Le Nouvel Économiste

AfricaFran­ce

La France, qui n’a plus les moyens de ses ambitions, passe à l’Allemagne le témoin de l’aide européenne à l’Afrique

- PAR ODON VALLET

132 ans après la conférence convoquée par Bismarck, c’est encore l’Allemagne qui pilote le partage de l’Afrique, ou du moins celui de l’aide à l’Afrique. Le G20 des 12 et 13 juin a vu la chancelièr­e Angela Merkel prendre la suite du “chancelier de fer”. D’ailleurs, le continent noir attend un plan Merkel sur le modèle du plan Marshall des années cinquante. Mais la conférence de Berlin du G20 n’a pas promis le versement d’un seul euro. Il envisage plutôt un cadre réglementa­ire et financier, autant dire des mesures anti-corruption et des mesures anti-gaspillage. Et le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, la bête noire des Grecs, risque de se faire de nouveaux ennemis outre-Méditerran­ée. Car il ose poser des conditions à l’aide européenne que la France n’exigeaitg ppas afin de ne pas mécontente­r les chefs d’États, amis de “Françafriq­ue”. Cette dernière est bien morte, remplacée par “AfricaFran­ce” selon la formule du journalist­e et écrivain Antoine Glaser, c’est-à-dire par une Afrique qui décide de l’aide française. Mais comme l’Allemagne n’a plus de colonies depuis cent ans, elle échappe au reproche de néocolonia­lisme. Et elle associe à sa démarche la Banque mondiale et le Fonds monétaire internatio­nal, qui n’ont et n’ont eu ni canonnière­s, ni missionnai­res, ni casques coloniaux sous air conditionn­é. En clair, la France n’ayant plus les moyens de ses ambitions, elle passe en partie le témoin à l’Allemagne qui, avec son million de migrants, veut maintenir les Africains en Afrique, sauf ceux qui intéressen­t les entreprise­s allemandes et pourraient repeupler la Germanie vieillissa­nte.

Les Africains seront-ils gagnants?

Promue chef de file de l’aide européenne, l’Allemagne pourrait être plus pragmatiqu­e et efficace que la France, qui n’a jamais gagné d’argent en Afrique, comme l’avait montré la thèse de Jacques Marseille sur l’Empire colonial et le capitalism­e français. Mais les Africains seront-ils ggagnantsg ? Sûrement pas les chefs d’État et ministres francophon­esp qqui redescenda­ient les marches de l’Élysée avec de l’argent plein les poches, à peine donné, sitôt gâché, à peine distribué, sitôt gaspillé. Mais les population­s n’ont rien à craindre de la rigueur rhénanique, d’autant que la qualité allemande l’emporte largement sur la pacotille chinoise avec ses chaussées fragiles, à peine goudronnée­s, déjà dégradées. Bref, les Africains, en passant de Paris à Berlin, n’y perdront pas grand-chose et beaucoup l’avaient déjà compris, préférant le Kurfürsten­damm aux ChampsÉlys­ées.p Mais pour le pays de Jules Ferry et de Jacques Chirac, la leçon est rude : depuis la fin du service national de la coopératio­n en 1997, la France n’a cessé de reculer dans le classement des partenaire­s de l’Afrique. Son atout principal demeure l’armée française pour laquelle il faudra consentir d’importants efforts budgétaire­s car une fois de plus, l’Afrique coûtera à la France, mais son abandon poserait sans doute la question du siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Des euros pour un fauteuil, c’est le prix à payer afin de rester sinon une grande puissance, du moins un pays qui compte et non quelconque.

Depuis la fin du service national de la coopératio­n en 1997, la France n’a cessé de reculer dans le classement des partenaire­s de l’Afrique. Son atout principal demeure l’armée française pour laquelle il faudra consentir d’importants efforts budgétaire­s car une fois de plus, l’Afrique coûtera à la France, mais son abandon poserait sans doute la question du siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

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