L’agilité comme atout
Il n’y a pas si longtemps – moins de deux décennies –, la seule évocation des formations fabriquées par le privé provoquait railleries et parfois quelques manifestations de mépris de la part des deux grands acteurs de cet enseignement supérieur qui n’était pas encore vraiment un “marché”, les universités et les grandes écoles, consulaires ou publiques. Entre ces géants, aux marges, se situaient alors quelques structures, souvent bien coûteuses, dédiées au fils à papa et remplissant de façon lucrative cette fonction sociale basée davantage sur l’apprentissage de la débrouillardise que sur la recherche de l’excellence académique. Conséquences ? Ces écoles dites “lucratives” se contrefichaient alors bel et bien des contraintes de la régulation par le public, qu’il s’agisse des conditions pour décerner le titre d’ingénieur ou des habilitations pour délivrer le grade de “master”. En quelques années, tout a changé. Radicalement. Sous la pression de la demande – fréquence dissuasive des échecs à l’université, dégradation des performances du service public et sélection hyper-exigeante des grandes écoles d’ingénieurs ou de gestion – les offres se sont donc multipliées entre ces deux univers. Formidable croissance : 80 % de celle des effectifs dans l’enseignement supérieur de ces dix dernières années a été “fabriquée” par cet enseignement supérieur lucratif qui a totalement changé de nature. Aujourd’hui, il compte 436 100 étudiants, soit plus d’un étudiant sur six. Tandis que pour le futur proche, la démographie laisse espérer une progression de leur nombre. D’après les prévisions du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la population étudiante, déjà multipliée par huit en 50 ans, devrait continuer de croître : le nombre d’étudiants franchira la barre des 2,5 millions à l’horizon 2020 sur les divers campus. Ils sont un peu moins de 2,4 millions aujourd’hui, dont 1,4 million sur les bancs de l’université. Les grandes écoles classiques, 15 % des étudiants, abritent 40 % des masters et un tiers des doctorats. Les écoles privées et les écoles étrangères formant un reliquat de plus en plus massif. Et un marché évalué à lui seul à près de 2 milliards d’euros. Or ces écoles ont des besoins financiers croissant. Dépenses de marketing pour doper la notoriété et draguer les candidats, investissements en outils numériques si gourmands en capitaux pour améliorer la pédagogie, accords internationaux pour former et accueillir aux standards des meilleures institutions. Tandis que la concurrence devient cruciale avec la progression des droits de scolarité. Bref, toutes ces écoles ont besoin d’investisseurs. Surtout si elles ne veulent pas rester isolées et souhaitent bénéficier des avantages d’un groupe.