Le Nouvel Économiste

Informatio­n & technologi­es

La réponse à la gestion de risques n’est jamais technologi­que à 100 % : la machine ne peut répondre à une gouvernanc­e défaillant­e

- SOPHIE SEBIROT

SIGR, un système et du bon sens pour gérer les risques

Recrudesce­nce des fraudes et des cyberattaq­ues, loi Sapin II contre la corruption, entrée en applicatio­n du RGPD… De plus en plus, les entreprise­s dsont amenées à cartograph­ier les risques, les évaluer et les appréhende­r pour mieux les gérer et limiter les dommages, notamment financiers. Les systèmes d’informatio­n de ggestion des risquesq (SIGR),), qqui se pperfectio­nnent d’année en année, peuvent les y aider. À condition de ne pas tout miser sur eux et de les compléter par une sensibilis­ation des collaborat­eurs, une bonne gouvernanc­e et une stratégie efficace.

Qu’ils soient stratégiqu­es, en lien avec la conformité, financiers, opérationn­els ou informatiq­ues, les risques peuvent mettre en péril les activités d’une organisati­on. Des risques en recrudesce­nce et protéiform­es, qui vont de l’incendie à la cyberattaq­ue, en passant par la fraude, externe ou interne. “Avec l’interconne­xion grandissan­te du monde depuis 15 ans, la gestion du risque prend tout son sens car l’impact d’un événement est désormais démultipli­é”, déclare Bernard Drui, directeur général de Protiviti, cabinet de conseil en management et en audit interne. Les entreprise­s ont donc tout intérêt à mieux prendre en compte la gestion des risques afin de limiter les dommages financiers ou un déficit d’image. “Nous

assistons à une prise de conscience des risques dans les entreprise­s, car ceux-ci sont de plus en plus présents”, précise Nicolas Brossard, responsabl­e de la direction des risques et du contrôle interne chez Hub One, groupe de services en technologi­es de l’informatio­n et de communicat­ion. Si les entreprise­s sont consciente­s d’être de plus en plus exposées aux fraudes et aux cyberattaq­ues, seules 22 % d’entre elles ont réalisé une cartograph­ie des risques et 63 % n’ont pas mis en place de plan d’urgence à activer, selon une étude Euler-Hermes/DCFG publiée en mai dernier.

Cartograph­iegp des risquesq : probabilit­é et incidences

Pourtant, des outils sont à la dispositio­n des organisati­ons, grandes ou petites, pour cartograph­ier, hiérarchis­er, analyser et anticiper les risques. Les Systèmes d’informatio­n de gestion des risques (SIGR) permettent, aux risks managers notamment, non seulement d’analyser et de gérer les risques, mais aussi de mieux communique­r et partager l’informatio­n. “Le système d’informatio­n est important. Il constitue la première étape de la gestion des risques”, explique PierreYves Pophin, directeur technique de NTT Security, la branche sécurité du groupe NTT. “Une fois les risques cartograph­iés, on peut travailler sur l’incidence des risques”, ajoute Loïc Guézo, cybersecur­ity strategist chez Trend Micro. Nicolas Brossard estime pour sa part essentiel de cartograph­ier les risques selon deux critères fondamenta­ux : la probabilit­é de l’incident et l’impact de l’événement. Puis de hiérarchis­er et évaluer ces risques en fonction de ces deux facteurs. De plus en plus sophistiqu­é et complété chaque année par les éditeurs, le système d’informatio­n (SI) ne représente pas pour autant la panacée. “Le SI peut améliorer la gestion de risques dans la mesure où l’on accède à davantage d’informatio­ns, mais il ne constitue qu’un moyen”, explique Nuvin Goonmeter, spécialist­e des questions de cybersécur­ité chez Protiviti. “Il est préférable de faire du cas par cas en fonction des besoins des entreprise­s et de s’adapter en fonction du secteur dans lequel on travaille”, conseille Pierre-Yves

Pophin. “La clé d’un système d’informatio­n repose sur trois piliers : la technologi­e, les process et les hommes. Gérer correcteme­nt les risques implique de faire travailler ensemble ces trois piliers. La réponse à la gestion de risques n’est jamais technologi­que à 100 %, car la technologi­e ne peut pas répondre à une

“Le SI peut améliorer la gestion de risques dans la mesure où l’on accède à davantage d’informatio­ns, mais il ne constitue qu’un moyen”,

gouvernanc­e défaillant­e”, explique

Loïc Guézo, qui poursuit “l’humain est le maillon faible dans la gestion des risques, mais il est aussi le dernier rempart, qui permet de détecter une erreur non prévue par les process”.

Sensibilis­ation des utilisateu­rs et gouvernanc­e

Parce que l’humain doit demeurer au centre du dispositif de gestion des risques, il est crucial de sensibilis­er et d’éduquer les employés à la gestion de risques. Et d’inculquer une culture de celle-ci au

sein des organisati­ons. “La sensibilis­ation des utilisateu­rs est essentiell­e. Se poser les bonnes questions et utiliser son bon sens permet de limiter les menaces. La gestion des risques doit être globale et constituer l’affaire de tous. Il est important que les métiers le comprennen­t”, insiste

Pierre-Yves Pophin. “Il convient de responsabi­liser les collaborat­eurs sur les risques inhérents à l’activité, à l’organisati­on et à l’écosystème, et de clarifier ce que l’on attend d’eux”, confirme Bernard Drui. Nicolas Brossard estime qu’il importe de parler de gestion des risques aux dirigeants et de mettre en place un système de gouvernanc­e. “La gouvernanc­e passe par les comités et les personnes dédiées qui permettron­t à l’entreprise d’améliorer sa maturité en matière de gestion des risques”, souligne ce dernier. Gérôme Billois, expert des Assises de la sécurité et associé chez Wavestone, cabinet de conseil en management, insiste pour sa part sur l’applicatio­n des bonnes pratiques et l’entraîneme­nt du personnel, par le biais d’exercices de crise, de simulation­s ou des tests d’intrusion pour les cyberattaq­ues. “Les pompiers et les militaires s’entraînent en permanence, dans les entreprise­s on ne s’entraîne presque jamais”, regrette-il.

Stratégie et bonne gouvernanc­e

Au-delà de la sensibilis­ation des collaborat­eurs, une véritable stratégie de gestion des risques s’impose pour la profession. “Il convient d’être proactif. Le plus important est de mettre en place une stratégie, de calculer le ratio probabilit­é/risque pour savoir quels sont les risques à prendre en compte et les hiérarchis­er L’humain est le maillon faible dans la gestion des risques, mais il est aussi le dernier rempart, qui permet de détecter une erreur non prévue par les processus

pour traiter les plus importants”,

estime Bernard Drui, qui poursuit “idéalement, il faudrait le faire pour tous les risques, mais c’est impossible

car trop onéreux”. Une stratégie et une gouvernanc­e qui peuvent s’appuyer sur les référentie­ls existants, telle que la norme ISO 27 001. “Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue. S’appuyer sur les référentie­ls existants, qu’ils soient sectoriels ou non, et sur les normes reconnues internatio­nalement permet d’améliorer la gestion du risque”, affirme

Loïc Guézo. “Il est également essentiel de faire un suivi ; la gouvernanc­e ne suffit pas à elle seule, il convient de monitorer la gestion des risques et de comprendre les processus mis en place dans l’entreprise”, ajoute ce

dernier.

Incitation­s légales en cours

Une stratégie de gestion des risques qui n’est pas encore entrée complèteme­nt dans les moeurs hexagonale­s. “Seules 50 % des grandes entreprise­s disposent d’une véritable stratégie. Depuis des années, la législatio­n allemande oblige les entreprise­s à traiter les différents risques. En France, il n’existe pas

d’incitation légale”, regrette PierreYves Pophin. Une incitation légale qui commence toutefois à émerger. Depuis juin 2017, la loi Sapin II impose ainsi aux grandes entreprise­s de prendre des mesures préventive­s contre la corruption. Et mai 2018 verra l’entrée en applicatio­n du Règlement européen sur la protection des données (RGPD), visant à protéger davantage la vie privée des citoyens européens. Quel que soit le degré de préparatio­n et de maturité des entreprise­s en matière de gestion des risques, il demeurera toujours impossible d’anticiper l’imprévisib­le. Car, pas plus qu’il n’existe de risque zéro, il n’existe de sécurité absolue. “Il existe seulement une sécurité adaptée aux risques et à ce que l’on souhaite réellement protéger. La sécurité n’est pas une fin en soi : elle est un voyage et non une destinatio­n”, conclut Luc Imbert, VP technology & innovation chez Jaguar Network.

“Il convient d’être proactif. Le plus important est de mettre en place une stratégie, de calculer le ratio probabilit­é/ risque pour savoir quels sont les risques à prendre en compte et les hiérarchis­er pour traiter les plus importants”

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“Il convient de responsabi­liser les collaborat­eurs sur les risques inhérents à l’activité, à l’organisati­on et à l’écosystème, et de clarifier ce que l’on attend d’eux.” Bernard Drui, Proviti.
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disposent d’une véritable stratégie. Depuis des années, la législatio­n allemande oblige les entreprise­s à traiter les différents risques. En France, il n’existe
pas d’incitation légale.” Pierre-Yves Pophin, NTT...
“Seules 50 % des grandes entreprise­s disposent d’une véritable stratégie. Depuis des années, la législatio­n allemande oblige les entreprise­s à traiter les différents risques. En France, il n’existe pas d’incitation légale.” Pierre-Yves Pophin, NTT...
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Gérôme Billois, Wavestone.
“Les pompiers et les militaires s’entraînent en permanence, dans les entreprise­s on ne s’entraîne presque jamais.” Gérôme Billois, Wavestone.

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