RENAISSANCE IDÉOLOGIQUE Q À DROITE
Ce classique de la vie politique ne résiste pas à la réalité des chiffres
C’est une partie de poker menteur inédite. L’ensemble des associations d’élus des régions, des départements, des communes et des intercommunalités ont choisi de défier le pouvoir central en refusant a priori le ppacte de confiance État-collectivitésterrip toriales intégré au projet de loi de finances pour 2018. Ce pacte prévoit, il est vrai, une participation du “millefeuille” au redressement des comptes publics à hauteur de 13 milliards d’euros d’ici 2022 sur une enveloppe globale d’économies de 60 milliards d’euros programmée sur le quinquennat. Cet objectif est à mettre en regard du montant de dépense publique totale de 1242,8 milliards d’euros pour 2015 (Tableaux 2017, Insee) Certes, la révolte de la France des terroirs est un classique de la vie politique. Mais cette fois-ci, la majorité présidentielle LRM (La République en Marche) est “neuve”. Elle ne détient en tant que telle aucun bastion local – à la grande différence des partis traditionnels. C’est un obstacle sur le chemin de la transformation du pays voulu par Emmanuel Macron. Il est de taille : on ne gouverne pas uniquement avec les préfets. Sans les relais des réseaux du maillage territorial, la pédagogie présidentielle d’en haut ne diffusera jjamais en bas. C’est le Premier ministre, Édouard Philippe, qui est chargé de recoller les morceaux. Il va essayer de négocier, selon ses propres termes,
“un contrat de mandature” avec les intéressés dans le cadre de la CNT (Conférence nationale des territoires). Le rendez-vous est fixé au 14 décembre prochain. Il est à hauts risques ppour Matignong et l’Élysée. Une frondepersisq tante des élus locaux entamerait fortement la crédibilité présidentielle et la capacité d’agir du gouvernement.
Une économie demandée de seulement 1 % de la dépense territoriale
Pourquoi une telle levée de boucliers contre le pacte financier Macron ? Le projet de loi de la programmation des finances
publiques 2018 à 2022 inscrit pour chaque année sous revue une augmentation, inflation comprise, de 1,2 % des dépenses réelles de fonctionnement pour “les collectivités territoriales et les groupements à fiscalité propre (les intercommunalités)”. Ce n’est pas une saignée – Bercy table sur une hausse des prix de 1 % en 2018. Emmanuel Macron a justifié cette contrainte lors de la réunion inaugurale de la CNT en juillet
dernier : “l’État doit faire des économies substantielles pour baisser durant ce quinquennat de trois points de PIB la dépense publique, soit environ 66 milliards d’euros. Compte tenu des parts réciproques, cela conduit les collectivités territoriales à participer à la baisse des administrations publiques à hauteur de 13 milliards d’euros sur le quinquennat. L’effort demandé est à fortement relativiser. En prenant pour hypothèse une stabilité pendant cinq ans de la dépense des collectivités locales les “13 milliards” sont à mettre en regard d’une masse de dépenses de 1127,5 milliards. Deux chiffrages “objectifs” corroborent cette assertion. En 2016, les administrations de sécurité sociale ont représenté 44 % de la dépense publique, les administrations centrales 38 %, les administrations locales 18 %. À chacun sa quote-part ! La dépense publique totale des collectivités est évaluée pour 2016 à 225,5 milliards d’euros, alors que l’économie demandée pour l’année 2018 s’élèvera à 2,6 milliards d’euros. Un pourcentage de l’ordre de 1 % a priori soutenable.
Une dépense passée de 8,6% à 12% de PIB
Pourquoi alors la bronca ne désarme-t-elle pas ? Le patron des députés LR à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, donne le ton : “c’est de l’enfumage. Les collectivités viennent de supporter une baisse de 11 milliards d’euros sous la présidence de François Hollande et on leur en demande 13 autres
d’ici 2022”. C’est un fait. L’équipe Macron arrive au moment où les tours de vis sur la Dotation globale de fonctionnement (DGF)) versée par l’État commencent pour la première fois à produire leurs effets. Sur 2016, selon la Cour des comptes, les dépenses des collectivités ont reculé de 1,1 % alors que les recettes ont progressé de 0,2 % (à 229,7 milliards), soit une capacité de financement de 4,2 milliards. Cette amélioration de la situation financière concerne les trois catégories, régions-départements-communes. En revanche, ce profil flatteur fait l’impasse sur le lourd passif
des collectivités. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, nous le rappelle en
ces termes : “l’infléchissement des dépenses apparaît limité lorsqu’on adopte une perspective de long terme. Entre 1983 et 2013, les dépenses locales ont progressé en moyenne de 5 % par an, passant de 8,6 % de PIB à près de 12 %. La moitié seulement de cette hausse est imputable à la décentralisation, l’autre moitié étant due à l’augmentation des charges de fonctionnement, et tout particulièrement à celle des rémunérations des agents territoriaux du fait d’une forte croissance des effectifs”. Cette folie des grandeurs aura gonflé les coûts fixes de la nation hors de toute raison.
Polémique sur la taxe d’habitation et les emplois aidés
Face à cette cruelle vérité, les élus sont sur le registre “j’y pense et puis j’oublie”. Aussi ne retiennent-ils aujourd’hui que les motifs immédiats de mécontentement. Les maires sont les premiers concernés par la future suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des assujettis puisqu’elle représente actuellement 36 % des recettes des communes et des intercommunalités. Aussi Les Républicains (LR) dénoncent une
“mise sous tutelle”. De plus, la compensationp ppar les crédits de l’État laisse entière la question des modes de calcul et de l’année de référence. La base taxable est une matière mouvante. Charles de Courson, député UDI, ajoute : “si la taxe d’habitation est un impôt injuste, elle l’est aussi pour les 20 % restants”. Il faut s’attendre à des complications – ne serait-ce que pour calculer les effets de seuil – bien plus qu’à davantage de simplicité. François Baroin, président de l’AMF (Association des maires de France), a de son côté lancé une alerte rouge pour “corriger cette affaire des emplois aidés”. Il est épaulé par le PS qui brandit l’équation “maintenir les emplois aidés, c’est maintenir un emploi
local !”. Une analyse sereine conclurait plutôt à l’équation “emploi aidé = subvention déguisée”. D’où le choix gouvernemental pour la préférence à de vrais emplois pérennes. Mais du point de vue des élus, c’est une soupape qui sera progressivement supprimée – sauf pour l’outre-mer et l’aide aux handicapés. Ce qui suffit à alimenter la colère. Emmanuel Macron a également allumé les feux de la contestation sur un sujet sensible : “il faudra engager une réduction du nombre d’élus locaux comme je souhaite le
La révolte de la France des terroirs est un classique de la vie politique. Mais on ne gouverne pas uniquement avec les préfets. Sans les relais des réseaux du maillage territorial, la pédagogie présidentielle d’en haut ne diffusera jamais en bas.