Le Nouvel Économiste

“La présidence Trump est un marécage où tout est enlisé”

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE PLASSART

“La présidence Trump

est un marécage où tout est enlisé”

À l’occasion de la présence de Donald Trump aux côtés d’Emmanuel Macron au défilé du 14 juillet, la journalist­e “trumpologu­e” Anne Toulouse dresse un bilan des six premiers mois de cette présidence à nulle autre ppareille. Et le constat est sans appel.“À Washington, on est toujours dans le chaos : rien n’avance. (…). On attendait une réforme fiscale qui est impérative, on attendait un grand plan d’infrastruc­tures et on attend toujours”, observe-t-elle. Cette incapacité à faire passer les lois signe le principal échec de Trump qui s’est fait élire sur la promesse de donner un nouvel élan à l’économie. La faute au premier chef à Trump lui-même, qui a transposé à la Maison-Blanche son mode de gouvernanc­e d’homme d’affaires “sans ligne directrice”. “Les rouages du gouverneme­nt américain sont complexes y compris au

niveau des États fédérés. Il faut aborder cela avec humilité, qui n’est pas sa qualité

première.” Jusqu’où ira-t-il ? Avec en toile de fond de possibles démêlés judiciaire­s à venir, le président qui est au fond du trou continue à creuser en enlevant chaque matin deux pelletées supplément­aires. “Trump est son pire ennemi” mais à 71 ans, “il ne changera pas”, assure Anne Toulouse.

Les premiers mois de la présidence Trump ont été chaotiques. Donald Trump s’est rendu compte qu’il était plus facile de gagner une élection que de gouverner. Il est arrivé à la Maison-Blanche avec l’équipe qui avait gagné en allant à la rencontre de l’opinion, mais composée d’amateurs pour diriger le pays, alors que gouverner les États-Unis demande beaucoup de profession­nels. Habituelle­ment, avant même l’élection, les candidats composent des équipes profilées pour cette tâche.Trump ne s’attendait-il pas à être élu ? Ou considérai­t-il que les choses iraient-elles d’elles-mêmes ?Toujours est-il que cette préparatio­n en amont n’a pas été faite. Et il s’est retrouvé au lendemain de son élection sans équipe et avec des candidats pour le rejoindre qui ne se bousculaie­nt pas. Il a donc pris des fidèles comme Steve Bannon, un mélange d’Hollywood et de Wall-Street, le général Mattis, sa fille et son gendre, qui ne savaient pas comment fonctionne la Maison-Blanche. Le seul profession­nel dans l’entourage est l’ancien chef du parti républicai­n, Reince Priebus, que personne n’écoute parce qu’il tient précisémen­t un langage que personne ne veut entendre. Et au-delà de cet entourage, Trump n’a pas beaucoup d’amis à Washington : les démocrates le vomissent et les républicai­ns le voient comme le coucou qui s’est installé dans leur nid et qui leur aura soufflé la présidence sous le nez. Un président aussi peu convention­nel que Trump aurait pu pousser son avantage en profitant de l’élan de son élection, à l’instar de Franklin Roosevelt qui boucla le Congrès pendant 100 jours pour lui faire voter une quinzaine de lois. Trump lui a emprunté la voie des décrets présidenti­els, qui sont quasi inopérants même s’ils marquent l’électorat. On ne gouverne pas les États-Unis de cette façon. Et six mois plus tard, on en est toujours dans ce chaos: rien n’avance. Un grand nombre des 2 500 postes de la Maison-Blanche ne sont toujours pas pourvus. Résultat : le programme présidenti­el ne peut pas être exécuté, les projets de loi n’avancent pas, le travail de persuasion du Congrès n’est pas fait

Échec de la méthode Trump a été élu sur sa capacité à tirer l’économie en avant en tant que businessma­n qui avait réussi. Il a voulu appliquer au pays les méthodes de gestion d’une entreprise. Mais la transposit­ion ne fonctionne pas et la méthode est pour l’instant un échec, du fait de la paralysie du processus institutio­nnel. En réalité, Trump a créé une sorte de chaos en transposan­t son mode de gouvernanc­e d’hommes d’affaires à la Maison-Blanche. À la tête de son empire – 500 sociétés – il n’a pas cessé de jouer les uns contre les autres sans ligne directrice. Commencée dans le désordre, cette présidence continue dans le désordre. On attendait une réforme de la loi fiscale qui est impérative, on attendait un grand plan d’infrastruc­tures – les démocrates ont quasiment le même – et on attend toujours. L’échec deTrump est de ne pas être capable de faire passer les lois qu’on attend de lui. Et ses maladresse­s créent de l’incertitud­e, comme on le voit avec la réforme de l’assurance santé. Le budget n’est toujours pas voté. Aucun projet n’avance. Cela rappelle ce qu’avait ditTruman en quittant le pouvoir à propos d’Eisenhower, nouvel élu à la présidence : “Pauvre Ike, il va se croire encore à l’armée et dire faites ceci, faites cela et rien ne se passera”. La résistance du système est énorme. Les rouages du gouverneme­nt américain sont complexes, y compris au niveau des États fédérés. Il faut aborder cela avec humilité, qui n’est pas la qualité première de Trump. À 71 ans, Trump ne changera pas ; il fonctionne depuis un demi-siècle de cette façon. C’était un peu naïf de croire qu’il allait se présidenti­aliser. C’est le contraire qui se passe: la présidence devient trumpienne. Il est très content de ce qu’il est : il ne voit donc pas pour-

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