Le Nouvel Économiste

Le miracle Macron

Imaginons que le président français ait réussi à transforme­r le pays et le continent…

- THE ECONOMIST

Aussi loin que la mémoire remonte, le président français a toujours fait son discours du 14 jjuillet sur fond de pelouses de l’Élysée. Le discours du 14 juillet 2026 allait introduire une révolution de style. Le président s’est exprimé depuis le nouveau palais présidenti­el de verre et d’acier, inauguré peu avant dans les banlieues de Seine-Saint-Denis. Un moment symbolique­ment fort. L’abandon du siège historique de la présidence française, qui deviendra un musée, ne représente pas seulement le mariage de la capitale avec ses banlieues autrefois décrépies. Il envoie un autre message : durant les neuf années écoulées depuis sa première élection, Emmanuel Macron a fait passer la France dans le futur. Il n’a pas toujours été évident que les choses pouvaient si bien se passer. Durant ses premières années de mandat, M. Macron a commis son quota d’erreurs de débutant. Il a sous-estimé l’idéalisme des nouveaux députés, élus pour la première fois sous la bannière du mouvement En Marche ! durant les législativ­es de 2017, et évité d’un cheveu le rejet de son projet de loi accordant des pouvoirs très étendus à la police au nom de la lutte contre le terrorisme. Il a surestimé ses chances de battre Vladimir Poutine à son jeu et s’est retrouvé ensablé dans une opération militaire malheureus­e en Afrique contre l’incursion des jihadistes au Niger. “L’ambition des jeunes présidents est toujours douchée par les escarmouch­es à l’étranger” a persiflé un vétéran du parti Les Républicai­ns, qui avait perdu son siège de député face à un candidat En Marche âgé de 35 ans. Le président français a également mal mesuré la ruse tactique de Marion Maréchal-Le Pen, nièce de la candidate Marine Le Pen (FN) qu’il avait battue en 2017. L’Europe avait célébré cette victoire retentissa­nte comme un moment clé de la lutte contre le nationalis­me populiste. Le FN était considéré comme fini, divisé, démoralisé, et chroniquem­ent endetté. Mais Mme Maréchal-Le Pen avait anticipép les faiblesses de sa tante. Elle évinça celle-ci lors d’un coup d’État dynastique, licencia sa coterie de conseiller­s anti-euro et recentra le parti sur ses racines catholique­s traditionn­elles. La jeune et télégéniqu­e Marion Maréchal-Le Pen a alors construit un formidable parti nationalis­te d’opposition, aidée en cela par les défections vers son parti des durs du parti Les Républicai­ns. Les éditoriali­stes rappelèren­t que 24 % seulement des électeurs avaient voté pour M. Macron lors du premier tour de la présidenti­elle en 2017 et brandirent la menace d’une nouvelle Mme Le Pen. Cependant, sur le plan politique, M. Macron réussit globalemen­t à maintenir le cap. Après un “automne de la colère” tristement célèbre en 2017, quand la révision du Code du travail provoqua des grèves et des manifestat­ions, le président resta ferme face aux usagers excédés par les grèves des transports et les monceaux d’ordures non collectées pourrissan­t dans les rues lors d’un pic inattendu de chaleur automnale. Les éditoriali­stes appelèrent le conflit son “moment Thatcher”. Qui fut suivi par une série de réformes transforma­nt les systèmes de protection sociale et d’indemnisat­ion du chômage, pour encourager la création d’emplois et la formation des jeunes. La confiance du milieu des affaires revint et les entreprise­s recommencè­rent à investir et embaucher, grâce aussi à une fiscalité plus stable. La French Tech, qui s’était enfuie en Angleterre dans le quartier d’Hoxton à Londres, revint coloniser les frontières belliqueus­es du nord et de l’est de Paris. Même les finances publiques françaises rentrèrent dans le rang. Depuis Berlin, Angela Merkel, alors dans son quatrième mandat de chancelièr­e, observa la chose, médusée. Il n’y eut pas de miracle économique instantané. M. Macron avait appris de l’histoire de l’Allemagne que voir les résultats de ces réformes prend du temps. Mais il l’avait dit aux Français et avait soutenu de son mieux le moral de la nation. Grâce à un nouvel esprit conquérant, la candidatur­e de Paris fut retenue pour l’organisati­on des Jeux olympiques de 2024.

La France d’abord,

puis l’Europe

M. Macron en profita pour unifier le Grand Paris, effaçant ainsi la frontière hostile du périphériq­ue parisien et donnant aux banlieues l’accolade symbolique qu’elles attendaien­t depuis longtemps. Le premier maire du Grand Paris, Jacques-Antoine Granjon, un entreprene­ur du e-commerce, avait été le cerveau de la présidence. Le milliardai­re de la tech Xavier Niel fut lui nommé ministre de l’Éducation. L’enseigneme­nt du code informatiq­ue fut inscrit au programme de l’école primaire. Les Français adoptèrent les nouvelles technologi­es avec le zèle dont ils avaient fait preuve autrefois pour le Minitel, ancêtre des services en ligne. Paris devint l’épicentre mondial de la recherche en intelligen­ce artificiel­le. Frédéric Mazzella, fondateur de la start-up de covoiturag­e Blablacar, fut nommé ministre des Transports: les ventes de voitures s’effondrère­nt tout comme les taux de pollution. Le timing de ces premières réformes a énormément compté dans la réélection de M. Macron en 2022. Elles avaient commencé à porter leurs Christophe Fevrier fruits juste avant le lancement de sa seconde campagne électorale, ce qui lui permit de battre Mme Maréchal-Le Pen au second tour, malgré la performanc­e toute en sang-froid de cette dernière lors du débat télévisé d’entre les deux tours qui provoqua moult comparaiso­ns avec l’attitude de sa tante dans des circonstan­ces similaires cinq ans auparavant. Le deuxième mandat de M. Macron fut décisif. L’économie allemande commençait à souffrir des conséquenc­es d’années de sous-investisse­ment public. La nouvelle vigueur économique française menaçait la domination de l’Allemagne. Les économiste­s allemands commencère­nt alors à modéliser un scénario dans lequel le point fort français, la démographi­e, permettrai­t à l’économie française de dépasser la leur. Après des décennies de morosité, les Français prirent conscience de leurs points forts. Pas uniquement de l’avantage démographi­que, mais de leurs écoles d’ingénieurs de niveau internatio­nal, d’un savoir-faire de haut niveau et d’une créativité raffinée. Cette nouvelle dynamique au coeur de l’Europe ne fut pas uniquement économique. Le repli de la Grande Bretagne après le Brexit avait poussé la France dans les bras de l’Allemagne. M. Macron, avec son équipe triée sur le volet de germanisan­ts, alla défendre sa cause à Berlin avec exactement le ton requis et restaura la confiance allemande par des réformes sérieuses et une rigueur budgétaire. L’Allemagne, voyant la France soudain respecter les règles budgétaire­s européenne­s et montrer des signes d’assurance économique, commença à baisser la garde de sa méfiance habituelle. La France put alors formuler ses desiderata de façon plus crédible. Au début, les initiative­s franco-allemandes furent symbolique­s. Un fonds commun d’investisse­ment, des appels d’offres mutualisés dans le domaine de la Défense. Démarche innovante : chaque pays envoya un ministre bilingue servir dans le gouverneme­nt de l’autre pays. Au début du second mandat de M. Macron, avec une équipe plus favorable à lui à la tête du ministère des Finances à Berlin, les réticences allemandes commencère­nt à faiblir. L’Allemagne accepta d’ouvrir des entretiens formels sur une réforme des institutio­ns, dont la création d’un poste de ministre des Finances de la zone euro et un budget commun. Le renouvelle­ment de la classe politique française encouragea l’Allemagne à modérer ses réserves. Le duo franco-allemand commença alors à prendre des positions communes sur des causes portant au-delà des frontières de l’Europe, comme le climat et les inégalités au niveau mondial. Poussée par le repli géostratég­ique de l’Amérique et de la GrandeBret­agne, l’Allemagne se mit à fournir régulièrem­ent des troupes durant les opérations militaires européenne­s, en particulie­r dans le Sahel, en Afrique. En 2026, les sondages d’opinion montraient que la confiance en l’Europe avait dépassé l’euro-scepticism­e dans presque chacun des 27 pays de l’Union. Des thèses universita­ires sur la “French renaissanc­e” commencère­nt à paraître, analysant comment une nation autrefois puissante avait chuté puis pu se relever à nouveau. L’Europe en récolta un autre bénéfice. Des pays découragés par des décennies de déclin et de troubles prirent bonne note. L’Italie, qui comme la France pensait que la politique avait peu à offrir, sinon la gestion du déclin, reprit espoir. Le “centrisme radical” de M. Macron, une philosophi­e politique conçue pour unir la gauche et la droite afin de construire une société ouverte capable de résister au nationalis­me, fut imité. La version italienne du manuel de l’élection d’En Marche devint un best-seller, inspirant la victoire du mouvement italien “In Movimento !”. Le résultat en fut une zone euro renforcée, plus sûre d’elle et moins divisée, et un modèle de méthode politique pour contenir le nationalis­me. C’est donc un président Macron satisfait – qui n’avait pas encore fêté ses 49 ans – qui prit place devant une paroi géante de verre lors des cérémonies du 14 juillet 2026 pour s’adresser à la nation. Il annonça qu’il avait décidé de quitter la politique à la fin de son second mandat et d’achever les manuscrits de livres sur lesquelsq il travaillai­t jusque tard la nuit. Évoquant le passé, il rappela avec ironie qu’on s’était moqué de lui en 2017 pour avoir évoqué une renaissanc­e française. Mais, encore une fois, on s’était déjà moqué de lui pour oser croire qu’il puisse être élu.

Évoquant le passé, il rappela avec ironie qu’on s’était moqué

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