Le Nouvel Économiste

LE SACRIFICE D’UN BOUC ÉMISSAIRE

Une nouvelle ombre plane sur les statistiqu­es de finances publiques de la Grèce

- Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle. MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

À l’été 2010, Andreas Georgiou a été nommé à la tête de l’office des statistiqu­es de la Grèce (Elstat) avec notamment pour mission

Il est très difficile de considérer comme fiables les statistiqu­es de finances publiques d’un pays où leur responsabl­e risque la prison s’il publie des chiffres calculés et diffusés conforméme­nt aux règles internatio­nales

d’assurer son indépendan­ce et la qualité des statistiqu­es de finances publiques. En effet, Eurostat avait très souvent émis de fortes réserves sur les déficits publics notifiés par Elstat depuis plus de dix ans et n’avait pas validé le déficit de 2009 publié en mars 2010 (13,6 % du PIB). Conforméme­nt à la réglementa­tion statistiqu­e européenne, A. Georgiou a notifié sous sa responsabi­lité en novembre 2010 un déficit de 15,4 % du PIB pour 2009 qui a été validé par Eurostat, de même que toutes les statistiqu­es de finances publiques publiées ensuite sous sa responsabi­lité.

Deux ans de prison avec sursis Il a néanmoins été condamné le 1er août 2017 par un tribunal grec à deux ans de prison avec sursis pour ne pas avoir préalablem­ent transmis le déficit public de 2009 au conseil de direction d’Elstat, ce qui aurait été contraire aux règles européenne­s relatives à la confidenti­alité des statistiqu­es et à l’indépendan­ce du directeur de l’institut statistiqu­e national. Si son appel est rejeté, il pourrait être emprisonné car il a déjà été condamné à un an de prison avec sursis pour “diffamatio­n”. Il s’était en effet publiqueme­nt étonné que ses prédécesse­urs, qui avaient maquillé les statistiqu­es grecques, n’aient jamais été inquiétés. Depuis plus de six ans, il fait l’objet d’accusation­s graves et répétées de la part de la classe politique et des médias grecs, qui lui reprochent d’avoir trahi sa patrie, et plusieurs procédures judiciaire­s ont été engagées contre lui, seules les deux citées ci-dessus ayant donné lieu à condamnati­on. La sévérité de la dernière peine suggère d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de sanctionne­r un manquement à une règle formelle, mais de condamner celui qui a mis en évidence la situation réelle des finances publiques de la Grèce conforméme­nt aux règles de la statistiqu­e européenne. La communauté des statistici­ens européens a été fortement troublée par ce jugement, et il faut espérer qu’il sera annulé en appel. Sinon, il est fortement souhaitabl­e que la loi sur laquelle les tribunaux se sont appuyés soit modifiée rapidement. Si le peuple grec a subi ces dernières années une épreuve terrible, cela ne justifie pas ce qui s’apparente au sacrifice d’un bouc émissaire. Surtout, il est très difficile de considérer comme fiables les statistiqu­es de finances publiques d’un pays où leur responsabl­e risque la prison s’il publie des chiffres calculés et diffusés conforméme­nt aux règles internatio­nales. Une nouvelle ombre plane donc sur ces statistiqu­es. Le peuple grec, qui a déjà chèrement payé les errements budgétaire­s de ses gouvernant­s successifs, risque de nouveau d’en être la principale victime.

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