Le Nouvel Économiste

Création d’entreprise

Franchiseu­r-franchisé, le casting gagnant

- BENJAMIN PRUNIAUX

Les cadres d’entreprise­s désireux de s’ouvrir à de nouveaux horizons profession­nels ou de rebondir après un échec sont de plus en plus nombreux à tenter l’aventure de la franchise, moins difficile et risquée que de bâtir un projet ex nihilo. Pour autant, il est primordial pour se lancer dans les meilleures conditions de bien se renseigner, de ne pas choisir une activité par défaut et surtout de se connaître soi-même pour faire le bon choix de (sa nouvelle) carrière.

À un moment donné, on a besoin de se rassurer et à un autre de foncer !”,

affirme d’emblée Pascal Jeanney, ancien cadre supérieur dans la distributi­on, aujourd’hui directeur de deux enseignes de bricolage du groupe Mousquetai­res dans les Vosges. “Il faut certes sonder le marché, réfléchir, mais c’est une belle aventure, avec un risque très maîtrisé.” Ce cadre sup’ passé notamment chez Danone et Castel a changé totalement de vie du jour au lendemain, il y a une quinzaine d’années, pour devenir directeur, en compagnie de son épouse, d’un Bricomarch­é et d’un Bricocash, Avant de développer un réseau en franchise, l’enseigne doit faire preuve de son expertise et de la fiabilité de son modèle économique deux magasins franchisés à Neufchatea­ux. Le système de la franchise est un partenaria­t entre une entreprise – le franchiseu­r –, avec d’autres entreprise­s – les franchisés – qui exploitent le concept et le savoirfair­e mis au point par l’entité mère en portant son nom, sa marque. Si le concept moderne est né aux États-Unis dans l’entre-deuxp guerres, la France est le pays d’Europe où le système s’est le plus développé, avec aujourd’hui pas moins de 1 900 réseaux pour 1,3 million d’emplois occupés. L’intérêt pour le franchiseu­r est simple : assurer une représenta­tion de la marque sur tout le territoire, ce qui est plus simple avec une franchise qu’avec une succursale. “Nous avons constaté que les franchisés sont très impliqués au quotidien, au plus près de leur clientèle”, estime Marie-Emmanuelle Ascensio, responsabl­e du développem­ent chez Tryba, qui compte 310 points de vente en France dont 180 concession­naires. “Cela procure une représenta­tion optimum.” Toutefois, avant de développer un réseau en franchises, l’enseigne doit faire preuve de son expertise et de la fiabilité de son modèle économique, puis se tester avec des centres pilotes. Arriver à maturité et proposer aux futurs franchisés un modèle économique fiable et attirant peut prendre un certain temps. “La franchise, dans le service ou la distributi­on, il y a une quinzaine d’années, c’était encore la méfiance”, se souvient Alain Rouziès, directeur du développem­ent chez Adhap Services, une entreprise qui facilite le maintien à domicile des personnes

fragilisée­s. “Aujourd’hui, les banquiers sont beaucoup plus rassurés que si on part en indépendan­t ou en propre.” “Le terme de franchise regroupe aujourd’hui toutes les formes, il est devenu générique, expose Michel Kahn, ancien directeur de franchises et fondateur du cabinet Michel Kahn Consultant­s. Derrière ce terme, il y a une douzaine de formes différente­s, avec des

spécificit­és, des particular­ités.” Il existe entre autres le système coopératif, le partenaria­t, la nouvelle concession, la nouvelle licence de marque (sans formation ni assistance), la commission affiliatio­n, etc. Les candidats à la franchise doivent donc étudier quelle forme d’organisati­on leur est proposée et choisir le profil qui leur correspond le mieux, s’il en existe un. “Le candidat qui entre dans un système de management hiérarchiq­ue et vertical, s’il n’a pas le tempéramen­t pour accepter cela, va au-devant de grandes difficulté­s”, avertit Michel Kahn. D’où réciproque­ment l’impératif pour le franchiseu­r d’éviter les erreurs de casting, car la réussite de l’entreprise dépend de celle de ses franchisés. Les personnes en reconversi­on, si elles ont souvent de l’expérience voire une certaine sagesse, auront avantage à se faire accompagne­r pour faciliter cette transition profession­nelle. “La reconversi­on, ce

sont des gens qui ont en général entre 40 et 50 ans, qui ne peuvent pas forcément retrouver rapidement un emploi, témoigne Michel Kahn. Mais parfois, ils mettent deux ans pour l’accepter et le compteur tourne,

c’est dommage.” Bon nombre de candidats reconverti­s dans la direction de magasins franchisés ont rebondi après la fin d’une première vie profession­nelle en tant que cadres. Ce sont des profession­nels expériment­és devant encore travailler et qui voient trois solutions se présentent à eux : créer une entreprise, en racheter une, ou intégrer le commerce indépendan­t organisé (dans lequel le créateur d’entreprise conserve indépendan­ce juridique et autonomie de gestion). L’aide et l’assistance qui accompagne­nt cette troisième voie semblent en faire le plus grand réducteur de risque d’échec. “C’est la solution la plus confortabl­e,

assure Michel Kahn. Mais il reste à jauger son caractère et sa capacité à se fondre dans ce système, à respecter toutes les méthodes, à respecter la duplicatio­n d’une réussite. Il faut avoir cette intelligen­ce. Il faut obéir à tout ce qui a été fait par le franchiseu­r.” Une réalité qui dépend du système choisi par le futur franchisé, ou plutôt qui dépend du système choisi par la maison mère pour ses franchisés. “Je ne suis pas totalement dans un mode franchisé classique, qui laisse trop peu de place à l’initiative individuel­le”, annonce Pascal Jeanney, qui consacre un tiers de sa semaine à la direction du

marketing du groupe. “Je connaissai­s par coeur les Mousquetai­res à l’époque pour avoir travaillé avec eux. Ils ont toujours proposé un système de tiers-temps qui a pesé lourd dans ma décision.” Car pour attirer les entreprene­urs nouveaux, les franchiseu­rs ont plusieurs atouts dans leur manche. Les droits d’entrée et l’apport personnel financier en font partie, mais c’est avec leur capacité à bien accompagne­r, et donc à rassurer les nouveaux arrivants, que

les têtes de réseaux font la différence. La force d’un grand groupe est aussi de donner confiance

plus facilement. “Nous sommes des enseignes indépendan­tes mais nous avons aussi une ligne directrice, des moyens communs, une communicat­ion commune, éclaire Pascal

Jeanney. Ce n’est pas un saut dans le vide, c’est du trapèze avec filet.” “La marque Tryba est connue depuis des années, et avec le sérieux des produits, notre notoriété spontanée est de 72 %. Autant de points rassurants”, confirme Marie-Emmanuelle Ascensio. Autre chiffre donné par Tryba, quelque 20 % des mouvements de l’année vers la franchise proviendra­ient de commerciau­x

du groupe souhaitant devenir

chefs d’entreprise. “C’est une source intéressan­te de candidats, mais nous assurons la réussite à tout le monde”,

ajoute-t-elle. Les groupes ne lâchent pas leurs franchisés dans la nature et maîtrisent au maximum leur parcours et leur formation pour pouvoir leur laisser la main sereinemen­t par la suite. Avec des études de marché pour savoir où et comment s’implanter, les dossiers ne doivent rien laisser au hasard. C’est ce que propose les Mousquetai­res avec

Promex, une filiale qui va aider à gérer et construire le projet. “C’est mieux qu’un cabinet de conseil car il y a une sensibilit­é métier, confie

Pascal Jeanney. La prestation d’une étude de marché sera d’autant plus fine et plus pertinente si elle est

récurrente.” La prise en main d’une nouvelle franchise est un processus qui peut prendre dans sa globalité entre un mois et un an. Les franchiseu­rs dispensent des formations théoriques pendant quelques semaines et beaucoup de rencontres ont lieu pour s’assurer que les deux parties font le bon choix. “Au-delà de 12 mois, je reste dubitatif car les gens s’installent dans le syndrome de l’analyse qui paralyse”, estime Michel Kahn. Chez Adhap Services, la création des nouveaux centres franchisés est également prise très au sérieux, avec de la formation puis de l’accompagne­ment. “Nous faisons de l’animation de terrain, assure Alain Rouziès. Et une équipe d’animateurs dédiés passe régulièrem­ent dans les centres et les boutiques pour des actions de communicat­ions et veiller sur tous les indicateur­s commerciau­x, afin de maximiser la réussite des centres.” Tryba ne fonctionne pas différemme­nt avec des entités de suivi qui se relaient comme la “cellule ouverture”, puis une animation réseau pour pérenniser les acquis. Tout est mis en oeuvre pour assurer la réussite du franchisé, et donc la pérennité de la marque.

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représenta­tion optimum.” Marie-Emmanuelle Ascensio, Tryba.
“Nous avons constaté que les franchisés sont très impliqués au quotidien, au plus près de leur clientèle. Cela procure une représenta­tion optimum.” Marie-Emmanuelle Ascensio, Tryba.
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de place à l’initiative individuel­le.” Pascal Jeanney, groupe Mousquetai­res.
“Je ne suis pas totalement dans un mode franchisé classique, qui laisse trop peu de place à l’initiative individuel­le.” Pascal Jeanney, groupe Mousquetai­res.

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