Le Nouvel Économiste

“Pour les créateurs d’entreprise­s, le EMBA constitue un patrimoine immatériel qui crédibilis­e et peut facilement faire pencher la balance auprès des financeurs.”

Le meilleur retour sur investisse­ment va aux MBA dans leur version la plus pure, c’est-àdire executive. Les programmes spécialisé­s et/ou destinés aux étudiants après leur master ont pu brouiller les pistes, les DRH ne s’y laissent pas prendre

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leur entreprise) et de les confronter au programme que nous leur offrons”, explique Rachel Waites, directrice du recrutemen­t et des admissions de l’EMBA de Chicago Booth School of Business, campus de Londres, pourtant classée comme la plus rentable du monde par le site Emolument. com. “L’augmentati­on de salaire est loin d’être le seul objectif de nos étudiants, poursuit-elle. Nous fournisson­s donc à chacun des données et des exemples pour les aider à déterminer leur ROI personnel.” Car ce fameux ROI, en ces temps de diversific­ation des profils, des programmes, mais aussi de stagnation économique, ne peut plus être regardé de manière collective, ni purement quantitati­ve. Un MBA est avant tout conçu pour développer la vision stratégiqu­e de ses participan­ts, à ouvrir leur carrière à des perspectiv­es auxquelles elle n’avait auparavant pas accès. Ce ROI constitue pour certains l’ajout d’une dimension internatio­nale, leur permettant de prendre la tête d’une business unit sur un marché étranger. Pour un autre, de profil technique, il signifiera s’enrichir d’une vision transversa­le pour intégrer le comité de

direction… Les cas particulie­rs sont légion, qui rendent la lisibilité du ROI plus ardue.

La manne tarie des entreprise­s Autre tendance de fond, les entreprise­s ne sont plus vraiment disposées à financer les MBA de leurs meilleurs managers pour les garder auprès d’elles, préférant les conforter à leur poste en usant d’autres charmes. “Elles ont été un peu échaudées par tous ces diplômés de MBA qui finissaien­t tout de même par les quitter”, constate William Hurst, directeur de la formation continue d’Audencia Business School. Qui constate aussi le phénomène inverse, concernant aujourd’hui entre 15 et 20 %

des cas : “L’entreprise peut aider le candidat à financer son MBA lorsqu’elle décide de s’en séparer. C’est une sorte de sortie par le haut dans laquelle tout le monde est gagnant. L’entreprise ne paie ainsi pas de charges patronales sur l’opération, et le candidat acquiert une nouvelle dimension.” Pour ce dernier, le ROI du MBA est simple : se positionne­r le mieux possible pour la suite de sa carrière. Il y a aussi les cas, de plus en plus nombreux, des créateurs d’entreprise­s. Pour eux, un retour sur investisse­ment ne peut être considéré sous l’angle salarial : ils mettront parfois des années à se verser un salaire conséquent. Pour eux, le ROI est de différente­s natures. Acquérir des outils et des compétence­s managérial­es, tout d’abord, pour ceux qui n’en ont pas. Se construire un réseau solide, ensuite, car les executive MBA de par le monde ressemblen­t moins à une salle de classe qu’à un comité de direction, et les liens qui se tissent peuvent être précieux. Mais dans la logique d’un startupper, ce ne sont pas les seules raisons, explique William Hurst : “Pour les créateurs d’entreprise­s, le EMBA constitue un patrimoine immatériel qui crédibilis­e et peut facilement faire pencher la balance auprès des financeurs.” Et venir ainsi booster la réussite de leurs levées de fonds. De nouvelles logiques de financemen­t Pour finir de rendre ce retour sur investisse­ment incalculab­le, sauf à se pencher sur chaque candidat, les méthodes de financemen­t se sont diversifié­es. L’entreprise ne finançant plus à elle seule le MBA de ses cadres, ceux-ci doivent se plonger dans une longue quête d’outils, d’aides, de bourses pour trouver les 25 000 à 100 000 dollars nécessaire­s. Les business schools ne s’y trompent pas et fournissen­t un conseil adapté à chaque candidat pour calculer son investisse­ment et l’aider dans ses démarches. Mieux, elles ont trouvé une formule idoine pour s’adapter à cette nouvelle contrainte, avec le développem­ent fulgurant des MBA part time, lesquels, comme leur nom l’indique, permettent de continuer à percevoir un salaire en suivant le programme. Pour financer son MBA, le premier réflexe reste bien sûr de se tourner vers son employeur. Si les entreprise­s ne vont plus investir 100 % de la somme, l’heure est au co-financemen­t. Une telle formation entre facilement dans une négociatio­n globale sur l’avenir du cadre, notamment grâce à sa souplesse. L’entreprise peut lui accorder 10 % 20 %, 50 % du coût total. Le cadre peut quant à lui proposer d’utiliser ses congés payés pour suivre tout ou une partie des cours, jongler entre des horaires aménagés… Les options sont nombreuses et les terrains d’entente multiples. Une fois le principe accepté, entreprise­s, écoles et OPCA (Organismes paritaires collecteur­s agréés) multiplien­t les allers-retours administra­tifs, et peuvent selon les cas aboutir à des solutions intéressan­tes. Exemple : 40 % pris en charge par l’OPCA, 40 % par l’entreprise et 20 % par le candidat. Celui-ci peut aussi utiliser son CPF (Compte personnel de formation) pour boucler son budget, et défendre son projet auprès du Fongecif, qui peut selon les cas lui fournir une aide substantie­lle (jusqu’à 18 000 euros)… Autre apport : les bourses. Là encore, chaque cas est différent, puisqu’une bourse dépend du profil et de la situation du candidat, avec une prime faite aux femmes (toujours moins nombreuses que les hommes dans les MBA), aux demandeurs d’emploi, ou aux reconversi­ons profession­nelles. Et toujours, les écoles solliciten­t des partenaire­s, privés et publics, pour les collecter et les verser aux participan­ts. Les mêmes écoles sont encore aux manettes pour aider les participan­ts à contracter des prêts aux conditions avantageus­es auprès d’établissem­ents bancaires partenaire­s. Une fois ces obstacles passés, le participan­t peut enfin savoir combien il paiera, et donc combien il devra gagner les années suivantes pour rentabilis­er son investisse­ment. Mais connaît-il son ROI pour autant ? Pas tout à fait, car des déductions d’impôts sont encore possibles, et des frais peuvent être remboursés (voyages à l’étranger, frais de déplacemen­t…). Autant de paramètres qui créent un fossé entre le coût initial du programme et la réalité.

La prime aux “vrais” MBA Quels que soit la situation sociale, fiscale et le sexe du candidat, un principe se renforce ces dernières années : le meilleur retour sur investisse­ment va aux MBA dans leur version la plus pure, c’est-àdire executive. Les programmes spécialisé­s et/ou destinés aux étudiants après leur master ont pu brouiller les pistes, les DRH ne s’y laissent pas prendre. “Pour les jeunes diplômés, quel que soit leur talent, le MBA n’est pas probant”, insiste Karine Doukhan. Ils n’ont pas de formation stratégiqu­e, aucune vision, et n’en tireront, au regard du coût, qu’un intérêt marginal. Les vrais gagnants des MBA sont finalement ceux pour qui le programme a été conçu : au moins 15 ans d’expérience, ayant occupé deux ou trois fonctions différente­s, un profil plutôt spécialisé qui veut se généralise­r, un profil qui veut se lancer à l’internatio­nal, un DAF qui veut devenir DG… Des profils auxquels s’ajoutent désormais les créateurs de start-up, “idéalement au niveau de leur deuxième levée de fonds, et qui ont pour objectif de grandir et de rejoindre les plus gros acteurs de leur secteur”, précise la directrice de Robert Half Management Resources. Autant de profession­nels qui, après avoir défini leurs objectifs, trouveront toujours, même en temps de crise, l’école, le programme et les leviers de financemen­t nécessaire­s pour les atteindre.

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