Le sacerdoce des enseignants
L’école ne remplit plus son rôle. Cette crise est surtout celle des enseignants.
Cherchez l’erreur: les talents les plus brillants boudent actuellement l’enseignement public, tandis que la qualité de ce dernier se dégrade année après année, si l’on en croit l’étude Pisa de l’OCDE. Le niveau baisse, les échecs scolaires se multiplient avec sa spirale fatale : les meilleurs élèves, les plus aisés, désertent de plus en plus le public au profit du privé et les inégalités sociales se creusent. Ségrégation. Alors que l’une des missions première de l’école républicaine est justement de diffuser cette égalité des chances qui fut l’honneur de nombre d’instituteurs. Le laminage de l’autorité, alors qu’il faut souvent pallier les carences de familles explosées dans le domaine de l’éducation, ne facilite pas ce métier que les principaux intéressés jugent “dévalorisé”. Matériellement et moralement. Burn-out, démissions et pénurie de vocations sont les principaux indicateurs – et accusateurs – de cette situation critique, alors que la formation des futures générations est devenue un enjeu majeur pour tous les pays développés.
Le niveau scolaire des jeunes Français ne cesse de baisser. C’est le calamiteux constat que pointe, année après année, l’étude comparative Pisa (Program for International Student Assessment) menée auprès des pays de l’OCDE. Véritable diagnostic accusatoire pour la mission des enseignants. Que ce soit en mathématiques, en lecture ou dans d’autres matières, les élèves français maîtrisent moins bien les fondamentaux que leurs homologues des pays voisins.
Tout se joue en primaire
Ces faibles notes accusent pêle-mêle les variations pédagogiques, la pertinence des programmes tout autant que la qualité, ou plutôt l’importance, de l’encadrement. Plus particulièrement dans les petites classes, cette aurore essentielle des acquisitions où tout se joue, surtout les échecs à venir, la destinée des décrocheurs et les potentialités de trajectoires de réussite. 40 % des élèves de milieux défavorisés sont en difficulté en France. L’un des noeuds gordiens des inégalités que compte bien trancher Emmanuel Macron en limitant les effectifs des classes primaires à 12 élèves dans les classes défavorisées. Leur professeur, hier instituteur, peut avoir une incidence sur leur vie entière.
L’instituteur, influenceur d’une vie
“Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé” écrivait Albert Camus à Louis Germain peu de temps après avoir reçu son prix Nobel. La qualité de ces formateurs est donc décisive. D’autant plus décisive que depuis la jeunesse de cet écrivain, le rôle de la famille a quelque peu explosé, la société s’est disloquée, l’éducation morale et civique s’est estompée. Tandis qu’une lente dégradation de l’autorité rendait la tâche des maîtres encore plus difficile. La traditionnelle autorité des profs a été laminée comme une concession faite aux enfants qui, en fin de compte, en sont les principales victimes. Intimidations, violences et incivilités envahissent et perturbent les classes des écoles, rendant la mission des enseignants beaucoup plus difficile. D’autant plus délicate que leur pouvoir de sanction a été singulièrement raboté et que le nombre des surveillants a été réduit.
La ruée vers le privé
Avec comme conséquences – non politiquement correcte, donc peu évoquées – ces flux croissants d’élèves les plus aisés désertant l’enseignement public pour le privé, en fort développement avec 500 écoles indépendantes (confessionnelles ou non, Montessori, etc.). Simultanément, les instituteurs sont de plus en plus nombreux à démissionner de l’Éducation nationale pour créer leurs propres écoles. Les 638 cessations de fonction de 2009 sont devenues 1 180 en 2016. Dans le premier degré – les professeurs des écoles – cette proportion est passée de 1,3 % en 2012 à 3,2 % des effectifs actifs en 2016.
L’école du soir
Ce sont le plus souvent, quand ils le peuvent, les parents des élèves qui sont obligés de prendre le relais le soir pour assurer l’assimilation des connaissances. Avec finalement deux écoles. Celle de la socialisation dans la journée, puis de la transmission des savoirs en soirée. Quand cela est possible. Et donc ce constat cruel : l’école n’est vraiment plus en mesure de contrarier les inégalités dont elle hérite. Tandis que de nombreux marqueurs étayent ce constat : dégradation régulière dans les classements Pisa, nombre croissant de “décrocheurs” dans chaque classe d’âge, un jeune de moins de 25 ans sur quatre au chômage…
Salaires en berne
Ce qui donne des allures de mission impossible à un métier aujourd’hui quelque peu dévalorisé. Ne serait-ce
La traditionnelle autorité des profs a été laminée comme une concession faite aux enfants qui, en fin de compte, en sont les principales
victimes