais ceux qui les fuient.

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