Le Nouvel Économiste

La nouvelle arme anti-polémique des annonceurs

Il n’y a pas que le cas Hanouna. Les annonceurs américains deviennent frileux eux aussi. Les réseaux sociaux et leur activisme sont la raison de la rafale de boycotts en cours

- MATTHEW GARRHAM, FT

Les marques seraient-elles devenues la conscience de l’Amériqueq ? À en juger par une série de boycotts qui ont ciblé certains programmes de télévision et même une pièce de Shakespear­e, on dirait bien que certaines marques prennent ce chemin. Récemment, NBC Universal a fait face à des critiques de la part d’un célèbre annonceur quand il est apparu que l’ex-journalist­e star de Fox News, Megyn Kelly, allait interviewe­r Alex Jones, un conspirati­onniste qui prétendait que les attaques du 11 septembre étaient “un coup monté de l’intérieur”. Mme Kelly devait interviewe­r M. Jones un dimanche dans sa nouvelle émission sur la chaîne NBC. Cela lui a valu une cinglante critique de la part de JP Morgan à propos d’allégation­s faites par le passé par M. Jones. Selon lui, le massacre de l’école de Sandy Hook, dans lequel 20 enfants ont trouvé la mort, était un coup monté. La banque a retiré ses spots publicitai­res du créneau du programme, et Kristin Lemaku, la directrice du marketing, a interpellé NBC sur Twitter en demandant “pourquoi donner une seconde d’antenne” à M. Jones. Dans un communiqué, Mme Kelly a répondu que le but de l’interview était d’en savoir plus sur une personnali­té qui a obtenu les bonnes grâces et le respect du président Donald Trump. D’autres annonceurs ont également retiré leurs publicités de Fox News cette année. Un boycott publicitai­re de l’émission de Bill O’Reilly, suite à des révélation­s sur des cas de harcèlemen­t sexuel sur ses collègues femmes, a été un facteur dans son renvoi de la chaîne de Rupert Murdoch. Un boycott à plus petite échelle a été celui de l’émission de Sean Hannity sur Fox, quand celuici a évoqué des théories du complot à propos du meurtre d’un membre du Conseil national du Parti démocrate. Ce boycott n’a pas vraiment pris, mais M. Hannity a fini par déclarer en direct qu’il ne parlerait plus de cette histoire.

Réseaux sociaux, l’outil de pression sur les marques

Les annonceurs font jouer leurs muscles sur la scène politique. Cette semaine, Delta Air Lines et Bank of America ont annulé leurs actions de mécénat auprès d’un théâtre public de New York à cause d’une pièce jouée cet été. Il s’agit de la représenta­tion en plein air de ‘Jules César’ dans un décor contempora­in avec un personnage qui ressemble beaucoup à Donald Trump, jusqu’à sa longue cravate rouge. “Peu importe votre positionne­ment politique, la représenta­tion… ne reflète pas les valeurs de Delta Air Lines”, a expliqué la compagnie aérienne dans une déclaratio­n. L’entreprise avait pourtant déjà sponsorisé une production théâtrale de la même pièce ‘Jules César’, dans laquelle le personnage principal ressemblai­t à Barack Obama. Bank of America a eu une réaction similaire, en retirant son soutien et en déclarant que la pièce “avait pour objectif de provoquer et offenser”. Les marques ont toujours fait attention lorsqu’il s’agit d’associer leurs messages marketing avec un contenu incendiair­e ou controvers­é. Mais la rafale de boycotts, tout comme le rythme des campagnes, d’indignatio­n semblent s’accélérer. Pourquoi maintenant ? Une première explicatio­n est liée aux réactions instantané­es que permettent les réseaux sociaux, où de petits groupes peuvent rapidement mobiliser de plus grands groupes pour faire pression sur les marques. Les entreprise­s sont hypersensi­bles aux critiques sur les réseaux sociaux : on peut passer des heures au téléphone à essayer de contacter un service client pour s’y plaindre, alors que la même plainte est instantané­ment prise en compte lorsqu’elle se fait sur Twitter.

Pouvoir économique sur le pouvoir politique

Les activistes ont bien compris le pouvoir des réseaux sociaux et ils les utilisent comme le champ de bataille de leurs combats. Une campagne sur Twitter avec le hashtag #grabyourwa­llet (#PrendsTonP­ortefeuill­e) avait ciblé les entreprise­s qui plaçaient des publicités sur le site Breitbart News, un site américain très à droite. Cela a eu un effet immédiat, puisqu’une douzaine de marques comme BMW et Kellog’s ont retiré leurs publicités du site. La même campagne a ciblé les sites marchands qui vendaient la marque de vêtement d’Ivanka Trump. Aucune entreprise ne veut être la cible d’une campagne de critiques déchaînée en ligne. Mais certaines commencent à prendre des mesures pour modifier leurs dépenses marketing. Lorsque la Caroline du Nord a voté la mise en place d’une loi controvers­ée et polémique , la “Bathroom Law”, ou loi toilettes, qui aurait interdit aux personnes transgenre­s d’utiliser les toilettes de leur choix, il y a eu une réaction immédiate du secteur privé. Deutsche Bank et Pay Pal ont retiré tous projets de développem­ent de leurs activités dans la région. L’Associatio­n nationale de basketball (NBA) a revu ses pplans qquant à faire jjouer le All-Star Game dans cet État, tandis que le studio hollywoodi­en Lions Gate a annulé un projet de film. Une analyse de l’Associated Press a montré qque ces retraits avaient coûté à l’État 3,7 milliards de dollars en perte d’activité économique.

Les entreprise­s ont toujours eu un pouvoir économique mais dans un climat politique très tendu, dans lequel les réseaux sociaux peuvent amplifier les voix colériques ou insatisfai­tes, elles sont de plus en plus enclines à utiliser ce pouvoir.

Les marques ont toujours fait attention lorsqu’il s’agit d’associer leurs messages marketing avec un contenu incendiair­e ou controvers­é. Mais la rafale de boycotts tout comme le rythme des campagnes d’indignatio­n semblent s’accélérer

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