Le Nouvel Économiste

Les laissés-pour-compte de la mondialisa­tion

La mondialisa­tion a marginalis­é de nombreuses régions dans les pays développés. Que peut-on y faire ?

- THE ECONOMIST

Même avant le désastre, Scranton n’avait pas connu un siècle très favorable. En 1902, la Lackawanna Steel Company avait quitté le nord-est de la Pennsylvan­ie à la recherche d’un accès aux moyens de transport plus facile et d’une main-d’oeuvre plus docile. La zone possédait toujours du charbon et assez d’énergie pour lancer de nouvelles activités : dans les années 1920, un fabricant local de boutons devint le numéro un de la gravure de disques 78 tours. Mais après la Seconde guerre mondiale, la demande de charbon déclina. Ensuite, en 1959, des mineurs qui travaillai­ent à la frange d’une veine de charbon percèrent le lit de la rivière Susquehann­a, qui inonda les galeries comme l’eau d’une baignoire qui se vide. Les mines ne s’en sont jamais remises. La vallée que traverse la rivière Susquehann­a est bordée d’usines fermées. Les dégâts sont bien visibles. La ville de Scranton a frôlé la faillite en 2012. Pourtant, en dépit de presque un siècle d’épreuves économique­s, plus d’un demi-million de personnes restent dans cette région. L’histoire se répète dans beaucoup d’autres territoire­s autrefois prospères du monde industrial­isé.

Même avant le désastre, Scranton n’avait pas connu un siècle très favorable. En 1902, la Lackawanna Steel Company avait quitté le nord-est de la Pennsylvan­ie à la recherche d’un accès aux moyens de transport plus facile et d’une main-d’oeuvre plus docile. La zone possédait toujours du charbon et assez d’énergie pour lancer de nouvelles activités: dans les années 1920, un fabricant local de boutons devint le numéro un de la gravure de disques 78 tours. Mais après la Seconde guerre mondiale, la demande de charbon déclina. Ensuite, en 1959, des mineurs qui travaillai­ent à la frange d’une veine de charbon percèrent le lit de la rivière Susquehann­a, qui inonda les galeries comme l’eau d’une baignoire qui se vide. Les mines ne s’en sont jamais remises. La vallée que traverse la rivière Susquehann­a est bordée d’usines fermées. Les dégâts sont bien visibles. La ville de Scranton a frôlé la faillite en 2012. Pourtant, en dépit de presque un siècle d’épreuves économique­s, plus d’un demi-million de personnes restent dans cette région. L’histoire se répète dans beaucoup d’autres territoire­s autrefois prospères du monde industrial­isé. Ils n’ont pas trouvé comment perdurer dans une économie numérique et mondialisé­e. Mais ils n’ont pas disparu. Les ppolitique­sq ont tenté d’intervenir. Les États et les collectivi­tés locales ont dépensé des centaines de millions de dollars au cours des décennies passées en infrastruc­tures et projets de reconversi­on dans la région de Scranton, comme ils l’ont fait pour le Teesside en Grande-Bretagne et le Pas-de-Calais en France. Selon une estimation, la Pennsylvan­ie a dépensé plus de 6 milliards de dollars entre 2007 et 2016 en subvention­s aux entreprise­s, p , plus que tout autre État américain. La pplus ggrande ppartie a été octroyée y au nord-est de l’État, sa partie la plus sinistré. Mais déverser des fonds ne suffit pas. Pour améliorer le destin des territoire­s laissés pour compte, les décideurs politiques doivent se montrer plus déterminés et mieux s’accorder sur ce qui marche.

Une partie de cache-cache

Ils doivent faire mieux. Les forces à l’oeuvre dans les inégalités territoria­les sont insérées dans les mécanismes de mondialisa­tion, ce qui rend difficile d’y résister. Il est vrai que la mondialisa­tion pourrait connaître des ratés ou même revenir en arrière. Une des raisons pour laquelle les électeurs du nord-est de la Pennsylvan­ie ont voté à une ggrande majoritéj ppour Donald Trump p en 2016, en lui offrant l’État. C’est dans ce même espoir que la GrandeBret­agne, comme le Teesside, a voté pour le Brexit et que le Nord de la France, économique­ment éprouvé, a offert de beaux scores au Front national de Marine Le Pen. Mais même si la mondialisa­tion se figeait, les régions qu’elle a affaiblies ne vont pas se rétablir comme par magie. Les économiste­s pensaient à une époque qu’avec le temps, les inégalités entre les régions et pays s’aplaniraie­nt naturellem­ent. Les zones riches, avec plus d’argent à investir que d’opportunit­és d’investisse­ments disponible­s, iraient investir dans les régions plus pauvres dont le potentiel n’avait pas encore été exploité : le savoir-faire technologi­que se transférer­ait d’une économie à l’autre. Pendant une grande partie du XXe siècle, il y avait assez de signes pour y croire. Les pays industrial­isés à la traîne ont rebondi beaucoup plus vite que les pays riches durant les décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale. En 1950, par exemple, la production réelle par personne en Italie correspond­ait à 33 % de celle d’un Américain. En 1973, elle avait atteint 62 %. De 1880 à 1980,, les écarts de revenus entre les États américains se sont réduits, à un taux annuel moyen de 1,8 % : le revenu réel par personne en Floride est ppassé de 33 % de ce qu’il était dans l’État du Connecticu­t à 82 %. Une convergenc­e comparable a été relevée entre différents territoire­s japonais. Alors que les disparités géographiq­ues diminuaien­t à l’intérieur ainsi qu’entre les économies industrial­isées, l’écart entre ces économies et le reste du monde augmentait. Les revenus américains, ajustés au coût de la vie, étaient environ neuf fois supérieurs à ceux des pays les plus pauvres du monde en 1870, mais ils allaient devenir 50 fois plus importants en 1990. Dans la transition entre les années 1980 et les années 1990, les deux tendances ont changé. L’inégalité entre les régions à l’intérieur des pays riches a augmenté. Les économies plus pauvres ont commencé à rattraper les plus riches. Entre 1990 et 2010,, le taux de convergenc­e économique entre les États américains a ralenti, pour atteindre moins de la moitié de ce qu’il était entre 1880 et 1980. Depuis, il est proche de zéro. Les villes riches ont commencé à prendre leurs distances avec leurs soeurs moins bien loties. Selon le think tank Brookings Institutio­n, dans la décennie qui s’est achevée en 2015, la croissance de la productivi­té dans les zones urbaines américaine­s était à son plus haut dans les 10 % du haut du classement et les 20 % de bas du classement (où, par définition, le référentie­l est le plus bas). Les villes à revenus moyens et en crise, comme Scranton, sont tombées encore plus bas. Un rapport récent de l’OCDE révèle que parmi ses pays membres, pour la plupart riches, l’écart moyen de productivi­té entre les 10 % des régions les plus productive­s et les 75 % des moins productive­s s’est accru d’environ 60 % au cours des vingt dernières années. Ce n’est donc pas une coïncidenc­e si des brèches se sont ouvertes dans les économies les plus riches quand les pays pauvres ont commencé à les rattraper. C’était le résultat prévisible des mutations politiques et technologi­ques, mutations que les gouverneme­nts du monde riche ont globalemen­t ignorées et que leurs conseiller­s, et les économiste­s en général, ont trop peu soulignées. Quand des pays à main-d’oeuvre abondante et bas salaires commencent à faire du commerce avec des économies plus riches, les salaires des travailleu­rs, à compétence­s égales, convergent. Ceux qui vivent dans les économies pauvres gagnent plus, et ceux qui vivent dans les pays riches s’appauvriss­ent. Les effets sont plus perceptibl­es dans certains lieux que dans d’autres, et pas uniquement parce que les personnes qui perdent au change vivent généraleme­nt dans le même type de lieux. La mondialisa­tion a infligé directemen­t des dégâts à de nombreuses économies locales et régionales en raison de la façon dont ces territoire­s fonctionne­nt.

Ne pas se mondialise­r

Les entreprise­s, et surtout les industriel­s, développen­t davantage leurs activités quand elles se trouvent géographiq­uement à proximité les unes des autres. Un fabricant de machines a des coûts plus faibles quand il se trouve à proximité de ses fournisseu­rs et de ses clients. Un regroupeme­nt d’industries attire la

Beaucoup de territoire­s autrefois prospères du monde industrial­isé n’ont pas trouvé comment perdurer dans une économie numérique et mondialisé­e. Mais ils n’ont pas disparu.

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