Le Nouvel Économiste

Assurance-vie, donation et succession

L’assurance-vie a perdu les charmes du rendement, mais reste un outil de transmissi­on flexible et intéressan­t

- PIERRE-JEAN LECA

Cette année, la rémunérati­on moyenne des fonds en euros de l’assurance-vie devrait passer pour la première fois au-dessous de la barre des 2 %, dans le sillage de la baisse des rendements d’États Les avantages consentis à l’assurance-vie ont eu tendance à se réduire au fil du temps

La baisse continue de son rendement observée ces dernières années a rendu clairement l’assurance-vie moins attractive. Pour autant, ce placement reste à privilégie­r dans une optique de transmissi­on. Avec l’assurance-vie, les sommes transmises après un décès le sont en dehors des règles légales de succession. Ce placement reste donc un outil efficace pour donner plus à ses enfants, sans alourdir leurs droits, ou transmettr­e à un tiers (concubin notamment) qui paierait sinon 60 % de droits de donation.

L’assurance-vie a perdu indéniable­ment de son attrait. Au mois de mars, la collecte nette de l’assurance-vie a été nulle. Ce résultat fait suite à des collectes qui sont depuis plusieurs mois faibles, entre 400 et 800 millions d’euros. La collecte nette s’établit à 1 milliard d’euros depuis le début de l’année, contre 7,7 milliards d’euros pour les trois premiers mois de l’année 2016. Les ménages français privilégie­nt actuelleme­nt la liquidité, ce qui se traduit par le retour d’une collecte positive pour le livret A et l’immobilier, avec à la clef une progressio­n des transactio­ns et des prix. L’assurance-vie est en premier lieu pénalisée par la baisse des taux des fonds euros. Cette année, la rémunérati­on moyenne des fonds en euros de l’assurance-vie devrait passer pour la première fois au-dessous de la barre des 2 %, dans le sillageg de la baisse des rendements d’États. L’assurance-vie est également affectée par les menaces pesant sur son régime fiscal. La propositio­n d’Emmanuel Macron d’imposer les contribuab­les ayant plus de 150 000 euros sur leurs contrats d’assurance-vie à 30 % peut inciter certains à réduire leur exposition sur ce type de placement, même si le candidat a indiqué que cette nouvelle dispositio­n ne sera pas rétroactiv­e. Pourtant, les épargnants auraient tort de snober l’assurance-vie qui reste un outil particuliè­rement efficace pour transmettr­e son patrimoine. Sur le plan civil, les capitaux décès ne font pas partie de la succession du souscripte­ur : il est donc possible de s’affranchir des règles de la réserve héréditair­e pour gratifier qui l’on souhaite, avec ou sans lien de parenté. Sur le plan fiscal, ces mêmes capitaux bénéficien­t d’un régime de faveur à géométrie très variable dans la mesure où les avantages consentis à l’assurance-vie ont eu tendance à se réduire au fil du temps, sans pour autant remettre en cause le régime des contrats souscrits antérieure­ment ou des primes versées avant l’entrée en vigueur des nouvelles lois.

Le choix des dates

Le cadre fiscal est ainsi devenu particuliè­rement complexe et dépendant de trois facteurs : la date du contrat, la date des versements et l’âge du souscripte­ur au moment des versements. On distingue trois types de contrats, les contrats actuels, les contrats souscrits entre novembre 1991 et octobre 1998, et les contrats antérieurs à novembre 1991. Les contrats actuels sont ceux qui ont été souscrits depuis le 13 octobre 1998 (et qui bénéficien­t par conséquent de versements postérieur­s à cette date).

Si les versements ont été effectués avant les 70 ans du souscripte­ur, ils permettent de bénéficier d’un abattement de 152 500 euros, donc de transmettr­e jusqu’à 152 500 euros sans fiscalité. Au-delà, la taxation est de 20 % jusqu’à 700 000 euros puis de 31,25 % au-dessus de cette somme. “À titre de comparaiso­n, les droits de succession ‘classiques’ atteignent déjà les 30 % au-dessus de 552 324 euros, et passent à 40 % après 902 838 euros. En outre, l’abattement est moindre : 100 000 euros entre parents et enfants par exemple. Même taxée, l’assurance-vie reste donc intéressan­te”, observe Jean Malhomme, directeur de l’épargne et de la prévoyance chez Axa. Pour les versements effectués après 70 ans, l’exonératio­n se limite en revanche à 30 500 euros. Le reste est soumis aux mêmes taux qu’un actif successora­l. Les contrats souscrits entre novembre 1991 et octobre 1998, eux, n’entrent pas dans le champ des contrats actuels. La transmissi­on est totalement exonérée si les versements ont été effectués avant le 13 octobre 1998 et avant les 70 ans de l’assuré. Si les versements sont postérieur­s à cette date mais que l’assuré avait moins de 70 ans, le bénéficiai­re retombe dans le cadre de l’abattement de 152 500 euros avec des taxations à 20 %, puis 31,25 % au-delà. En revanche pour les versements effectués après les 70 ans de l’assuré (quelle que soit la date des versements), le régime

Pour optimiser véritablem­ent la transmissi­on d’un capital, il faut de préférence verser avant 70 ans Les sommes reçues par le bénéficiai­re d’un contrat d’assurancev­ie ne font pas partie de la succession du souscripte­ur

applicable est celui des droits de succession avec une exonératio­n à hauteur de 30 500 euros. Enfin, les contrats antérieurs à novembre 1991 ne subissent aucun cadre particulie­r. L’âge de l’assuré n’a plus d’importance. Seule la date des versements modifie la règle applicable. Si les primes ont été versées avant le 13 octobre 1998, la transmissi­on est totalement exonérée. Dans le cas contraire, l’exonératio­n ne joue que jusqu’à 152 500 euros. Au-delà, l’imposition est de 20 % puis 31,25 % comme pour les contrats actuels (avec versements avant 70 ans). En résumé, pour optimiser véritablem­ent la transmissi­on d’un capital, il faut donc, de préférence, verser avant 70 ans.

Liberté et discrétion

“Les avantages fiscaux offerts par l’assurance-vie sont très connus des épargnants, et la liberté et la souplesse dans la transmissi­on constituen­t également des atouts non négligeabl­es”, souligne Jean Malhomme. Aux termes de l’article L 132-12 du Code des assurances en effet, les sommes reçues par le bénéficiai­re d’un contrat d’assurance-vie ne font pas partie de la succession du

souscripte­ur.pas traité commeLe capitalune donationn’est donc: il échappesou­mis aux aux règles héritiers,de la et réductionn’est pas pour atteinte “La à libertéla réserveest totaledes descendant­s. ou presque pour le souscripte­ur, puisqu’il peut faire bénéficier qui il souhaite, sans bien sûr spolier ses héritiers”, précise Jean Malhomme. Mieux, ajoute François Simon, président cofondateu­r d’Agami Family Office, “dans le cadre de l’assurance-vie, une donation peut se faire en toute discrétion puisqu’elle ne rentra pas dans le cadre d’une succession. Avec l’assurance-vie, le souscripte­ur peut ainsi très bien par exemple favoriser l’un de ses enfants en toute légalité ou léguer une partie de son capital à son voisin sans que ce dernier ne soit imposé à hauteur de 60 %”. Attention prévient-il cependant, “si les primes versées sont manifestem­ent exagérées, la justice peut exiger la réintégrat­ion dans la succession de l’intégralit­é des primes versées, ou uniquement de leur fraction excessive”. Par ailleurs, “l’incidence fiscale peut être très importante dans certains cas où, lorsque les conditions sont remplies, tous les bénéficiai­res sont exonérés de taxes jusqu’à 152 500 euros, quels que soient leurs liens de parenté avec le défunt”, rappelle Antoine Dadvisard, président du directoire de Matignon Finances. “80 % des contrats que nous ouvrons aujourd’hui s’expliquent par les avantages liés à la transmissi­on”, assure-t-il. Un point de vue partagé par Gérald-Henri Vuillien, associégér­ant de la Compagnie française de gestion de patrimoine (CFGP) : “Quand on étudie le tableau des taux de droits de succession appliqués en France, on ne peut pas nier le bonus que constitue pour l’assurance-vie, un avantage successora­l appréciabl­e et unique en son genre”. Dans ce cadre, l’assurance-vie reste plus que jamais un outil solide pour la transmissi­on, et ce malgré la baisse des rendements, comme le confirme le profession­nel : “La baisse des rendements est une chose et la transmissi­on un autre sujet. Il se trouve que dans le cas de l’assurance-vie, le couple rendement/avantages fiscaux est un couple gagnant. En effet, même si les rendements sont en baisse, l’assurance-vie reste parmi les meilleurs outils de placement. L’avantage indéniable que constitue l’allégement des droits de succession en fait un placement de choix jusqu’à un certain montant. Pour des fortunes importante­s dont l’objectif principal est l’avantage successora­l, on complétera le dispositif d’assurance-vie par d’autres placements comme les groupement­s fonciers forestiers ou viticoles.”

L’assurance-vie, dernière niche fiscale

Au fil des années, la fiscalité sur l’assurance-vie s’est alourdie, comme sur le reste de l’épargne. L’accroissem­ent de la pression fiscale n’est pas sans effets sur la rentabilit­é des contrats. Parallèlem­ent, les rendements sont à la baisse. Malgré cela, l’assurance-vie reste encore le seul placement qui bénéficie d’une fiscalité privilégié­e. “Dans les dispositif­s de gestion de patrimoine, c’est un placement incontourn­able dont la rentabilit­é est largement supérieure aux livrets d’épargne et autres placements bancaires. En France, l’assurance-vie est la dernière niche fiscale sans contrepart­ie. C’est bien pour cela que dans le programme de certains candidats à la présidence de la République, l’assurance-vie était sujette à des alourdisse­ments fiscaux importants. Pourtant c’est un placement accessible à toutes les couches de la société, ce qui n’est pas le cas de la majorité des placements bénéfician­t d’un avantage fiscal”, souligne Gérald-Henri Vuillien. Seules les plus-values, et seulement s’il y a rachat, sont soumises à une imposition. Le taux d’imposition est alors parmi les plus bas et il décroît en fonction de l’ancienneté du contrat. “Alors oui, l’avantage fiscal de l’assurance-vie demeure toujours un atout majeur. En deçà de 4 ans, le taux d’imposition est de 35 % ; entre

4 et 8 ans, le taux de pression fiscale est de seulement 15 % et au-delà de 8 ans, la fiscalité tombe à 7,50 % après un abattement de 4 600 euros pour une personne ou 9 200 euros pour un couple. Mais le contribuab­le a le choix de son imposition entre l’impôt sur le revenu ou la taxation forfaitair­e”, précise l’associé-gérant de la CFGP. Sur le plan économique, ce contrat permet en effet au souscripte­ur de faire fructifier son argent, comme dans un PEA, mais sans les contrainte­s de lieu et de montant de ce dernier, en exonératio­n d’impôts sur les arbitrages, en choisissan­t les supports très variés, en y mettant même des SCPI. De nombreuses compagnies le proposent et le tout, avec l’abattement d’impôt. Ce contrat peut même être utilisé pour emprunter à la compagnie, sous forme d’avance, certaines sommes d’argent, sans avoir à passer par sa banque et avec une grande rapidité. “L’assurance-vie n’est pas morte, et l’État a besoin des épargnants pour que les compagnies continuent de souscrire à la dette. Si les prochains gouverneme­nts comprennen­t l’intérêt commun des épargnants et de l’État, nous pourrons peut-être voir ce mode de détention continuer à être le support préféré des Français. L’avenir nous le dira !”, conclut Antoine Dadvisard.

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“Au-delà du rendement, ce recul de la collecte nette de l’assurance-vie en 2016 s’explique par un certain nombre d’incertitud­es relatives à la Loi Eckert et à la loi Sapin II.” Alain Tourdjman, Groupe BPCE.
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“Dans le cadre de l’assurance-vie, une donation peut se faire en toute discrétion puisqu’elle ne rentra pas dans le cadre d’une succession.” François Simon, Agami Family Office.
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“L’assurance-vie n’est ppas morte, et l’État a besoin des épargnants pour que les compagnies continuent de souscrire à la dette.” Antoine Dadvisard, Matignon Finances.

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