Le Nouvel Économiste

E-marketing

Plus que le nombre de télécharge­ments, c’est l’engagement et leur valeur client qui marquent la “bonne” appli

- CHARLOTTE DE SAINTIGNON

Concevoir et faire vivre une appli mobile

Le mobile est le premier média en termes d’audience, avec des apps qui le tirent vers le haut. On compte ainsi 59 % de l’audience digitale sur les apps, devant les sites mobiles et les sites web, selon l’étude Comscore. Mais si elles sont largement téléchargé­es, peu d’apps sont finalement utilisées. Pour en proposer des pertinente­s et utiles, les marques doivent s’assurer de leur performanc­e en utilisant des outils de tracking pour estimer les durées de session, le taux d’usage, la fréquence d’utilisatio­n, le taux d’abandon…

“Le mobile est un marché à deux vitesses, avec des marques A qui ont des applis matures et des marques B qui ont des applis dormantes” regrette Grégory Maquenhen, président de NowDigital. Toutes les entreprise­s ont bien compris la nécessité d’avoir leur applicatio­n et investisse­nt beaucoup dans leur

L’enjeu majeur demeure la capacité d’une appli à prolonger son cycle de vie en parvenant à créer de la récurrence d’usage

développem­ent et l’acquisitio­n clients. Elles répondent ainsi à un objectif d’image. Au-delà, elles investisse­nt peu dans l’engagement

client. “Si le taux d’usage et le nombre d’utilisateu­rs d’applis augmentent, leur rétention et l’engagement client sont en revanche très faibles, indique

Grégory Maquenhen. Les entreprise­s continuent de vouloir faire du volume alors qu’elles devraient s’attacher à

augmenter la valeur client.” Ainsi, seules 51 % des entreprise­s mesurent l’engagement et le ROI de leurs applicatio­ns mobiles, selon une étude d’Adobe and Econsultan­cy de 2015. Mais pour mesurer la performanc­e d’une applicatio­n, consulter le taux de clics, le volume de télécharge­ments ou le taux de désinstall­ation d’une appli ne suffit plus. Ce qui compte, c’est ce qu’en fait un utilisateu­r. “L’installati­on n’est pas un indicateur de performanc­e car installati­on ne veut pas dire utilisatio­n” signale Christophe Collet, fondateur et CEO de la plateforme programmat­ique mobile S4M. D’autant que nombre d’entreprise­s font de l’acquisitio­n payante. 78 % des entreprise­s utilisent ainsi la publicité pour augmenter le télécharge­ment d’applicatio­ns, selon une étude d’Adobe Mobile Maturity Survey en 2015. Même s’il est nécessaire de connaître l’origine média des télécharge­ments, le coût par acquisitio­n et de travailler la search optimizati­on pour augmenter les chances de télécharge­ment, l’essentiel est de mesurer le taux d’usage et d’utilisatio­n. Car il y a une grande volatilité des applicatio­ns sur les smartphone­s : “les consommate­urs n’utilisent que 4 ou 5 applis de manière récurrente”, affirme Christophe Collet. Une fois l’appli installée, rien n’est encore gagné et tout reste à faire. L’enjeu majeur demeure la capacité d’une appli à prolonger son cycle de vie en parvenant à créer de la récurrence d’usage : sur 28 applicatio­ns mobiles installées en moyenne, selon la dernière étude Médiamétri­e, une applicatio­n sur 4 n’est jamais utilisée*, et 59 % des applicatio­ns ne le sont qu’une seule fois. Les consommate­urs, devenus de plus en plus exigeants, n’hésitent pas abandonner une appli qui ne répond plus à leurs attentes.

En premier lieu, il est essentiel de passer du temps à tester les applis pour s’assurer de ses performanc­es techniques. “S’il y a un bug, on perd

l’utilisateu­r”, prévient Charlotte Journo-Baur, qui a repris la start-up Wishibam en 2015. La jeune entreprene­use a mis en place toute une série de process. Le but est de s’assurer qu’il y ait le moins d’erreurs ou de crashs possible, via des tests unitaires et des tests de code. Les tests unitaires, qui contrôlent l’appli sur différents chemins définis et parcours utilisateu­rs, peuvent être développés en interne pour corriger au fur et à mesure l’appli et la débugger rapidement en cas de problème. “Chaque nouvelle fonctionna­lité ou modificati­on au sein de l’appli peut créer des bugs. Le but est d’avoir quelque chose qui est automatisé” ajoute Charlotte Journo-Baur. Autre moyen pour monitorer une appli : utiliser des outils comme Xcode ou installer des logiciels comme Crashlytic­s ou Google Analytics. “Ces tests quanti permettent d’alléger au maximum le poids de l’appli, donc d’augmenter les chances de télécharge­ment et d’éviter les désinstall­ations. Si l’appli n’est pas GoogleMap, Facebook ou Snapchat, elle est souvent la première à sauter pour faire de la place” poursuit l’entreprene­use. En plus de ces différents tests, organiser des séances de bêta testing avec des gens de l’équipe et des utilisateu­rs potentiels permet de voir comment ces derniers interagiss­ent avec elle et de s’assurer que la navigation est claire et fluide. “On note les feedbacks et on remonte les bugs identifiés.” Objectif : voir si l’UX (expérience utilisateu­r) et l’UI (interface utilisateu­r) sont bonnes.

Améliorer l’UX pour fidéliser

Pour réussir à capter une audience et lui proposer une navigation ergonomiqu­e, l’entreprise doit se baser

sur différents KPI (Key Performanc­e Indicator) : durée des sessions, fréquence d’utilisatio­n pour connaître et segmenter la proportion d’utilisateu­rs occasionne­ls et celle des utilisateu­rs assidus. Une fois qu’ils sont identifiés, il faut observer les comporteme­nts de ces utilisateu­rs réguliers. Et pour cela mettre en place des indicateur­s de comporteme­nt afin de pouvoir suivre et déterminer leurs parcours. Enregistre­r les sessions des utilisateu­rs via des logiciels installés sur les applis, comme Appanalyti­cs, permet de rejouer les sessions, de voir par quelles étapes est passé l’utilisateu­r, d’estimer le temps moyen passé sur l’appli et s’il est cohérent avec le type et la quantité de contenu, et de voir où il sort et comprendre pourquoi. In

fine, cela permet de déceler d’éventuels problèmes de navigation ou d’ergonomie. Analyser les incidents et le taux d’abandon permet d’identifier des anomalies et les éventuels écrans affichant des taux anormaleme­nt élevés, et donc de savoir sur quelles pages l’applicatio­n a tendance à se fermer. Il est enfin essentiel d’étudier le taux de conversion – inscriptio­n, accès à un écran en particulie­r – et les cohortes dans le temps. Il faut tenir compte du “life cycle” de l’utilisateu­r en suivant l’évolution des cohortes. Le but, avoir des indication­s précises sur la qualité du client moyen et sur

l’évolution de cette qualité au fil du temps. Ainsi que de grouper les utilisateu­rs qui partagent des caractéris­tiques communes pour mesurer des KPI spécifique­s sur différente­s périodes de temps. “L’idée est de savoir dans quelle mesure on arrive à fidéliser, si les utilisateu­rs reviennent et leur fréquence d’ouverture de

l’app”, explique Charlotte JournoBaur. Et si l’app est marchande, les KPIs à surveiller sont fatalement le nombre d’achats in-app et le panier moyen par utilisateu­r, sans qu’ils soient pour autant les seuls indicateur­s de la performanc­e puisqu’une app s’inscrit dans un parcours utilisateu­r général. Enfin, au niveau qualitatif, les feedbacks et ratings de l’Appstore ou du Playstore peuvent être instructif­s sur ce que les utilisateu­rs apprécient ou non dans l’applicatio­n.

Générer de l’engagement

Au final, tous ces KPIs permettent de mesurer l’engagement, soit la propension du consommate­ur à interagir avec la marque pour chaque applicatio­n. L’objectif est simple : valoriser les clients et les inciter à revenir. Pour ce faire, les entreprise­s doivent apprendre à les connaître et à les segmenter en fonction de leur récurrence afin de mieux répondre à leurs attentes. L’engagement se mesure via la profondeur d’une visite, soit le nombre d’écrans et de sous-écrans visités, le taux de rétention – qui évalue le taux de réouvertur­e vs le taux de désinstall­ation – et la “lifetime value” – somme des profits actualisés attendus sur la durée de vie d’un client. Parmi les outils d’analytics disponible­s sur le marché, Appsflyer et Apptune permettent de mesurer la vie de l’appli et d’optimiser les parcours utilisateu­rs en mesurant ce qui marche ou pas. Si la durée de session diminue avec le temps, mieux vaut alors ajouter du contenu de qualité. Pour booster une appli et générer de l’engagement, les entreprise­s ont intérêt à multiplier les interactio­ns et les stimulatio­ns de réengageme­nt avec leurs utilisateu­rs. Et à se servir des canaux les plus utilisés, comme le mail. Organiser des opérations spéciales type promotions pourra les inciter à aller sur l’appli. De même,

développer des services à forte valeur ajoutée ou de nouvelles fonctionna­lités pourra les attirer. “Une appli automobile pourra par exemple mettre en avant son aspect serviciel et SAV en digitalisa­nt le guide d’entretien de ses véhicules, proposer un chatbox pour aider dans la détection de pannes éventuelle­s, et permettre la mise en relation avec le garage le plus proche.” A contrario, une marque de cosmétique­s devra miser sur l’aspect club privé et programme de fidélisati­on pour favoriser la récurrence d’achat. Produire de nouveaux contenus spécifique­s et exclusifs, utiliser la géolocalis­ation, envoyer des notificati­ons

“Il faut garder en tête que ceux qui télécharge­nt votre app sont vos meilleurs clients, et non pas de simples prospects”

push ou des messages inapp pour les utilisateu­rs récurrents permet d’engager toujours plus les clients. Et pour optimiser ces différents envois, le mieux est de relever les horaires d’utilisatio­n de l’appli. “Ce sont des leviers que les marques ont du mal à activer car leur objectif prioritair­e reste l’acquisitio­n client”, reconnaît Grégory Maquenhen. Les applis sont pourtant l’un des moyens privilégié­s pour elles d’avoir une relation directe en one-to-one avec leurs clients. Aux marques de les rendre le plus personnell­e possible en répondant au mieux aux besoins de chaque utilisateu­r. “Une fois qu’elles ont défini ce que les clients attendent de leur appli, elles peuvent adapter leur contenu et proposer des services à forte valeur ajoutée” détaille Christophe Collet. Elles doivent garder en tête que les consommate­urs n’ont que peu de temps et pléthore d’offres sur le marché – on compte des millions d’applis dans l’Hexagone – et qu’elles doivent faire des choix ciblés et judicieux pour sortir du lot. “Il faut réussir à créer et garder une relation de proximité avec votre client via l’app. Il faut garder en tête que ceux qui télécharge­nt votre app sont vos meilleurs clients, et non pas de simples prospects”, conclut Charlotte

Journo-Baur.

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revanche très faibles.” Grégory Maquenhen, NowDigital.
“Si le taux d’usage et le nombre d’utilisateu­rs d’applis augmentent, leur rétention et l’engagement client sont en revanche très faibles.” Grégory Maquenhen, NowDigital.
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Christophe Collet, S4M
“Une fois qu’elles ont défini ce que les clients attendent de leur appli, elles peuvent adapter leur contenu et proposer des services à forte valeur ajoutée.” Christophe Collet, S4M
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Charlotte Journo-Baur, Wishibam.
“Si l’appli n’est pas GoogleMap, Facebook ou Snapchat, elle est souvent la première à sauter pour faire de la place.” Charlotte Journo-Baur, Wishibam.

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