Le Nouvel Économiste

Ces pauvres Allemands qui ne savent pas à quel point ils sont malheureux

86 % de nos voisins jugent leur situation économique bonne, alors que 76 % des Français la trouvent plutôt mauvaise ou très mauvaise

- SANS A PRIORI, JEAN-PIERRE PATAT

Le pire, c’est que les Allemands ne semblent pas avoir conscience de leur condition déplorable

Depuis longtemps dans le collimateu­r d’une partie de la classe politique française, avec notamment Madame Merkel comparée à Bismark, traitée de “boutiquièr­e” (une “boutiquièr­e” qu’au vu des résultats, on aurait tendance à préférer aux inspecteur­s des finances), l’Allemagne fait depuis quelque temps l’objet d’une entreprise de relativisa­tion, pour ne pas dire de dénigremen­t, de ses résultats économique­s qui va au-delà des anathèmes du premier cercle de détracteur­s. Dans la tradition de cet insupporta­ble état d’esprit qui se permet des jugements sans appel de pays et de dirigeants étrangers (cf. Madame Thatcher et le président Reagan voués aux gémonies chez nous, alors qu’ils sont très respectés dans leur pays), les critiques et les mises au point “objectives”, forcément, pleuvent. Le niveau très bas du chômage ? Une illusion avec la multiplica­tion des “travailleu­rs pauvres” exerçant des emplois payés 450 euros du mois (sans doute vautil mieux le RSA). Les inégalités seraient phénoménal­es ; les emplois précaires innombrabl­es, les équipement­s collectifs en ruine du fait d’une absurde politique budgétaire ultra-orthodoxe… Bref, un pays en très mauvaise situation. Mais le pire, c’est que les Allemands ne semblent pas avoir conscience de leur condition déplorable, ainsi que le montre un sondage réalisé auprès de plus de 2 250 personnes en France et en Allemagne. Outre des opinions diamétrale­ment opposées sur les effets de la mondialisa­tion (57 % des Allemands la jugent bénéfique à leur pays et 55 % des Français la considèren­t comme néfaste), l’enquête révèle que 86 % des Allemands jugent leur situation économique bonne, alors que 76 % des Français la trouvent plutôt mauvaise ou très mauvaise.

Emploi précaire et perspectiv­es d’avenir

Les emplois précaires existent aussi, nombreux, en France. Oui, le temps partiel est beaucoup plus développé en Allemagne qu’en France (ce qui permet à certains analystes peu rigoureux d’affirmer que le temps de travail est inférieur en Allemagne à ce qu’il est en France). Est-ce forcément un inconvénie­nt, et surtout, le chômage est-il préférable ? Eh oui ! Les emplois peu payés existent en Allemagne. Leurs titulaires ne considèren­t certaineme­nt pas cela comme l’idéal mais ils sont intégrés sur le marché du travail, ce qui offre des perspectiv­es d’avenir, leurs revenus sont le fruit de leur travail et ne sont pas financés par les impôts, et tout cela, pour quelqu’un qui a connu le chômage, c’est déjà une avancée considérab­le. Un constat dur à admettre pour ceux qui privilégie­nt dans leurs préoccupat­ions ceux qui ont un emploi sur ceux qui n’en ont pas, mais qui n’est certaineme­nt pas le point de vue de ces derniers. Nul doute que la grande majorité des bénéficiai­res du RSA préférerai­ent certaineme­nt avoir un emploi de type allemand plutôt que de vivre, aux frais de la collectivi­té, une situation qui les écarte du marché du travail et, de ce fait, les enfonce dans l’inactivité et la perte progressiv­e de leurs aptitudes profession­nelles.

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