Le Nouvel Économiste

22 juin 168 av. J.-C.: Rome défait l’armée macédonien­ne

Les débuts de la mainmise de la cité inculte et brutale sur le monde grec subtil et imaginatif

- PAR JEAN-MARC DANIEL

La faiblesse des Grecs tenait à leur division, la force des Romains à leur système politique combinant l’autorité incontesté­e des consuls, la fermeté de l’aristocrat­ie sénatorial­e et le respect de la volonté populaire exprimée par les tribuns

En ce 22 juin, dont les protagonis­tes ne savent pas qu’il se situe en l’an 168 avant Jésus Christ, au nord de la Grèce, près de la cité de Pydna, la phalange du roi Persée de Macédoine affronte les légionsg du consul romain Paul Émile. Depuis la victoire sur le Carthagino­is Hannibal en 202 avant JC, Rome a changé de statut. La ville est devenue une grande puissance et est en passe de devenir un empire. Cette dimension nouvelle la pousse à se tourner vers la Méditerran­ée orientale. Celle-ci est dominée par les Grecs depuis l’aventure fabuleuse d’Alexandre. Mais l’empire d’Alexandre a vite éclaté en de multiplesp État, certains de grande taille comme la Macédoine ou l’Égypte, d’autresretr­oug vant la logique des cités indépendan­tes de la période antérieure. Ce monde, que l’on appelle hellénisti­que, associe l’une des civilisati­ons les plus subtiles et les plus imaginativ­es de l’histoire, à des pratiquesq ppolitique­sq anarchique­sq fondées sur la guerre et l’intrigue. À partir du II e siècle avant JC, Rome décide de s’en mêler, officielle­ment pour maintenir l’ordre, mais en pratique pour conquérir et piller. Avec Pydna, la marche glorieuse des légions prend un tour irréversib­le. La bataille dure à peine une heure ; l’armée macédonien­ne, pourtant réputée parmi les plus redoutable­s de son temps, est pulvérisée. Persée est emprisonné à Rome dans des conditions effroyable­s. Les soldats vaincus sont vendus comme esclaves ou ggladiateu­rs. En outre, le Sénat romain exige des État grecs restés neutres qu’ils livrent mille otages. Parmi eux se trouve Polybe. Il vient du Péloponnès­e, une région qui, bien qu’elle ait assisté avec satisfacti­on à la déroute de Persée, n’en est pas moins suspecte aux yeux des vainqueurs.

La force romaine : son système politique

Polybe reste 17 ans à Rome. Il s’y consacre notamment à la rédaction d’un ouvrage d’histoire monumental dont le but est de comprendre pourquoi Rome, cité brutale et inculte, l’a emporté sur le monde grec au niveau culturel et scientifiq­ue largement supérieur. Pour Polybe, la faiblesse des Grecs tenait à leur division, la force des Romains à leur système politique combinant l’autorité incontesté­e des consuls, la fermeté de l’aristocrat­ie sénatorial­e et le respect de la volonté populaire exprimée par les tribuns. Soyons francs : les interrogat­ions de Polybe à propos de Rome rejoignent celle des Européensp d’aujourd’huij à pproposp des États-Unis. Avec une acuité renforcée depuis l’élection de Donald Trump. Pour se rassurer, les Européens peuvent (re) lire les écrits… d’un Romain. Le poète Horace, qui vivait un siècle après Polybe, a en effet défendu l’idée d’une victoire finale des Grecs : ‘ Graecia capta ferum victorem cepit’… Que les Européens retiennent la leçon : face à l’Amérique, ils ne s’affirmeron­t pas par les armes. Mais il leur reste la puissance symbolique, celle de la culture, et eu égard à l’évolution économique, celle de la monnaie, c’est-à-dire celle de l’euro en tant que potentiel rival du dollar !

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