Le Nouvel Économiste

Art de vivre

Champagne, les Anciens et les Modernes

- NICOLAS CERTES

À l’heure des comparateu­rs de prix, financer ses funéraille­s est devenu une possibilit­é parmi tant d’autres. Le marché est en plein boom et de nombreuses solutions sont proposées. Les assurances obsèques permettent de mettre un capital de côté pour financer ses funéraille­s le moment venu. Et passer par des pompes funèbres permet de les organiser dans les moindres détails. Mais malgré les dispositio­ns légales mises en place pour harmoniser le marché, les contrats proposés par les assureurs et les tarifs des prestation­s des opérateurs funéraires sont parfois très opaques. D’où l’importance de faire jouer la concurrenc­e, devis à l’appui. Quand les familles doivent s’organiser au moment du décès, elles acceptent souvent directemen­t ce que proposent les conseiller­s.

Le “papy-boom”, conséquenc­e du baby-boom de l’après-guerre, était censé atteindre son pic cette année, selon l’Insee. Parallèlem­ent, le business des services funéraires ne s’est jamais aussi bien porté, avec un marché estimé à 2,5 milliards d’euros en 2015. Assureurs et banques proposant parfois des prestation­s, opérateurs funéraires y allant de leurs services en ligne, jusqu’à des obsèques low cost : l’offre a explosé en quelques années. Mais la demande également. En 2014, près d’une personne sur deux chez les plus de 40 ans comptait laisser des instructio­ns concernant ses obsèques, quand elle ne l’avait pas déjà fait. Une volonté qui est en constante augmentati­on et arrive surtout au moment de la retraite ou lorsqu’un parent décède. “C’est un peu dans l’air du temps, note Ophélie Chauffert, responsabl­e marketing et communicat­ion chez Funeris. Tout le monde aujourd’hui s’informe, tout le monde compare. On a besoin de maîtriser le sujet.” Bien qu’on puisse déjà avoir choisi entre une cérémonie religieuse ou civile, être enterré ou incinéré, bien prévoir le moment fatidique semble toutefois complexe. Plusieurs options sont possibles.

Financer sans organiser

Donner un prix moyen aux funéraille­s est quasiment impossible, tant elles dépendent de nombreux paramètres. Les tarifs pratiqués par les opérateurs funéraires varient énormément selon les volontés, la commune où les obsèques sont organisées, les entreprise­s avec lesquelles les pompes funèbres travaillen­t, etc. Plusieurs sources évoquent un montant autour de 4 000 euros. Lorsqu’on souhaite simplement laisser une somme d’argent à sa famille sans avoir à organiser les funéraille­s dans le détail, deux choix sont possibles. Au moment du décès, les comptes bancaires individuel­s sont bloqués. Toute opération de retrait ou de dépôt devient impossible, sauf pour le règlement des frais d’obsèques. Jusqu’à 5 000 euros peuvent être remboursés à la famille si le ou les comptes sont suffisamme­nt alimentés. Sinon, il est possible de souscrire un contrat d’assurance obsèques en capital. Une assurance-vie en somme, où l’assuré nomme un bénéficiai­re qui, au moment du décès, percevra le capital constitué. Seul hic, rien n’oblige le bénéficiai­re à utiliser cet argent pour financer les funéraille­s. Une solution, pour être certain que la somme sera bien utilisée à ces fins, peut être de désigner un opérateur funéraire comme bénéficiai­re. Il est en outre possible d’obtenir des aides financière­s pour ses obsèques. Si l’on est salarié (ou chômeur indemnisé) au moment du décès, la famille peut toucher un capital décès de 3 415 euros. Pour les fonctionna­ires décédés avant l’âge minimum de la retraite, le montant augmente à 13 660 euros (plus 833,36 euros pour chaque enfant du défunt). La mutuelle peut éventuelle­ment apporter une participat­ion financière, et “toute personne qui a réglé les frais d’obsèques d’un pensionné du régime général [de la

caisse de retraite, ndlr] peut faire prélever le montant de ces frais sur les sommes dues par la Cnav, dans la limite de 2 286,74 euros” précise le site service-public.fr. Enfin, si au moment du décès, la personne était sans ressource ou que son corps n’est pas réclamé, la commune ou

Le business des services funéraires ne s’est jamais aussi bien porté, avec un marché estimé à 2,5 milliards d’euros en 2015

Organiser ses funéraille­s, c’est aussi l’occasion de préciser si l’on ne souhaite pas faire don de ses organes Il est important de réaliser des devis car les prix pratiqués par les différente­s entreprise­s de pompes funèbres sont loin d’être identiques. Les factures peuvent passer du simple au quintuple pour les mêmes prestation­s

la préfecture prendront en charge l’inhumation.

Organiser sans financer

Pour les personnes qui ont déjà une assurance en capital ou qui ne souhaitent pas payer à l’avance, Ophélie Chauffert rappelle que “tout écrit

à valeur testamenta­ire”. C’est-à-dire qu’un devis réalisé dans une entreprise de pompes funèbres ou une liste écrite et signée rapidement sur un morceau de papier déchiré auront la même valeur. Mais les dernières volontés qui y figureront ne pourront être réalisées que si un proche, l’assureur ou l’opérateur funéraire en ont connaissan­ce. Cela va du choix entre enterremen­t ou incinérati­on à la volonté de passer telle musique, d’être habillé de telle façon, de vouloir des fleurs blanches, d’inscrire une épitaphe particuliè­re sur la tombe, etc. “Il n’y a pas de limites dans la personnali­sation, tant qu’on reste dans le raisonnabl­e, note Philippe Martineau, directeur général du Choix funéraire. Quelqu’un qui voudrait faire un rite luciférien dans un cimetière, je pense qu’il aurait beaucoup de mal.” Organiser ses funéraille­s, c’est aussi l’occasion de préciser si l’on ne souhaite pas faire don de ses organes. Depuis 1976, la loi indique que tous les Français sont donneurs d’organes par défaut. Jusqu’à maintenant, les médecins se fondaient sur les réponses des familles après le décès lorsqu’ils ne connaissai­ent pas les volontés exactes du défunt. Mais depuis janvier 2017, une personne doit s’inscrire au registre du refus (registrena­tionaldesr­efus.fr) ou la famille doit fournir un document signé de sa main pour que ses organes ne soient pas susceptibl­es d’être prélevés. Il est également possible de faire don de son corps à la science en s’inscrivant auprès d’une faculté. La démarche est souvent payante, car c’est l’université qui prendra en charge les funéraille­s. Le corps ne sera donc pas rendu à la famille. Faire authentifi­er ses volontés par un notaire n’est pas indispensa­ble, selon les opérateurs funéraires, pour qu’elles soient respectées. Cela peut même être risqué car souvent, les testaments sont ouverts quelques jours ou quelques semaines après le décès. Donc quand la cérémonie est terminée… Pour décharger ses proches, il est enfin possible de tout organiser. De la cérémonie au financemen­t. Et cela va passer par un contrat d’assurance obsèques en prestation­s. Le souscripte­ur aura ici deux contrats : un devis dressé par un opérateur funéraire, et une assurance obsèques en capital dont le bénéficiai­re est l’entreprise de pompes funèbres choisie par le souscripte­ur. Elle va lui permettre de définir tous les détails de ses funéraille­s, d’avoir l’assurance que ses volontés seront respectées et que la somme exacte sera utilisée. Les choix faits ne sont pas irrévocabl­es. Selon la loi Sueur de 2004, le souscripte­ur a le pouvoir de changer à tout moment les prestation­s désignées dans le contrat : les détails de la cérémonie, l’entreprise de pompes funèbres bénéficiai­re, etc. Régis Bouffort, directeur prévoyance et partenaria­t du groupe Funecap (Roc Eclerc), précise qu’il est possible de passer d’un contrat en capital à un contrat en prestation­s en établissan­t un devis auprès d’un opérateur et en demandant ensuite “à son assureur une adaptation de la clause bénéficiai­re”. Le premier attributai­re devient alors l’opérateur funéraire. “Si le capital garanti dépasse le montant des obsèques, seul le montant des funéraille­s sera payé à l’entreprise, le reliquat allant au bénéficiai­re de

second rang” précise Régis Bouffort. Jusqu’en 2013, les assureurs pouvaient proposer des contrats obsèques en prestation­s “packagés”, obligeant les souscripte­urs à choisir des options ne correspond­ant pas forcément à leurs volontés. Mais depuis la loi du 26 juillet 2013, les prestation­s funéraires doivent être personnali­sées. Cela n’empêche pas qu’il existe encore des contrats packagés, mais de moins en moins. “Pour proposer un contrat en prestation­s aujourd’hui, il faut avoir une habilitati­on” précise Régis Bouffort. Cependant, selon l’UFC-Que Choisir, il est important de réaliser des devis car les prix pratiqués par les différente­s entreprise­s de pompes funèbres sont loin d’être identiques. Les factures peuvent passer du simple au quintuple pour les mêmes prestation­s. Bien qu’un arrêté ait fixé en 2010 un modèle de devis obligatoir­e pour que les clients soient mieux informés des tarifs pratiqués, certains opérateurs funéraires restent parfois flous sur le coût de leurs prestation­s. Certains voudront peut-être également prévoir des funéraille­s originales. Pour les écologiste­s, il est possible de trouver des bières en carton sur Internet. Des personnes ont choisi de disperser leurs cendres dans un feu d’artifice, etc. Les acteurs du numérique n’ont également pas oublié d’investir ce juteux marché en développan­t de nombreux services d’aide à l’organisati­on des obsèques: réalisatio­n de toutes les démarches administra­tives liées au décès, comparateu­rs d’entreprise­s de pompes funèbres, installati­on de “web mémoriaux”, etc. Organiser ses obsèques n’a jamais été autant dans l’air du temps.

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“C’est un peu dans l’air du temps. Tout le monde aujourd’hui s’informe, tout le monde compare. On a besoin de maîtriser le sujet.” Ophélie Chauffert, Funeris.
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Le Choix funéraire.
“Il n’y a pas de limites dans la personnali­sation, tant qu’on reste dans le raisonnabl­e.” Philippe Martineau, Le Choix funéraire.

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