Création d’entreprise
Franchiseur-franchisé, le casting gagnant
Les cadres d’entreprises désireux de s’ouvrir à de nouveaux horizons professionnels ou de rebondir après un échec sont de plus en plus nombreux à tenter l’aventure de la franchise, moins difficile et risquée que de bâtir un projet ex nihilo. Pour autant, il est primordial pour se lancer dans les meilleures conditions de bien se renseigner, de ne pas choisir une activité par défaut et surtout de se connaître soi-même pour faire le bon choix de (sa nouvelle) carrière.
À un moment donné, on a besoin de se rassurer et à un autre de foncer !”,
affirme d’emblée Pascal Jeanney, ancien cadre supérieur dans la distribution, aujourd’hui directeur de deux enseignes de bricolage du groupe Mousquetaires dans les Vosges. “Il faut certes sonder le marché, réfléchir, mais c’est une belle aventure, avec un risque très maîtrisé.” Ce cadre sup’ passé notamment chez Danone et Castel a changé totalement de vie du jour au lendemain, il y a une quinzaine d’années, pour devenir directeur, en compagnie de son épouse, d’un Bricomarché et d’un Bricocash, Avant de développer un réseau en franchise, l’enseigne doit faire preuve de son expertise et de la fiabilité de son modèle économique deux magasins franchisés à Neufchateaux. Le système de la franchise est un partenariat entre une entreprise – le franchiseur –, avec d’autres entreprises – les franchisés – qui exploitent le concept et le savoirfaire mis au point par l’entité mère en portant son nom, sa marque. Si le concept moderne est né aux États-Unis dans l’entre-deuxp guerres, la France est le pays d’Europe où le système s’est le plus développé, avec aujourd’hui pas moins de 1 900 réseaux pour 1,3 million d’emplois occupés. L’intérêt pour le franchiseur est simple : assurer une représentation de la marque sur tout le territoire, ce qui est plus simple avec une franchise qu’avec une succursale. “Nous avons constaté que les franchisés sont très impliqués au quotidien, au plus près de leur clientèle”, estime Marie-Emmanuelle Ascensio, responsable du développement chez Tryba, qui compte 310 points de vente en France dont 180 concessionnaires. “Cela procure une représentation optimum.” Toutefois, avant de développer un réseau en franchises, l’enseigne doit faire preuve de son expertise et de la fiabilité de son modèle économique, puis se tester avec des centres pilotes. Arriver à maturité et proposer aux futurs franchisés un modèle économique fiable et attirant peut prendre un certain temps. “La franchise, dans le service ou la distribution, il y a une quinzaine d’années, c’était encore la méfiance”, se souvient Alain Rouziès, directeur du développement chez Adhap Services, une entreprise qui facilite le maintien à domicile des personnes
fragilisées. “Aujourd’hui, les banquiers sont beaucoup plus rassurés que si on part en indépendant ou en propre.” “Le terme de franchise regroupe aujourd’hui toutes les formes, il est devenu générique, expose Michel Kahn, ancien directeur de franchises et fondateur du cabinet Michel Kahn Consultants. Derrière ce terme, il y a une douzaine de formes différentes, avec des
spécificités, des particularités.” Il existe entre autres le système coopératif, le partenariat, la nouvelle concession, la nouvelle licence de marque (sans formation ni assistance), la commission affiliation, etc. Les candidats à la franchise doivent donc étudier quelle forme d’organisation leur est proposée et choisir le profil qui leur correspond le mieux, s’il en existe un. “Le candidat qui entre dans un système de management hiérarchique et vertical, s’il n’a pas le tempérament pour accepter cela, va au-devant de grandes difficultés”, avertit Michel Kahn. D’où réciproquement l’impératif pour le franchiseur d’éviter les erreurs de casting, car la réussite de l’entreprise dépend de celle de ses franchisés. Les personnes en reconversion, si elles ont souvent de l’expérience voire une certaine sagesse, auront avantage à se faire accompagner pour faciliter cette transition professionnelle. “La reconversion, ce
sont des gens qui ont en général entre 40 et 50 ans, qui ne peuvent pas forcément retrouver rapidement un emploi, témoigne Michel Kahn. Mais parfois, ils mettent deux ans pour l’accepter et le compteur tourne,
c’est dommage.” Bon nombre de candidats reconvertis dans la direction de magasins franchisés ont rebondi après la fin d’une première vie professionnelle en tant que cadres. Ce sont des professionnels expérimentés devant encore travailler et qui voient trois solutions se présentent à eux : créer une entreprise, en racheter une, ou intégrer le commerce indépendant organisé (dans lequel le créateur d’entreprise conserve indépendance juridique et autonomie de gestion). L’aide et l’assistance qui accompagnent cette troisième voie semblent en faire le plus grand réducteur de risque d’échec. “C’est la solution la plus confortable,
assure Michel Kahn. Mais il reste à jauger son caractère et sa capacité à se fondre dans ce système, à respecter toutes les méthodes, à respecter la duplication d’une réussite. Il faut avoir cette intelligence. Il faut obéir à tout ce qui a été fait par le franchiseur.” Une réalité qui dépend du système choisi par le futur franchisé, ou plutôt qui dépend du système choisi par la maison mère pour ses franchisés. “Je ne suis pas totalement dans un mode franchisé classique, qui laisse trop peu de place à l’initiative individuelle”, annonce Pascal Jeanney, qui consacre un tiers de sa semaine à la direction du
marketing du groupe. “Je connaissais par coeur les Mousquetaires à l’époque pour avoir travaillé avec eux. Ils ont toujours proposé un système de tiers-temps qui a pesé lourd dans ma décision.” Car pour attirer les entrepreneurs nouveaux, les franchiseurs ont plusieurs atouts dans leur manche. Les droits d’entrée et l’apport personnel financier en font partie, mais c’est avec leur capacité à bien accompagner, et donc à rassurer les nouveaux arrivants, que
les têtes de réseaux font la différence. La force d’un grand groupe est aussi de donner confiance
plus facilement. “Nous sommes des enseignes indépendantes mais nous avons aussi une ligne directrice, des moyens communs, une communication commune, éclaire Pascal
Jeanney. Ce n’est pas un saut dans le vide, c’est du trapèze avec filet.” “La marque Tryba est connue depuis des années, et avec le sérieux des produits, notre notoriété spontanée est de 72 %. Autant de points rassurants”, confirme Marie-Emmanuelle Ascensio. Autre chiffre donné par Tryba, quelque 20 % des mouvements de l’année vers la franchise proviendraient de commerciaux
du groupe souhaitant devenir
chefs d’entreprise. “C’est une source intéressante de candidats, mais nous assurons la réussite à tout le monde”,
ajoute-t-elle. Les groupes ne lâchent pas leurs franchisés dans la nature et maîtrisent au maximum leur parcours et leur formation pour pouvoir leur laisser la main sereinement par la suite. Avec des études de marché pour savoir où et comment s’implanter, les dossiers ne doivent rien laisser au hasard. C’est ce que propose les Mousquetaires avec
Promex, une filiale qui va aider à gérer et construire le projet. “C’est mieux qu’un cabinet de conseil car il y a une sensibilité métier, confie
Pascal Jeanney. La prestation d’une étude de marché sera d’autant plus fine et plus pertinente si elle est
récurrente.” La prise en main d’une nouvelle franchise est un processus qui peut prendre dans sa globalité entre un mois et un an. Les franchiseurs dispensent des formations théoriques pendant quelques semaines et beaucoup de rencontres ont lieu pour s’assurer que les deux parties font le bon choix. “Au-delà de 12 mois, je reste dubitatif car les gens s’installent dans le syndrome de l’analyse qui paralyse”, estime Michel Kahn. Chez Adhap Services, la création des nouveaux centres franchisés est également prise très au sérieux, avec de la formation puis de l’accompagnement. “Nous faisons de l’animation de terrain, assure Alain Rouziès. Et une équipe d’animateurs dédiés passe régulièrement dans les centres et les boutiques pour des actions de communications et veiller sur tous les indicateurs commerciaux, afin de maximiser la réussite des centres.” Tryba ne fonctionne pas différemment avec des entités de suivi qui se relaient comme la “cellule ouverture”, puis une animation réseau pour pérenniser les acquis. Tout est mis en oeuvre pour assurer la réussite du franchisé, et donc la pérennité de la marque.