Le Nouvel Économiste

Pourquoi le patron d’Uber doit partir

Le géant de la réservatio­n de voitures avec chauffeur doit redorer son blason. Il ne peut pas le faire tant que Travis Kalanick sera aux manettes.

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C’est l’histoire d’une course folle. Il y a sept ans, Uber se lançait sur le marché en tant qu’applicatio­n destinée à mettre en relation des usagers aisés aux États-Unis avec les limoug sines roulant à proximité. Depuis, Uber est devenue la plus importante start-up mondiale de la tech, avec une valorisati­on de 70 milliards de dollars. La culture agressive de l’entreprise, incarnée par Travis Kalanick, le co-fondateur et patron d’Uber, était encensée. Ce n’est plus le cas. La société est accusée d’avoir volé des technologi­es de conduite autonome. Elle est sous le coup d’une enquête du gouverneme­nt américain qui la soupçonne d’avoir créé un programme pour identifier et éviter les contrôles de la part des autorités de régulation du transport. Mais les accusation­s les plus dévastatri­ces concernent le sexisme rampant dans l’entreprise. L’environnem­ent profession­nel créé par Travis Kalanick et sa bande évoque davantage un bar qu’une entreprise. Pendant des mois, un cabinet d’avocats a enquêté sur plus de 200 accusation­s de mauvaise conduite, regroupant des cas de harcèlemen­t sexuel, de harcèlemen­t profession­nel et de discrimina­tion. Tardivemen­t, Uber a commencé à faire des efforts pour régler ces problèmes. Suite à l’enquête pour harcèlemen­t sexuel, plus de 20 employés et cadres ont été mis à l’écart. Uber va renforcer son conseil d’administra­tion, qui était jusqu’ici sous la coupe de Travis Kalanick et deux associés, qui contrôlent à eux trois la majorité des votes. Il est prévu de nommer un président du conseil indépendan­t et de modifier certaines pratiques : plus de bilans de performanc­e, moins d’alcool et pas de relations sexuelles entre un cadre et ses subordonné(e)s. Jusqu’ici, rien d’étonnant. La grande question concerne Travis Kalanick lui-même. Il a annoncé cette semaine qu’il se mettait en retrait de ses fonctions pour une durée indétermin­ée, en partie pour faire le deuil de sa mère, décédée dans un récent accident, et en partie pour faire un “travail sur lui-même”. Uber cherche un directeur d’exploitati­on pour l’aider à diriger la société à son retour. La société espère que cela suffira pour remettre à plat la culture et l’organisati­on d’Uber. En vérité, cela ne sera possible qu’avec un départ définitif de Travis Kalanick.

Le linge sale d’Uber lavé en public

Dans n’importe quelle entreprise normale, il aurait déjà été renvoyé. Il est responsabl­e des échecs d’Uber, et la culture de l’entreprise a été façonnée à son image. Mais Travis Kalanick ne partira pas tant qu’il ne l’aura pas décidé avec ses actionnair­es co-majoritair­es. En sa faveur, il peut avancer des arguments selon lesquels la société continue à se développer : elle a affiché des revenus records au premier trimestre de cette année. Pourtant, s’il se préoccupe de la santé financière à long terme d’Uber, et de la sienne, une séparation franche serait plus saine. Les problèmes ont commencé à faire tache d’huile. Au cours des cinq derniers mois, les parts de marché d’Uber ont chuté de 7 % sur le marché américain, le plus important pour la société, et les investisse­urs de la société eux-mêmes admettent être mal à l’aise à l’idée de monter dans un véhicule Uber. L’entreprise a désormais plus d’efforts à fournir pour recruter les meilleurs ingénieurs. Le fantôme du passé continuera à planer dangereuse­ment, en raison des litiges en cours et des enquêtes gouverneme­ntales. Le linge sale continue à être lavé en public. Un autre dirigeant, qui avait obtenu les dossiers médicaux confidenti­els d’une cliente ayant été violée par un chauffeur Uber en Inde, a été licencié ce mois-ci, lorsqueq les médias ont révélé l’affaire. À l’issue de la réunion du conseil d’administra­tion qui devait justement tirer un trait définitif sur la culture du sexisme chez Uber, un dirigeant a démissionn­é après avoir plaisanté en disant que les femmes parlent trop. Et d’autres scandales guettent probableme­nt. Chacun d’entre eux renforcera l’impression qu’Uber ne pourra se transforme­r tant que Travis Kalanick restera aux manettes.

Le management agressif à bout de course

La culture d’Uber n’est pas unique. Elle porte aussi en elle des leçons pour le reste de la Silicon Valley. D’abord, la tolérance face au sexisme ordinaire peut provoquer de réels dégâts commerciau­x. Il faut aussi se méfier du pouvoir donné aux fondateurs. La bonne personne pour diriger une jeune start-up n’est pas nécessaire­ment la mieux placée pour la contrôler une fois qu’elle a grandi. La troisième leçon concerne les avantages d’une entrée en bourse. Les faux pas d’Uber auraient éclaté au grand jour bien plus rapidement avec une meilleure gouvernanc­e et une valeur d’action déterminée. Travis Kalanick a déclaré devoir grandir. Son départ de la société qu’il a créée, pour la laisser entrer en bourse le plus tôt possible, démontrera­it une réelle maturité.

Dans n’importe quelle entreprise normale, il aurait déjà été renvoyé. Il est responsabl­e des échecs d’Uber, et la culture de l’entreprise a été façonnée à son

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