Le Nouvel Économiste

Packaging événementi­el

1 000 et une façons de créer l’événement – voire un nouvel univers, voire un achat – grâce au seul emballage

- LAURÈNE RIMONDI

L’emballage événementi­el se renouvelle autour de deux tendances, à mi-chemin entre l’appauvriss­ement du pack et la disparitio­n de la matière d’une part, et la survaloris­ation de l’emballage, destiné à enrichir l’expérience d’un produit, d’autre part Certaines marques parviennen­t à mobiliser une véritable communauté, comme Monoprix, aujourd’hui suivi par 1 million de personnes sur Facebook

Le packaging événementi­el n’a de cesse de se réinventer pour créer des liens avec le consommate­ur. Si les fêtes imposaient traditionn­ellement le rythme, un rythme, les nouvelles technologi­es bouleverse­nt désormais les comporteme­nts des utilisateu­rs, ouvrent la voie à de nouveaux usages et à un nouveau champ de possibles pour les marques. Réseaux sociaux, réalité augmentée, nouveaux contenus et services… le maître mot est l’ultraperso­nnalisatio­n. Le packaging événementi­el se renouvelle à la croisée de deux tendances, entre appauvriss­ement et survaloris­ation de l’emballage, avec un unique objectif, celui d’améliorer l’image de la marque.

L’emballage événementi­el s’est imposé sur les linéaires. Dans un paysage de la distributi­on surchargé, ce packaging éphémère permet d’augmenter la visibilité en surprenant le consommate­ur. Et les résultats sont au rendez-vous : “pour un investisse­ment faible, l’augmentati­on du chiffre d’affaires sur un produit peut aller de 15 à 30 %, sans avoir à faire évoluer le produit”, remarque Christophe Chaptal de Chanteloup, expert des marques. En 2015, en l’absence de nouveaux produits, la marque de gel douche Le Petit Marseillai­s a ainsi lancé un flacon original sur lequel son moussaillo­n iconique sort de son losange habituel pour vivre une aventure différente sur chaque senteur de la gamme. Une expérience prolongée par une applicatio­n ludique en réalité augmentée autour du même thème. “Cette animation a permis de créer un touch point avec le consommate­ur et s’est imposée comme un gros succès, pour une marque qui avait du mal à se renouveler”, estime Sébastien Dragon, directeur de l’agence Bronson. Le packaging événementi­el se généralise à tous les secteurs. Détergents, charcuteri­e, friandises, l’ensemble des produits de la grande consommati­on l’ont adopté. Alors que les lancements étaient auparavant rythmés par les

temps forts saisonnier­s, les opérations se multiplien­t désormais au fil des événements, sportifs, culturels ou économique­s. “Il y a encore quelques années, seules les marques qui avaient autorité sur un événement le pratiquaie­nt. Aujourd’hui, toutes se lancent, même les distribute­urs, comme Monoprix. C’est une attente des consommate­urs : une marque qui s’abstient est une marque qui n’a rien à dire et peut paraître conservatr­ice”, affirme Delphine Dauge, directrice de Brandimage.

Ni trop ni trop peu d’emballage

Mais alors que le packaging événementi­el tend à se systématis­er, un risque apparaît, celui de se fondre dans une trop grande diversité. L’autre menace : voir l’emballage prendre le pas et décevoir par un

produit qui, lui, n’a pas évolué. “En multiplian­t les occasions, la marque peut finalement brouiller son positionne­ment et démoder la gamme générique. Le packaging événementi­el doit rester le moyen d’animer une gamme. D’autant qu’à l’heure de la transition écologique, la montée en puissance de la mouvance éthique a imposé une remise en question du conditionn­ement et se heurte à sa dimension éphémère”, selon M. Chaptal de Chanteloup. Pour conserver sa pertinence et toujours parvenir à surprendre, l’emballage événementi­el se renouvelle autour de deux tendances, à mi-chemin entre l’appauvriss­ement du pack et la disparitio­n de la matière d’une part, et

la survaloris­ation de l’emballage, destiné à enrichir l’expérience d’un produit, d’autre part. “La clé de l’évolution de l’emballage événementi­el se joue autour du connecté, qui permet l’ultraperso­nnalisatio­n et une segmentati­on au plus près des attentes des consommate­urs, pour finalement démultipli­er les ventes”, affirme Nathalie Grosdidier, commissair­e général du salon Pack&Gift.

Le packaging redevient outil de connexion

L’intégratio­n des nouvelles technologi­es permet à la distributi­on de devenir interactiv­e et prolonge l’expérience de la marque à travers l’écran mobile, en magasin mais aussi à la maison. Si l’utilisatio­n des QR code et de la RFID est devenue courante pour transmettr­e de l’informatio­n sur le produit, en particulie­r la provenance et les qualités nutritionn­elles, certaines enseignes parviennen­t à les transcende­r pour créer des passerelle­s en direction de contenus enrichis. “On a longtemps pensé que le packaging allait disparaîtr­e. Il se redéfinit pourtant pour redevenir un outil de communicat­ion à part entière. Connecté, il permet de raconter une nouvelle histoire et de créer du lien”, affirme Sébastien Dragon. Sur les emballages, les invitation­s à intégrer une communauté et partager du contenu autour des produits se multiplien­t. Les jus de fruit Pressade ont ainsi lancé une nouvelle stratégie de contenus

L’emballage reprend ses droits lorsqu’il devient un objet utile, réutilisab­le ou collector. Chaque fin d’année, Évian signe des collaborat­ions avec des pointures de la mode, tandis que Badoit propose des éditions limitées, destinées à décorer les tables

“Les collaborat­ions permettent de créer des ponts avec les valeurs de la marque, pour la faire entrer dans un autre univers, notamment celui de la mode ou de l’art”

autour de la gentilless­e. Ortelait a créé la communauté “J’aime le lait d’ici”. Certaines marques parviennen­t à mobiliser une véritable communauté, comme Monoprix, aujourd’hui suivi par 1 million de personnes sur Facebook. Le distribute­ur fédère autour de vidéos qui sont des mises en scène de jeux de mots, véhiculés par ses emballages, “Sauce qui peut” ou “La mie qui vous veut du bien”. “Pour rester pertinent, l’utilisatio­n des nouvelles technologi­es, et plus largement du packaging événementi­el, doit permettre de relier le contenu à l’histoire de la marque et ses valeurs, mais aussi faire preuve d’audace, raconter quelque chose de nouveau pour se rapprocher du consommate­ur, et finalement générer un achat d’impulsion”, selon Sarah Zannetti, planeuse stratégiqu­e chez Logic Design. L’environnem­ent ludique prend aussi vie directemen­t sur l’emballage grâce à la réalité augmentée ou aux jeux de lumière. Là encore, le packaging n’est qu’une passerelle vers un univers qui dépasse son propre conditionn­ement. Desperados transforme sa bouteille en expérience artistique, via une applicatio­n qui permet de découvrir à 360 degrés une pièce décorée ppar le street artist Matthieu Dagorn.g À l’intention de ses clients VIP, la maison Mumm a créé la première bouteille de champagnep­g connectée. Équipée d’une puce électroniq­ue permettant la géolocalis­ation, son ouverture dans une discothèqu­e équipée déclenche un spot lumineux en direction de la bouteille et, in fine, crée l’attraction autour du produit. La marque Always est allée plus loin par la création d’une applicatio­n, BackMeApp, qui permet aux utilisatri­ces d’indiquer à un proche une heure d’arrivée estimée sur un trajet qui peut s’avérer risqué pour elle. Une façon de renforcer son positionne­ment de marque protectric­e des femmes. “Cette applicatio­n, reconnue comme une réelle solution, répond à un besoin de la cible sans pour autant être directemen­t lié au produit. L’utilisatio­n des nouvelles technologi­es pour créer de véritables services non marchands a beaucoup d’avenir, car cela permet de prolonger l’expérience du produit en ligne au-delà de son contexte d’utilisatio­n et d’investir le quotidien”, estime Delphine Dauge.

Personnali­sation et partenaria­ts, la premiumisa­tion ultime

À l’inverse, l’emballage reprend ses droits lorsqu’il devient un objet utile, réutilisab­le ou collector. Chaque fin d’année, Évian signe des collaborat­ions avec des pointures de la mode, tandis que Badoit propose des éditions limitées, destinées à décorer les tables. En filigrane apparaît la création d’un événement qui s’inscrit dans une stratégie de plus long terme. “En créant une jolie bouteille d’eau qu’on aura plaisir à conserver, l’objectif est de positionne­r l’eau comme un incontourn­able des arts de la table, au même titre que la gastronomi­e et le vin”, selon Christophe Pradère, CEO de BETC. Le moyen de jouer avec le registre symbolique et de réaffirmer un positionne­ment. En début d’année, la sortie du film ‘Les Gardiens de la Galaxie 2’ a été l’occasion ppour Doritos de lancer aux États-Unis un paquet de nachos transforma­ble en walkman, objet iconiqueq des années 90, dans la lignée du partenaria­t. À l’occasion du Super Bawl, Tostitos est allé plus loin avec la création d’un paquet de chips capable de mesurer le taux d’alcoolémie, mais aussi de commander directemen­t un Uber par simple contact avec le smartphone. Dans cette lignée, Nike a inventé la boîte à chaussures recyclable, capable de se transforme­r en sac à dos pour ses Air Max. “La création d’un nouvel objet est le moyen de retirer à l’emballage sa superficia­lité et de se positionne­r comme une marque innovante. La série limitée s’inscrit dans un effet de

mode, en fonction d’une circonstan­ce, mais permet de créer un objet qu’on garde”, selon Christophe Pradère. Dans cette perspectiv­e, les techniques nouvelles d’impression permettent aussi de personnali­ser à l’extrême, pour une premiumisa­tion de la grande consommati­on. Coca a ouvert la voie avec ses bouteilles personnali­sables en fonction des prénoms. Ferrero vient de son côté de lancer son programme Unica, qui permet d’imprimer autant d’habillage qu’il y a de pots de Nutella. Le champ des possibles devient infini. “Ces séries collector étaient autrefois très courtes et accompagné­es de coûts prohibitif­s, donc réservées au secteur du luxe. L’impression numérique est aujourd’hui à la portée de tous les budgets”, selon Nathalie Grosdidier. Dernière tendance, la ppersonnal­isation ppar le consommate­ur lui-même, comme avec Évian qui permet de commander une bouteille gravée au prénom et à la date de naissance. En 2013, Omo avait déjà proposé à ses clients de composer leur pack et une senteur dans des pop stores éphémères à l’aide de puces RFID. Autre façon de créer un autre storytelli­ng : les collaborat­ions et partenaria­ts. Kitkat, dans la lignée son célèbre “Have a break”, a créé des vidéos de divertisse­ment en partenaria­t avec Google et Youtube. Piper-Heidsieck et la maison Louboutin se sont également associés pour faire revivre un rituel britanniqu­e, celui d’Edward VII, qui avait pour habitude de boire du champagne dans des chaussons de danseuses. Imaginée par Jean-Paul Gauthier, la flûte en forme d’escarpin, vendue dans le cadre d’un packaging en édition limitée, s’inscrit dans la lignée du positionne­ment à la fois élitiste et extravagan­t de la marque. “Les collaborat­ions permettent de créer des ponts avec les valeurs de la marque, pour la faire entrer dans un autre univers, notamment celui de la mode ou de l’art”, selon Christophe

Pradère.

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“En multiplian­t les occasions, la marque peut finalement brouiller son positionne­ment et démoder la gamme générique. Le packaging événementi­el doit rester le moyen d’animer une gamme.” Christophe Chaptal de Chanteloup, consultant.
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“L’utilisatio­n des nouvelles technologi­es pour créer de véritables services non marchands permet de prolonger l’expérience du produit au-delà de son contexte d’utilisatio­n et d’investir le quotidien.” Delphine Dauge, Brandimage.
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“La création d’un nouvel objet est le moyen de retirer à l’emballage sa superficia­lité et de se positionne­r comme une marque innovante.” Christophe Pradère, BETC.

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