Art de vivre
Champagne, les Anciens et les Modernes
À l’heure des comparateurs de prix, financer ses funérailles est devenu une possibilité parmi tant d’autres. Le marché est en plein boom et de nombreuses solutions sont proposées. Les assurances obsèques permettent de mettre un capital de côté pour financer ses funérailles le moment venu. Et passer par des pompes funèbres permet de les organiser dans les moindres détails. Mais malgré les dispositions légales mises en place pour harmoniser le marché, les contrats proposés par les assureurs et les tarifs des prestations des opérateurs funéraires sont parfois très opaques. D’où l’importance de faire jouer la concurrence, devis à l’appui. Quand les familles doivent s’organiser au moment du décès, elles acceptent souvent directement ce que proposent les conseillers.
Le “papy-boom”, conséquence du baby-boom de l’après-guerre, était censé atteindre son pic cette année, selon l’Insee. Parallèlement, le business des services funéraires ne s’est jamais aussi bien porté, avec un marché estimé à 2,5 milliards d’euros en 2015. Assureurs et banques proposant parfois des prestations, opérateurs funéraires y allant de leurs services en ligne, jusqu’à des obsèques low cost : l’offre a explosé en quelques années. Mais la demande également. En 2014, près d’une personne sur deux chez les plus de 40 ans comptait laisser des instructions concernant ses obsèques, quand elle ne l’avait pas déjà fait. Une volonté qui est en constante augmentation et arrive surtout au moment de la retraite ou lorsqu’un parent décède. “C’est un peu dans l’air du temps, note Ophélie Chauffert, responsable marketing et communication chez Funeris. Tout le monde aujourd’hui s’informe, tout le monde compare. On a besoin de maîtriser le sujet.” Bien qu’on puisse déjà avoir choisi entre une cérémonie religieuse ou civile, être enterré ou incinéré, bien prévoir le moment fatidique semble toutefois complexe. Plusieurs options sont possibles.
Financer sans organiser
Donner un prix moyen aux funérailles est quasiment impossible, tant elles dépendent de nombreux paramètres. Les tarifs pratiqués par les opérateurs funéraires varient énormément selon les volontés, la commune où les obsèques sont organisées, les entreprises avec lesquelles les pompes funèbres travaillent, etc. Plusieurs sources évoquent un montant autour de 4 000 euros. Lorsqu’on souhaite simplement laisser une somme d’argent à sa famille sans avoir à organiser les funérailles dans le détail, deux choix sont possibles. Au moment du décès, les comptes bancaires individuels sont bloqués. Toute opération de retrait ou de dépôt devient impossible, sauf pour le règlement des frais d’obsèques. Jusqu’à 5 000 euros peuvent être remboursés à la famille si le ou les comptes sont suffisamment alimentés. Sinon, il est possible de souscrire un contrat d’assurance obsèques en capital. Une assurance-vie en somme, où l’assuré nomme un bénéficiaire qui, au moment du décès, percevra le capital constitué. Seul hic, rien n’oblige le bénéficiaire à utiliser cet argent pour financer les funérailles. Une solution, pour être certain que la somme sera bien utilisée à ces fins, peut être de désigner un opérateur funéraire comme bénéficiaire. Il est en outre possible d’obtenir des aides financières pour ses obsèques. Si l’on est salarié (ou chômeur indemnisé) au moment du décès, la famille peut toucher un capital décès de 3 415 euros. Pour les fonctionnaires décédés avant l’âge minimum de la retraite, le montant augmente à 13 660 euros (plus 833,36 euros pour chaque enfant du défunt). La mutuelle peut éventuellement apporter une participation financière, et “toute personne qui a réglé les frais d’obsèques d’un pensionné du régime général [de la
caisse de retraite, ndlr] peut faire prélever le montant de ces frais sur les sommes dues par la Cnav, dans la limite de 2 286,74 euros” précise le site service-public.fr. Enfin, si au moment du décès, la personne était sans ressource ou que son corps n’est pas réclamé, la commune ou
Le business des services funéraires ne s’est jamais aussi bien porté, avec un marché estimé à 2,5 milliards d’euros en 2015
Organiser ses funérailles, c’est aussi l’occasion de préciser si l’on ne souhaite pas faire don de ses organes Il est important de réaliser des devis car les prix pratiqués par les différentes entreprises de pompes funèbres sont loin d’être identiques. Les factures peuvent passer du simple au quintuple pour les mêmes prestations
la préfecture prendront en charge l’inhumation.
Organiser sans financer
Pour les personnes qui ont déjà une assurance en capital ou qui ne souhaitent pas payer à l’avance, Ophélie Chauffert rappelle que “tout écrit
à valeur testamentaire”. C’est-à-dire qu’un devis réalisé dans une entreprise de pompes funèbres ou une liste écrite et signée rapidement sur un morceau de papier déchiré auront la même valeur. Mais les dernières volontés qui y figureront ne pourront être réalisées que si un proche, l’assureur ou l’opérateur funéraire en ont connaissance. Cela va du choix entre enterrement ou incinération à la volonté de passer telle musique, d’être habillé de telle façon, de vouloir des fleurs blanches, d’inscrire une épitaphe particulière sur la tombe, etc. “Il n’y a pas de limites dans la personnalisation, tant qu’on reste dans le raisonnable, note Philippe Martineau, directeur général du Choix funéraire. Quelqu’un qui voudrait faire un rite luciférien dans un cimetière, je pense qu’il aurait beaucoup de mal.” Organiser ses funérailles, c’est aussi l’occasion de préciser si l’on ne souhaite pas faire don de ses organes. Depuis 1976, la loi indique que tous les Français sont donneurs d’organes par défaut. Jusqu’à maintenant, les médecins se fondaient sur les réponses des familles après le décès lorsqu’ils ne connaissaient pas les volontés exactes du défunt. Mais depuis janvier 2017, une personne doit s’inscrire au registre du refus (registrenationaldesrefus.fr) ou la famille doit fournir un document signé de sa main pour que ses organes ne soient pas susceptibles d’être prélevés. Il est également possible de faire don de son corps à la science en s’inscrivant auprès d’une faculté. La démarche est souvent payante, car c’est l’université qui prendra en charge les funérailles. Le corps ne sera donc pas rendu à la famille. Faire authentifier ses volontés par un notaire n’est pas indispensable, selon les opérateurs funéraires, pour qu’elles soient respectées. Cela peut même être risqué car souvent, les testaments sont ouverts quelques jours ou quelques semaines après le décès. Donc quand la cérémonie est terminée… Pour décharger ses proches, il est enfin possible de tout organiser. De la cérémonie au financement. Et cela va passer par un contrat d’assurance obsèques en prestations. Le souscripteur aura ici deux contrats : un devis dressé par un opérateur funéraire, et une assurance obsèques en capital dont le bénéficiaire est l’entreprise de pompes funèbres choisie par le souscripteur. Elle va lui permettre de définir tous les détails de ses funérailles, d’avoir l’assurance que ses volontés seront respectées et que la somme exacte sera utilisée. Les choix faits ne sont pas irrévocables. Selon la loi Sueur de 2004, le souscripteur a le pouvoir de changer à tout moment les prestations désignées dans le contrat : les détails de la cérémonie, l’entreprise de pompes funèbres bénéficiaire, etc. Régis Bouffort, directeur prévoyance et partenariat du groupe Funecap (Roc Eclerc), précise qu’il est possible de passer d’un contrat en capital à un contrat en prestations en établissant un devis auprès d’un opérateur et en demandant ensuite “à son assureur une adaptation de la clause bénéficiaire”. Le premier attributaire devient alors l’opérateur funéraire. “Si le capital garanti dépasse le montant des obsèques, seul le montant des funérailles sera payé à l’entreprise, le reliquat allant au bénéficiaire de
second rang” précise Régis Bouffort. Jusqu’en 2013, les assureurs pouvaient proposer des contrats obsèques en prestations “packagés”, obligeant les souscripteurs à choisir des options ne correspondant pas forcément à leurs volontés. Mais depuis la loi du 26 juillet 2013, les prestations funéraires doivent être personnalisées. Cela n’empêche pas qu’il existe encore des contrats packagés, mais de moins en moins. “Pour proposer un contrat en prestations aujourd’hui, il faut avoir une habilitation” précise Régis Bouffort. Cependant, selon l’UFC-Que Choisir, il est important de réaliser des devis car les prix pratiqués par les différentes entreprises de pompes funèbres sont loin d’être identiques. Les factures peuvent passer du simple au quintuple pour les mêmes prestations. Bien qu’un arrêté ait fixé en 2010 un modèle de devis obligatoire pour que les clients soient mieux informés des tarifs pratiqués, certains opérateurs funéraires restent parfois flous sur le coût de leurs prestations. Certains voudront peut-être également prévoir des funérailles originales. Pour les écologistes, il est possible de trouver des bières en carton sur Internet. Des personnes ont choisi de disperser leurs cendres dans un feu d’artifice, etc. Les acteurs du numérique n’ont également pas oublié d’investir ce juteux marché en développant de nombreux services d’aide à l’organisation des obsèques: réalisation de toutes les démarches administratives liées au décès, comparateurs d’entreprises de pompes funèbres, installation de “web mémoriaux”, etc. Organiser ses obsèques n’a jamais été autant dans l’air du temps.