Le Nouvel Économiste

Le marché noir des ovules humains

Un nouveau commerce illégal et florissant, conséquenc­e inattendue de la fin de la politique de l’enfant unique

- PHILIPPE BARRET

Le prix n’est pas mince : 1 300 à 6 600 euros ; il est plus élevé si la femme qui vend son ovule est bel et bien éduquée. Les mêmes intermédia­ires qui vendent ces ovules multiplien­t les démarches auprès de jeunes étudiantes en mal d’argent

En 2016, la loi a permis aux couples d’avoir deux enfants. Elle faisait suite à une semblable autorisati­on, établie en 2013, pour les couples dont un membre au moins était un enfant unique. Cette politique nouvelle, visant à maîtriser le déséquilib­re entre le nombre des actifs et le nombre des retraités, a reçu un accueil favorable mais prudent. Trois obstacles ont été rencontrés : beaucoup de femmes ont craint qu’une nouvelle grossesse soit un handicap dans leur carrière profession­nelle ; le coût d’un enfant supplément­aire est souvent apparu excessif, pour l’éducation et pour le logement ; et, pour les premières années de la vie de l’enfant, il est difficile, si les grandspare­nts ne vivent pas à proximité, de trouver une garde appropriée. En Chine, seuls 4 % des enfants d’un à trois ans trouvent une place dans une crèche. Il n’empêche que beaucoup de mères ont souhaité avoir un autre enfant : 18,46 millions de naissances enregistré­es dans les hôpitaux en 2016, soit deux millions de plus que le niveau annuel moyen des naissances entre 2010 et 2015. Le taux de fécondité des femmes chinoises s’est établi à 1,7, contre 1,5 à 1,6 les cinq années précédente­s. Or beaucoup de femmes stériles ou trop âgées pour procréer souhaitent avoir un enfant. On évalue leur nombre à 40 millions. La Chine n’a pas de banques d’ovules. Le commerce des ovules est interdit, comme est aussi interdite la maternité de substituti­on (GPA).

Confuciani­sme et commerce d’ovules

C’est pour répondre à cette demande que s’est développé un commerce clandestin des ovules. Sur Wechat, on peut trouver des annonces offrant des ovules humains aux femmes qui veulent en acheter. Le prix n’est pas mince : 1 300 à 6 600 euros ; il est plus élevé si la femme qui vend son ovule est bel et bien éduquée. Les mêmes intermédia­ires qui vendent ces ovules multiplien­t les démarches auprès de jeunes étudiantes en mal d’argent. Le journal ‘Beijing News’ révélait récemment que la demande excédait largement l’offre. Sans doute ce commerce illégal est-il susceptibl­e d’être puni de la prison, comme celui des pratiques médicales qui y sont associées. Mais les condamnati­ons sont rares. Les risques ne sont pas négligeabl­es, du fait des conditions peu sûres dans lesquelles se déroulent les opérations médicales, malgré l’autorisati­on accordée à plus de 400 hôpitaux ppour pprocéder à la pprocréati­on assistée. À quoi s’ajoutentqu­elquep fois les contestati­ons sur la tutelle de l’enfant entre la mère et la femme donneuse d’ovule. La Chine n’a pas à compter avec le poids du judéo-christiani­sme qui, dans ce genre d’affaire, joue en Occident un rôle conservate­ur. Mais il n’est pas certain que le confuciani­sme, qui pèse encore lourd dans le pays, soit plus ouvert aux possibilit­és offertes par la science et les techniques médicales.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France