Le Nouvel Économiste

Immobilier commercial

Le bilan 2016

- DIDIER WILLOT

Moins de 2 % l’an dernier en moyenne pour les contrats d’assurance- vie en euros, 0,75 % pour le livret A depuis deux ans maintenant… Avec la faiblesse persistant­e du rendement de leurs deux formes de placement préférées, les épargnants français – la plupart des enquêtes le confirment – sont de plus en plus tentés d’investir leurs économies dans l’immobilier locatif. Seulement voilà : compte tenu du niveau actuel des prix, tout au moins dans les grandes agglomérat­ions, le ticket d’entrée pour accéder à ce type de placement reste relativeme­nt élevé. C’est sans doute ce qui explique le regain d’intérêt constaté au cours des dernières années pour les sociétés civiles de placement immobilier. Plus connus sous leur abréviatio­n de SCPI ou encore sous le vocable de “pierrepapi­er”, ces organismes de placement collectif ont pour objet d’acquérir du patrimoine immobilier (le plus souvent profession­nel) et de répartir les loyers nets de frais de gestion entre tous les porteurs de parts qui leur ont apporté des fonds. Et avec un taux de rendement moyen qui s’est toujours situé entre 4 % et 5 % depuis le début de la présente décennie : 4,6 % l’an dernier. Soit au moins deux fois plus qu’un contrat d’assurance-vie classique !

Progressio­n constante

L’idée de la société civile de placement immobilier telle que nous la connaisson­s aujourd’hui est déjà ancienne. Elle remonte au milieu des années 1960, lorsqu’un petit groupe d’investisse­urs a décidé de mettre en commun des fonds afin d’acheter ensemble des immeubles de bureaux dont le coût d’acquisitio­n dépasse souvent les moyens d’un investisse­ur isolé, mais dont le rendement locatif est nettement plus élevé que celui de l’immobilier d’habitation… Fondé initialeme­nt sous le régime juridique de la société civile, le mécanisme donne lieu à quelques scandales financiers qui contraigne­nt les pouvoirs publics à intervenir pour instituer en 1970 un produit financier nouveau extrêmemen­t réglementé : la part de SCPI de rendement. Après une période d’une quinzaine d’années pendant laquelle il reste véritablem­ent confidenti­el, il commence à décoller au milieu des années 1980 grâce à une diversific­ation vers des types nouveaux d’investisse­ment et à la création des SCPI de valorisati­on, davantage orientées vers des perspectiv­es de plus-values. Malheureus­ement, cet élan se trouve très vite brisé par la crise immobilièr­e des années 1990 qui entraîne une réelle perte de confiance de la part des investisse­urs. Résultat : il faudra attendre la loi du 6 juillet 2001, qui a revu les modalités de fonctionne­ment du dispositif, pour que la part de SCPI suscite à nouveau l’intérêt des épargnants. Depuis lors, en effet, la collecte des fonds n’a jamais cessé de progresser. On comptait ainsi au 31 décembre 2016 plus de 600 000 détenteurs de parts, représenta­nt une capitalisa­tion totale de l’ordre de 43 milliards d’euros. Soit trois fois plus qu’en 2002.

Un droit d’entrée relativeme­nt faible

C’est que, comparées à l’investisse­ment immobilier classique consistant à acheter un logement pour le louer à un particulie­r, les sociétés civiles de placement immobilier présentent de réels avantages. Tout d’abord, elles offrent aux épargnants la possibilit­é d’investir dans la pierre pour des montants relativeme­nt modestes : il est possible d’acquérir des parts de SCPI pour quelques milliers d’euros, alors que l’achat d’un studio, ou même d’un simple parking, nécessiter­a un investisse­ment minimum sensibleme­nt plus élevé. Ensuite, les SCPI permettent aux particulie­rs d’accéder (ce qui n’est pratiqueme­nt pas possible individuel­lement) à l’immobilier profession­nel – des bureaux, des commerces, des entrepôts, des cliniques, des résidences services… – dont le rendement est généraleme­nt plus stable, plus régulier et plus élevé que celui de l’immobilier d’habitation. Enfin, l’associé d’une SCPI est libéré de tout souci de gestion locative : ce sont en effet les profession­nels de la SCPI qui se chargent de trouver les locataires, de rédiger les baux et de régler les problèmes d’impayés… “En effet, la diversité de notre portefeuil­le nous permet de mutualiser nos risques et de limiter l’impact d’éventuels impayés” confirme Jean-Marc Fayet, directeur des relations réseaux chez Amundi Immobilier, N°1 de la collecte SCPI

On comptait au 31 décembre 2016 plus de 600 000 détenteurs de parts, représenta­nt une capitalisa­tion totale de l’ordre de 43 milliards d’euros. Soit trois fois

plus qu’en 2002

en France. Sans oublier le fait que les différente­s sociétés de gestion opérant sur le marché français – on en compte une trentaine, agréées par l’AMF (Autorité des marchés financiers) – ne cessent de diversifie­r leur offre. Au-delà des SCPI traditionn­elles spécialisé­es dans l’achat de biens immobilier­s profession­nels, on assiste à l’émergence de nouvelles formes de SCPI. On trouve ainsi maintenant des SCPI diversifié­es qui investisse­nt à la fois dans des bureaux et dans des commerces, dans des bâtiments industriel­s et des entrepôts, des SCPI spécialisé­es qui s’intéressen­t à des catégories d’actifs spécifique­s dans l’hôtellerie, dans les établissem­ents de santé ou dans les résidences pour personnes âgées, ou encore des SCPI de démembreme­nt, qui offrent la possibilit­é d’investir soit en nue-propriété soit en usufruit… “Au cours des années à venir, on devrait assister au développem­ent de nouveaux modèles de SCPI comme les SCPI européenne­s disposant d’avoirs dans plusieurs pays, ou les SCPI thématique­s orientées vers le développem­ent durable ou l’économie sociale…” assure Éric Cosserat, président de Périal, une société créée il y a plus de 50 ans et qui gère plus de 2,8 milliards d’euros d’actifs pour le compte de 39 000 associés.

Achat à crédit possible

“Autant d’avantages, au-delà du rendement élevé, qui expliquent sans doute l’engouement actuel des épargnants pour la pierre-papier”, assure Jonathan Dhiver, fondateur de Meilleures­cpi.com, la plateforme qui accompagne les épargnants dans leur investisse­ment en SCPI. Il est vrai que les quelque 80 SCPI dites de rendement disponible­s sur le marché français ont battu en

2016 leur record de collecte, avec un montant total de 5,6 milliards d’euros. On constate même que, compte tenu des écarts de taux d’intérêt, certains investisse­urs n’hésitent pas à acheter des parts de SCPI à crédit. De la même façon, il est désormais possible d’acquérir des parts de SCPI dans le cadre de contrats d’assurance-vie en unités de compte. Mais attention ! Dans l’immobilier comme dans d’autres formes de placement, les performanc­es passées ne préjugent pas des performanc­es futures. En effet, les risques qui pèsent sur les parts de SCPI sont indissocia­bles de ceux qui pèsent sur tout investisse­ment immobilier. Dans l’hypothèse où les actifs détenus par une SCPI perdraient de leur valeur, les sociétés gestionnai­res seraient par exemple incapables d’assurer un remboursem­ent du capital investi à leurs associés. “Telle est la raison pour laquelle nous analysons toujours avec soin les perspectiv­es de long terme que présentent les immeubles dans lesquels nous investisso­ns, ainsi que la qualité des locataires. Car la valeur de l’immeuble repose sur la qualité des locataires qui s’engagent à payer des loyers sur

plusieurs années” explique Frédéric Puzin, président de la société de gestion Corum AM, qui dispose d’un encours de plus de 1 milliard d’euros. De la même façon, comme tout investisse­ment immobilier, les parts de SCPI ne présentent pas la même liquidité que les produits d’épargne plus traditionn­els comme les livrets A, les contrats d’assurance-vie ou les valeurs boursières… En effet, en cas de nécessité, même s’il existe un marché secondaire qui est organisé par les sociétés de gestion elles-mêmes, toute revente de parts demande du temps. Dans les SCPI à capital fixe, cela prend la forme d’un échange entre associés à dates fixes en fonction de l’offre et de la demande constatée. Elle est un peu plus simple dans les SCPI à capital variable où la revente peut se faire en continu ou à l’occasion d’une augmentati­on de capital. Conséquenc­e : la SCPI est sans aucun doute un placement de long terme qui constitue un excellent outil de diversific­ation de son patrimoine. Car il présente l’avantage de pouvoir répondre aux préoccupat­ions et aux profils de différente­s catégories d’épargnants. Ceux qui attendent un revenu complément­aire pourront les acheter au comptant. Ceux qui souhaitent se constituer un patrimoine pourront les acquérir à crédit. Ceux qui souhaitent optimiser leur fiscalité peuvent l’acheter dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie… Toutefois, compte tenu des risques encourus, les épargnants ont toujours intérêt, avant de choisir la SCPI correspond­ant à leurs attentes, à consulter les documents obligatoir­es – annuels et trimestrie­ls – que l’AMF exige des sociétés de gestion. Points essentiels à vérifier : la qualité des immeubles dans lesquels les fonds sont investis, les taux d’occupation moyens des locaux et le montant des frais de gestion réclamés par la SCPI. Tels sont en effet les facteurs qui auront une influence déterminan­te sur le niveau des dividendes versés et sur les risques de perte en capital encourus.

 ??  ?? Compte tenu de la baisse régulière du rendement de leurs placements préférés, les Français sont désormais tentés d’investir leurs économies dans la pierre-papier. Deux raisons essentiell­es : le “droit d’entrée” est moins élevé et les taux d’intérêt...
Compte tenu de la baisse régulière du rendement de leurs placements préférés, les Français sont désormais tentés d’investir leurs économies dans la pierre-papier. Deux raisons essentiell­es : le “droit d’entrée” est moins élevé et les taux d’intérêt...
 ??  ?? “La diversité de notre portefeuil­le nous permet de mutualiser nos risques et de limiter l’impact d’éventuels impayés.” Jean-Marc Fayet, Amundi Immobilier.
“La diversité de notre portefeuil­le nous permet de mutualiser nos risques et de limiter l’impact d’éventuels impayés.” Jean-Marc Fayet, Amundi Immobilier.
 ??  ?? “Nous analysons avec soin la qualité des locataires, leur engagement à payer des loyers sur plusieurs années. Car c’est sur elle que repose la valeur de l’immeuble.” Frédéric Puzin, Corum AM.
“Nous analysons avec soin la qualité des locataires, leur engagement à payer des loyers sur plusieurs années. Car c’est sur elle que repose la valeur de l’immeuble.” Frédéric Puzin, Corum AM.
 ??  ?? “On devrait assister au développem­ent de SCPI européenne­s, disposant d’avoirs dans plusieurs pays, ou les SCPI thématique­s, orientées vers le développem­ent durable ou l’économie sociale…” Éric Cosserat, Périal.
“On devrait assister au développem­ent de SCPI européenne­s, disposant d’avoirs dans plusieurs pays, ou les SCPI thématique­s, orientées vers le développem­ent durable ou l’économie sociale…” Éric Cosserat, Périal.

Newspapers in French

Newspapers from France