LE SACRIFICE D’UN BOUC ÉMISSAIRE
Une nouvelle ombre plane sur les statistiques de finances publiques de la Grèce
À l’été 2010, Andreas Georgiou a été nommé à la tête de l’office des statistiques de la Grèce (Elstat) avec notamment pour mission
Il est très difficile de considérer comme fiables les statistiques de finances publiques d’un pays où leur responsable risque la prison s’il publie des chiffres calculés et diffusés conformément aux règles internationales
d’assurer son indépendance et la qualité des statistiques de finances publiques. En effet, Eurostat avait très souvent émis de fortes réserves sur les déficits publics notifiés par Elstat depuis plus de dix ans et n’avait pas validé le déficit de 2009 publié en mars 2010 (13,6 % du PIB). Conformément à la réglementation statistique européenne, A. Georgiou a notifié sous sa responsabilité en novembre 2010 un déficit de 15,4 % du PIB pour 2009 qui a été validé par Eurostat, de même que toutes les statistiques de finances publiques publiées ensuite sous sa responsabilité.
Deux ans de prison avec sursis Il a néanmoins été condamné le 1er août 2017 par un tribunal grec à deux ans de prison avec sursis pour ne pas avoir préalablement transmis le déficit public de 2009 au conseil de direction d’Elstat, ce qui aurait été contraire aux règles européennes relatives à la confidentialité des statistiques et à l’indépendance du directeur de l’institut statistique national. Si son appel est rejeté, il pourrait être emprisonné car il a déjà été condamné à un an de prison avec sursis pour “diffamation”. Il s’était en effet publiquement étonné que ses prédécesseurs, qui avaient maquillé les statistiques grecques, n’aient jamais été inquiétés. Depuis plus de six ans, il fait l’objet d’accusations graves et répétées de la part de la classe politique et des médias grecs, qui lui reprochent d’avoir trahi sa patrie, et plusieurs procédures judiciaires ont été engagées contre lui, seules les deux citées ci-dessus ayant donné lieu à condamnation. La sévérité de la dernière peine suggère d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de sanctionner un manquement à une règle formelle, mais de condamner celui qui a mis en évidence la situation réelle des finances publiques de la Grèce conformément aux règles de la statistique européenne. La communauté des statisticiens européens a été fortement troublée par ce jugement, et il faut espérer qu’il sera annulé en appel. Sinon, il est fortement souhaitable que la loi sur laquelle les tribunaux se sont appuyés soit modifiée rapidement. Si le peuple grec a subi ces dernières années une épreuve terrible, cela ne justifie pas ce qui s’apparente au sacrifice d’un bouc émissaire. Surtout, il est très difficile de considérer comme fiables les statistiques de finances publiques d’un pays où leur responsable risque la prison s’il publie des chiffres calculés et diffusés conformément aux règles internationales. Une nouvelle ombre plane donc sur ces statistiques. Le peuple grec, qui a déjà chèrement payé les errements budgétaires de ses gouvernants successifs, risque de nouveau d’en être la principale victime.