Le Nouvel Économiste

Literie haut de gamme

Un rêve tricolore

- JESSICA HUYNH

Véritable gage de qualité exceptionn­elle, la literie haut de gamme et made in France séduit à la fois grâce à des matériaux nobles et un savoir-faire

manuel unique

Le marché souffre toutefois d’une grande segmentati­on et d’un flou autour des prix, ce qui peut créer la confusion auprès des

consommate­urs

Dans un marché très segmenté qui continue néanmoins de croître, la literie française de qualité a le vent en poupe. Des matières premières de qualité, une fabricatio­n locale, un savoirfair­e authentiqu­e : le matelas français séduit bon nombre de Français. Aux acteurs historique­s dont la réputation n’est plus à faire s’ajoutent de nouveaux acteurs qui proposent un concept original à un prix plus doux. En quête de bien-être général, les Français désireux de mieux dormir se tournent alors de plus en plus vers des lits made in France.

Après les voitures françaises, les cosmétique­s ou encore les produits du terroir bien de chez nous, il est un autre secteur de l’industrie hexagonale qui a le vent en poupe : la literie. D’un côté, il s’agit d’un marché au savoir-faire ancien : “c’est l’une des rares industries à ne pas avoir été délocalisé­e au cours des trente dernières années. Il existe encore un grand nombre d’acteurs qui possèdent des usines en France et un certain nombre de techniques sont spécifique­s à certaines marques”, explique Gérard Delautre, président de l’Associatio­n pour la promotion de la literie (APL). Signe qu’il se porte bien : le marché croît d’année en année. En 2016, selon les chiffres dévoilés en février 2017 par l’Institut de prospectiv­e et d’études de l’ameublemen­t (Ipea), la literie a enregistré un chiffre d’affaires s’élevant à 1,31 milliard d’euros, en hausse de 5,5 % par rapport à 2015. Soit la plus grande progressio­n de l’ensemble du marché de l’ameublemen­t. Peu visible, c’est pourtant une industrie essentiell­e qui touche tous les publics.

Mais c’est aussi un marché très segmenté, avec un grand nombre d’intervenan­ts et encore plus de références différente­s, ce qui peut créer une confusion auprès

des consommate­urs. “Par rapport à nos voisins européens, le marché français de la literie est essentiell­ement de moyenne gamme. Toutefois, la segmentati­on n’est pas très claire : il y a un problème au niveau des prix car tout le monde ne parle pas de la même chose. La norme reste le lit double classique de 140 x 190 centimètre­s et peu communique­nt sur le format 160 x 200 centimètre­s qui est en grosse progressio­n depuis trois ans”, explique le spécialist­e. Même son de cloche chez Le Matelas Français et son co-fondateur Damien Saillard : “on a tendance à parler technologi­e et à faire n’importe quoi avec les prix. C’est une vraie problémati­que qui sème le trouble. Actuelleme­nt, le ventre mou du matelas, c’est le moyen de gamme. C’est un segment extrêmemen­t secoué par des politiques commercial­es agressives”, résume

l’entreprene­ur.

Matières premières naturelles

Dans ce contexte, la literie haut de gamme tire son épingle du jeu. Véritable gage de qualité exceptionn­elle, elle séduit à la fois grâce à des matériaux nobles et un savoir-faire manuel unique. Basé en Ile-de-France et forte de 150 ans d’expérience, Le Lit National séduit toujours clients fortunés… mais aussi politiques et même le président de la République,q ppuisqueq la maison compte l’Élysée parmi sesprestip gieux clients. La promesse de la société dotée du label Entreprise du patrimoine vivant, qui a vocation à distinguer les entreprise­s françaises aux savoir-faire artisanaux et industriel­s d’excellence : “on achète un lit pour bien dormir, pas seulement dormir”, explique Nicolas Lévy, co-dirigeant de l’entreprise. Un sommeil haut de gamme, ça se traduit d’abord par les plus belles matières premières. “Un matelas Le Lit National, c’est neuf kilos de laine de France, trois kilos de cachemire et deux kilos de soie naturelle. Nous utilisons très peu de mousse car il n’y a pas de process industriel qui le nécessite”, présente-t-il. La laine fait ainsi partie de l’ADN de la marque : naturel, le matériau présente une grande capacité d’absorption de l’humidité et il est aussi anti-acarien et naturellem­ent anallergiq­ue. “La laine

Bien dormir n’est plus l’apanage des plus aisés.

En tout cas, c’est la promesse de plusieurs nouveaux venus dans le monde de la literie

française Pour réduire les coûts,

certaines marques françaises font le pari d’un matelas unique vendu sur Internet directemen­t depuis le

fournisseu­r

utilisée est assez épaisse et frisée, ce qui lui confère des vertus de confort et de rebond que l’on ne retrouvera chez aucune matière synthétiqu­e. Le cachemire ou le poil de chameau sur la face hiver renforce l’absorption tandis que la soie et le lin sur la face été procurent un effet fraîcheur”, résume le chef d’entreprise. À cette base de grande qualité s’ajoute une main-d’oeuvre hautement qualifiée : l’atelier du Pré-Saint-Gervais en SeineSaint-Denis emploie vingt-cinq artisans, depuis le menuisier qui va travailler le bois de manière artisanale pour façonner le sommier jusqu’à la matelassiè­re qui s’occupe de la fabricatio­n des coutils 100 % viscose issue de la pulpe de bois. Le tout pour un résultat à chaque fois unique et sur-mesure selon les souhaits du client. Pour un tel degré d’exception, il faut bien sûr y mettre le prix : un lit de type 140 x 190 démarre à 3 500 euros. Basé à Châteaurou­x, Noctea fait aussi le pari des matières d’origine naturelle et vegans. “C’est un marché qui progresse tout en restant une niche”, précise son co-fondateur Christophe Bigot.

Un lit universel ?

Pour autant, bien dormir n’est plus l’apanage des plus aisés. En tout cas, c’est la promesse de plusieursp nouveaux venus dans le monde de la literie française. À

l’extrême opposé du grand luxe qui propose un lit sur-mesure, ces jeunes pousses vantent l’efficacité d’un matelas… universel. Une idée originale qui est venue à Clément Thenot, fondateur d’Ilobed après avoir étudié le marché actuel de la literie : “On a mis dans la tête des consommate­urs que chacun avait besoin d’un matelas différent selon sa position de sommeil, son poids, etc. C’est quelque chose que nous voulons remettre en question : il suffit d’une qualité et d’un soutien qui sont bons pour

tout le monde”, explique-t-il. Le Matelas Français, lui, opte pour un produit deux-en-un : avec la technologi­e Reverso, le matelas est souple d’un côté et ferme de l’autre. Pour les deux, le confort universel est composé de latex, de mousse à mémoire de forme et de mousse haute résilience. Un tiercé gagnant ? À croire les taux de retour annoncés par les deux dirigeants (7 % et 2,37 % respective­ment), c’est un succès. Car pour rassurer les clients encore peu enclins à acheter un matelas sans l’essayer, les marques offrent toutes les deux la livraison dans toute la France ainsi que 100 nuits d’essai. En cas de déception, elles prennent en charge le retour. L’autre critère attractif, c’est le prix. Pour un matelas double standard, comptez 550 euros chez Ilobed et 640 euros chez Le

Matelas Français. “Pour un matelas qui combine ces trois matériaux en boutique, il faut compter entre 1 000 et 1 500 euros”, explique Damien Saillard, cofondateu­r du Matelas Français qui estampille ses produits d’une bande tricolore. C’est la raison pour laquelle les deux entreprene­urs ont fait le choix d’une distributi­on pour l’instant exclusivem­ent sur Internet : “La vente en ligne permet de supprimer pas mal d’intermédia­ires et de réduire le prix. Il y a chez nous une logique du prix juste”, explique Damien Saillard. Approché par des distribute­urs, il exclut pour l’instant

ce circuit : “On nous a sollicités pour commercial­iser nos matelas en magasin en nous disant qu’on pouvait les vendre facilement à 1 500 euros… Ce n’est pas notre objectif ! Nous voulons continuer à vendre des matelas haut de gamme mais accessible­s”, conclut-il, en précisant qu’il compte parmi ses clients des jeunes qui choisissen­t Le Matelas Français pour leur première installati­on. Pour autant, sortir d’Internet est un objectif à moyen terme pour tous les deux : “Nous sommes actuelleme­nt en train de travailler avec une agence pour développer une boutique éphémère dans l’objectif de nous différenci­er des autres

acteurs”, explique le dirigeant qui, pour élargir sa clientèle, a aussi développé une gamme spécifique pour l’hôtellerie. Quant à Ilobed, la jeune marque travaille elle aussi à lancer sa propre boutique.

 ??  ??
 ??  ?? “Par rapport à nos voisins européens, le marché français de la literie est essentiell­ement de moyenne gamme. Toutefois, la segmentati­on n’est pas très claire .” Gérard Delautre, Associatio­n pour la literie.
“Par rapport à nos voisins européens, le marché français de la literie est essentiell­ement de moyenne gamme. Toutefois, la segmentati­on n’est pas très claire .” Gérard Delautre, Associatio­n pour la literie.
 ??  ?? “Nous voulons remettre en question l’idée que chacun un besoin d’un matelas différent : il suffit d’une qualité et d’un soutien qui sont bons pour tout le monde.” Clément Thenot, Ilobed.
“Nous voulons remettre en question l’idée que chacun un besoin d’un matelas différent : il suffit d’une qualité et d’un soutien qui sont bons pour tout le monde.” Clément Thenot, Ilobed.
 ??  ?? “La vente en ligne permet de supprimer pas mal d’intermédia­ires et de réduire le prix. Il y a chez nous une logique du prix juste.” Damien Saillard, Le Matelas Français.
“La vente en ligne permet de supprimer pas mal d’intermédia­ires et de réduire le prix. Il y a chez nous une logique du prix juste.” Damien Saillard, Le Matelas Français.
 ??  ?? “On achète un lit pour bien dormir, pas seulement dormir.” Nicolas Lévy, Le Lit National.
“On achète un lit pour bien dormir, pas seulement dormir.” Nicolas Lévy, Le Lit National.

Newspapers in French

Newspapers from France