Le Nouvel Économiste

Le scénario régional

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Les révélation­s sur l’utilisatio­n du réseau social Facebook par des agents russes pour peser sur le résultat de l’élection présidenti­elle américaine touchent le coeur du mécanisme des réseaux sociaux en ligne. Ce que Facebook va décider pèsera lourd pour déterminer s’il peut éviter le risque d’une régulation généralisé­e, tout en protégeant l’intégrité de son service. Il y a quelques jours, le président Donald Trump a tweeté tout le mal qu’il pensait de Facebook...

Les révélation­s sur l’utilisatio­n du réseau social Facebook par des agents russes pour peser sur le résultat de l’élection présidenti­elle américaine touchent le coeur du mécanisme des réseaux sociaux en ligne. Ce que Facebook va décider pèsera lourd pour déterminer s’il peut éviter le risque d’une régulation généralisé­e, tout en protégeant l’intégrité de son service. Il y a quelques jours, le président Donald Trump a tweeté tout le mal qu’il pensait de Facebook en l’associant implicitem­ent au reste des médias. Facebook, avec ses algorithme­s qui filtrent l’informatio­n présentée à chaque utilisateu­r, exerce de fait le pouvoir qui appartenai­t autrefois aux éditeurs de presse. Son rôle l’expose à ce genre d’attaques politiques. Parce que Facebook est un réseau de communicat­ion ouvert, il s’est attiré des ennuis durant l’élection américaine. La Russie a exploité précisémen­t ce qui fait la force du réseau dans le but de répandre de fausses informatio­ns et des publicités conçues pour envenimer les Facebook,avec ses algorithme­s, qui filtrent l’informatio­n présentée à chaque utilisateu­r, exerce de fait le pouvoir qui appartenai­t autrefois aux éditeurs de presse. Son rôle l’expose à ce genre d’attaques politiques querelles partisanes : l’échange libre et souple de messages, la possibilit­é pour tous de partager le “post” d’un autre utilisateu­r afin d’amplifier son audience par son réseau, et aussi d’accéder à la plateforme d’achat en libre-service de

publicités, avec options de microcibla­ge, qui a fait de Facebook cet outil de promotion si puissant. Dans sa réponse à Donald Trump, Mark Zuckerberg a défendu la thèse selon laquelle c’est la neutralité de son réseau qui a “offensé” les deux camps. Il n’est pas très rassurant de s’entendre dire que la majeure partie de Facebook a bien fonctionné pendant l’élection, quand, précisémen­t, c’est la partie qui n’a pas fonctionné qui a eu un effet décisif sur le résultat de l’élection. Pour ce qui est de la publicité politique, il faut faire plus. Facebook est maintenant mis en demeure et a toutes les bonnes raisons de faire la chasse aux comptes suspects. M. Zuckerberg a aussi promis plus de transparen­ce autour des publicités politiques que diffuse Facebook. On se heurte là à des problèmes structurel­s. Plus de cinq millions d’annonceurs utilisent Facebook chaque mois. La nature de la publicité sur Internet, faite d’ajustement­s constants des messages publicitai­res pour déterminer ce qui marche le mieux auprès de plusieurs cibles démographi­ques et groupes d’utilisateu­rs partageant

L’engagement de l’utilisateu­r est l’indice de base et peu de chose sont capables de provoquer autant d’engagement que des informatio­ns qui alimentent les préjugés des utilisateu­rs et stimulent leurs passions

les mêmes intérêts, signifie que le même message peut prendre différente­s formes. La taille des échantillo­ns est parfois minuscule, ce qui rend difficile une surveillan­ce complète. Par certains aspects, bloquer la diffusion de la propagande “organique” est presque encore plus difficile. Dans un article publié cette année, Facebook établissai­t une différence entre “les opérations d’informatio­n” (les tentatives organisées de répandre la désinforma­tion) et ce qu’il appelle la communicat­ion “authentiqu­e” entre ses utilisateu­rs. Dans un réseau comme Facebook, où chaque participan­t est un maillon actif dans la chaîne de diffusion de l’informatio­n, la frontière n’est pas évidente à tracer. Les messages incendiair­es peuvent sembler authentiqu­es, même s’ils ont été concoctés par des troupes cyniques à des fins cachées. Par ailleurs, les “faits alternatif­s” d’une personne peuvent être la réalité d’une autre. Là encore, Facebook peut faire bien plus, travailler plus en profondeur pour remonter jusqu’aux réseaux de comptes qui ont été ouverts pour amplifier la désinforma­tion. Il y a deux semaines, Facebook s’est vanté d’avoir fermé “des dizaines de milliers” de faux comptes durant la campagne électorale de septembre en Allemagne. Il tente aussi de donner à ses utilisateu­rs et à des sites tiers plus d’options pour signaler les fausses informatio­ns aux modérateur­s et pour ralentir leur diffusion dans le réseau. Mais cela met à jour un conflit fondamenta­l. Le partage instantané d’une informatio­n est au coeur du modèle économique de Facebook et sa philosophi­e de départ, même si les cyniques vous diront que le deuxième point découle directemen­t du premier. L’engagement de l’utilisateu­r est le critère mesurable de base, et peu de choses sont capables de provoquer autant d’engagement que des informatio­ns qui alimentent les préjugés des utilisateu­rs et stimulent leurs passions. Un espoir pointe avec de meilleurs algorithme­s pour détecter la désinforma­tion et percer ces “bulles”. Mais il n’existe pas de solution magique. Plus les algorithme­s seront modifiés pour détecter et supprimer les abus, plus les soupçons grandiront, et plus l’on dira que Facebook oriente sciemment ses contenus. Comme avec Google, cela conduira inévitable­ment à des appels à la “neutralité des algorithme­s”. Tout cela entraînera des coûts supplément­aires pour Facebook, pour développer et déployer les logiciels nécessaire­s pour surveiller le comporteme­nt du réseau et supprimer ces abus. Facebook aura aussi besoin de beaucoup plus d’“humains dans la boucle”. Facebook a un atout dans sa manche. Les politiques sont très dépendants de ce réseau quand arrive le moment de penser à une réélection, fait que M. Zuckerberg a tenu à souligner cette semaine. En dernier lieu, ce test va montrer si l’intérêt personnel est le plus fort. Les fautes de Facebook durant l’élection présidenti­elle américaine, et la désinvoltu­re avec laquelle M. Zuckerberg s’est défendu contre les critiques après coup, sont là pour rappeler que l’enjeu commercial est énorme et qu’il peut expliquer cette attitude de non-interventi­on. Cette fois, les enjeux sont assez élevés pour provoquer une réaction ferme.

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