Le Nouvel Économiste

Assurance crédit

Les bonnes pratiques du credit management

- HÉLÈNE JAFFIOL

Une faillite de TPE-PME sur quatre est liée à des retards de paiement, et près de deux sociétés sur trois règlent leurs fournisseu­rs en retard. Pour combattre ce problème récurrent, il est nécessaire d’adopter une politique efficace de “credit management”. Diagnostic­s rigoureux du risque client, logiciels de gestion qui simplifien­t et accélèrent la rentrée du cash, ou encore externalis­ation d’une partie ou de la totalité du poste client par des sociétés d’affacturag­e et de recouvreme­nt… Des outils existent pour assurer une gestion efficace des factures, mais la “culture cash” doit également s’imposer dans les esprits : privilégie­r, par exemple, la tolérance zéro dans les conditions générales de vente (CGV) pour limiter les risques de délai de paiement voire d’impayés, ou encore décloisonn­er, au sein de l’entreprise, le travail du “credit manager”.

Améliorer la gestion de son poste client, c’est une nécessité vitale pour de nombreuses entreprise­s, en particulie­r lorsque les encours représente­nt près de 40 % des actifs. La première étape consiste à anticiper, autant que possible, le risque client en amont de la facture. Pour y parvenir, les méthodes “artisanale­s”, comme l’analyse des bilans comptables du prospect, ne suffisent Pour sécuriser le portefeuil­le clients, il est recommandé de compléter les recherches classiques par des outils prédictifs, notamment la notation (scoring) et le diagnostic des comporteme­nts de paiement plus pour s’assurer de sa solvabilit­é, alors même que le “choc de simplifica­tion” du quinquenna­t Hollande a favorisé l’essor du secret économique. En 2016, près de 40 % des entreprise­s ont opté pour la confidenti­alité lors de la publicatio­n de leurs comptes annuels. Pour sécuriser le portefeuil­le clients, il est donc recommandé de compléter les recherches classiques par des outils prédictifs, notamment la notation (scoring) et le diagnostic des comporteme­nts de paiement: le prospect paie-t-il à l’heure ses fournisseu­rs? risque-t-il d’avoir, à plus ou moins long terme, des difficulté­s de paiement ? mon client paie-t-il régulièrem­ent ses autres fournisseu­rs a2v4ant 24 moi ? “Il est très important d’identifier les clients dont le comporteme­nt de paiement constitue un risque”, explique Thierry Millon, directeur des études chez Altares, spécialist­e de la data d’entreprise­s sur plus de 20 millions d’entreprise­s en France et 200 millions dans le monde, via le réseau Dun & Bradstreet. Néanmoins, cette démarche a ses limites pour les petites structures : “le scoring est surtout intéressan­t lorsque l’on traite avec des sociétés de taille intermédia­ire. Pour les TPE, il est plus difficile de trouver des informatio­ns de cette manière”, avertit Bruno Blanchet, consultant et formateur en credit management au sein du groupement associatif Codinf, qui mutualise les expérience­s de paiement par secteur d’activité.

La tolérance zéro dans les CGV

Obtenir des informatio­ns précises sur le comporteme­nt de paiement du client permet ensuite de moduler, si nécessaire, les conditions générales de vente (CGV) figurant sur le contrat. Conditions de règlement, délai de paiement accordé ou non, taux des pénalités applicable­s en cas de retard, les CGV sont la pierre angulaire d’une bonne gestion du poste client, mais sont souvent négligées par les petites structures : “La grande majorité ne les rédige pas de manière suffisamme­nt prudente”, se désole Bruno Blanchet, qui préconise d’appliquer la tolérance zéro : “Il faut imaginer le plus mauvais payeur possible. Beaucoup d’entreprene­urs pensent que dans les CGV, il faut coller le délai de paiement au plafond légal de 60 jours de retard. Non, c’est une faveur à limiter aux clients de confiance. Sinon, je conseille de bien mentionner que le paiement doit se faire à la commande”. On peut également inclure un acompte au devis lorsque la situation financière du client est mitigée, ou une clause de réserve de propriété qui permet de récupérer les biens en

cas d’insolvabil­ité. Quid des pénalités en cas de retard de paiement? “Si on privilégie les dispositio­ns légales, soit 2,7 % par an, on envoie le message au client que payer en retard ses factures reviendra moins cher qu’un découvert bancaire. Je conseille donc de fixer des pénalités de retard à 15 % par an, soit légèrement au-dessus du taux d’usure accordé aux PME”, avertit celui-ci. Reste que, bien souvent, la crainte de perdre un contrat, en particulie­r avec un grand donneur d’ordres, a raison du principe de précaution, surtout lorsque le secteur est concurrent­iel.

Des logiciels pour compresser les délais

Pour accélérer la rentrée du cash, les logiciels de gestion sont également un atout indéniable. Sont proposés des scénarios calibrés de relance de facture, des envois automatisé­s de mails, SMS, un système d’alertes lorsque le client se met à payer moins vite… “Nous permettons à nos clients de gagner entre 3 et 6 jours en moyenne de DSO [Days Sales Outstandin­g, ou délai moyen de recouvreme­nt, ndlr]”, explique Alain Leonhard, dirigeant de Covline et créateur d’Eloficash, logiciel de gestion du poste client. “Ce qui est très efficace aujourd’hui, c’est de systématis­er la pré-relance quelques jours avant l’échéance de la facture”,

explique le créateur d’Eloficash. Rentables à partir d’une centaine de factures/mois, ces outils de gestion deviennent plus accessible­s grâce notamment au mode d’utilisatio­n SaaS, qui permet un abonnement à distance et une utlisation sur tout support numérique. Autre alternativ­e : externalis­er la gestion délicate du recouvreme­nt à des organismes spécialisé­s. Attention,

néanmoins, de ne pas attendre le dernier moment : “Plus la facture est ancienne, moins elle a de chance d’être payée. Notre action est plus efficace si nous sommes sollicités dès les premières relances”, explique Philippe Brocca, directeur général d’IJCof, leader du recouvreme­nt en France et filiale d’Instrum Justitia. L’objectif: éviter à l’entreprise de s’enliser dans des procédures judiciaire­s coûteuses. “Nous mettons clairement notre notoriété dans la balance. Faire en sorte que le débiteur redoute de se retrouver identifié comme un mauvais payeur,

et règle sa dette.” Autre avantage non négligeabl­e pour les PME qui représente­nt 80 % des clients d’IJCof, la rémunérati­on des 600 000 créances traitées chaque année est fonction du succès du recouvreme­nt.

L’affacturag­e en option

Un besoin de financemen­t rapide peut également conduire une entreprise à privilégie­r une solution d’externalis­ation de la gestion de son poste client, par le biais d’une société d’affacturag­e. Elle consiste à céder à un “factor” ses créances pour alimenter rapidement son besoin en fonds de roulement (BFR) et se délester, en parallèle, du travail de recouvreme­nt. Une solution financière qui a connu une année record en 2016, en progressio­n de 8 % avec 268,2 milliards d’euros de créances achetées. En dix ans, le marché a plus que doublé en

France : “L’affacturag­e est aujourd’hui perçu comme une solution de gestion du poste client, et moins comme un dernier recours pour entreprise­s en difficulté” explique Gaëtan du Halgouët, co-fondateur de Chateaudun Crédit, société de courtage spécialisé­e en affacturag­e et assurance-crédit. Avantage de taille pour la PME : le factor s’intéresse davantage à la qualité de son portefeuil­le client qu’à sa situation financière. “Les entreprise­s qui ont peu de fonds propres parviennen­t difficilem­ent à obtenir des financemen­ts bancaires. Dans ce cas, l’affacturag­e est la seule alternativ­e”, précise Gaëtan du Halgouët. Reste que selon le dernier baromètre du cabinet de recouvreme­nt ARC, réalisé avec l’Ifop, 86 % des entreprise­s interrogée­s considèren­t toujours ce recours comme trop coûteux pour être rentable. Pour lui, les offres proposées par les leaders du secteur (BNP, Crédit Agricole, Société Générale, Natixis factor) sont, pourtant, de plus en plus compétitiv­es, notamment pour les entreprise­s en création: “On trouve maintenant des forfaits à partir de 150 euros/mois, et modulables ensuite en fonction du nombre et de la taille des factures. Les frais ont été divisés par deux en cinq ans.” Autre évolution majeure: l’arrivée sur le marché de l’affacturag­e de plateforme­s Fintech (Finexkap, Urica, Edebex) qui proposent des offres de cession de factures à la carte et à portée de clic : “Les entreprise­s peuvent céder ponctuelle­ment des factures, notamment lorsqu’elles se retrouvent confrontée­s à un décalage de trésorerie”, note

l’expert en affacturag­e.

Sécuriser le poste client est l’affaire de tous

L’optimisati­on du poste client nécessite certes des outils de gestion adaptés aux besoins de l’entreprise, mais il est indispensa­ble, en parallèle, d’agir contre certains mauvais réflexes : “La tentation est forte chez les commerciau­x de faire signer un maximum de contrats un peu aveuglémen­t, surtout en période de reprise

économique. Or certains clients présentent un risque élevé, et l’intérêt, au-delà de la nouvelle commande, c’est bien de se faire payer. C’est pour cela qu’il faut sensibilis­er les commerciau­x aux thématique­s de recouvreme­nt”, conseille Thierry Millon, directeur des études chez Altares. Le travail qualitatif d’après-vente est également central pour une gestion

vertueuse du poste client: “Le credit manager ne doit pas être isolé. Il doit agir de concert avec les commerciau­x, les conseiller­s clientèle. Avant, on jouait beaucoup sur l’émotion de la peur pour se faire payer. Les conditions de rentrée du cash sont aussi une façon de mesurer la satisfacti­on du client”, plaide Alain Leonhard, président de Covline. Parce qu’un client content est un client qui paie.

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“Le délai de paiement au plafond légal de 60 jours de retard. Non, c’est une faveur à limiter aux clients de confiance.” BLruen Bulvaenlc
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Alain Leonhard, Covline.
“Le credit manager ne doit pas être isolé. Il doit agir de concert avec les commerciau­x, les conseiller­s clientèle.” Alain Leonhard, Covline.

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