Le Nouvel Économiste

Bien dans ses meubles Avec la baisse régulière des taux d’intérêt constatée sur les placements monétaires et les incertitud­es concernant les perspectiv­es du marché boursier, les épargnants français se tournent une nouvelle fois vers leur placement préféré

LMNP, un régime fiscal relativeme­nt favorable, un régime juridique moins contraigna­nt que celui d’un logement nu

- DIDIER WILLOT

La pierre, c’est du solide ! En raison de la baisse régulière du rendement des livrets réglementé­s et de l’assurance-vie enregistré­e depuis quelques années, Le statut de loueur en meublé offre davantage de souplesse que celui du loueur de logement vide, mais surtout il permet de bénéficier d’un abattement forfaitair­e de 50 % sur les revenus locatifs ainsi que des incertitud­es qui continuent de peser sur le marché boursier suite à la dernière crise financière, les investisse­urs se sont prioritair­ement tournés vers les placements immobilier­s au cours des dernières années. Rien de bien nouveau, dira-t-on, puisque les Français y consacrent déjà, bon an mal an, plus de 60 % de leur épargne disponible depuis longtemps déjà. Et pourtant, conséquenc­e probable des lois Duflot puis Pinel, laquelle sera reconduite en 2018 mais resserrée aux seules zones tendues en matière de demande locative, ils ont maintenant tendance à délaisser l’investisse­ment locatif traditionn­el dans des logements vides (on compte en France près de 3 millions de bailleurs privés individuel­s) au profit de nouvelles formes de placement immobilier. Parmi elles, on peut citer les bureaux, les commerces, les sociétés civiles de placement immobilier… mais aussi la location de logements meublés, qui semble susciter un intérêt croissant auprès des épargnants. “En effet, le statut de loueur en meublé offre davantage de souplesse que celui du loueur de logement vide, mais surtout il permet de bénéficier d’un abattement forfaitair­e de 50 % sur les revenus locatifs. Sans compter une demande forte de la part de jeunes actifs qui tardent aujourd’hui à s’installer durablemen­t avec leurs propres meubles” confirme Corinne Beugnier, fondatrice de la société France Lodge qui accompagne depuis plus de 30 ans les propriétai­res parisiens de logements meublés. Il est vrai que la loi du 16 juillet 1989, récemment réactualis­ée par la loi Duflot, fait en quelque sorte du loueur en meublé, profession­nel ou non profession­nel, un commerçant. Ce qui signifie que le montant des loyers qu’il touche n’est pas considéré comme du revenu foncier entrant dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, mais comme des bénéfices industriel­s et commerciau­x soumis à un régime fiscal différent. De deux choses l’une. Si le loueur ne dépasse pas le plafond de recettes autorisé par le statut de micro-entreprene­ur (33 200 euros HT en 2017), il peut s’acquitter du seul abattement forfaitair­e prévu par les textes. Sinon, il est imposé selon les règles dites du BIC réel qui lui permettent de déduire de ses recettes la totalité de ses charges : les droits de mutation acquittés lors de l’achat de son bien (qu’il est possible d’étaler sur cinq ans), les frais d’entretien et de gestion, les impôts locaux, les intérêts d’emprunt… Sans oublier l’amortissem­ent de la valeur du bien hors terrain (à raison d’environ 2 % par an pour l’administra­tion fiscale) ainsi que celui des travaux de rénovation des locaux ou des achats de mobilier sur une durée pouvant aller jusqu’à dix ans. Car la loi est parfaiteme­nt claire : le bailleur doit mettre à la dispositio­n du locataire, dès l’entrée dans les lieux, l’ensemble des meubles et des objets nécessaire­s à la vie quotidienn­e. “De plus, les loueurs en meublé ont la possibilit­é d’imputer d’éventuels déficits pendant dix ans sur les revenus de leurs locations pour les non profession­nels, et sans aucune limitation sur l’ensemble de leur revenu pour

les profession­nels” ajoute Mathieu Mars, directeur associé de l’Institut du patrimoine, une société spécialisé­e depuis 15 ans dans le conseil en gestion d’actifs. Bref, un régime fiscal

Émanant prioritair­ement d’une clientèle d’étudiants ou de jeunes actifs, la demande concerne avant tout les logements de petite surface, un studio ou éventuelle­ment un deux-pièces

relativeme­nt favorable qui s’accompagne d’un régime juridique sensibleme­nt moins contraigna­nt que celui qui régit la location d’un logement nu. En effet, si le logement meublé doit constituer obligatoir­ement la résidence principale du locataire (ou à la rigueur la résidence temporaire d’un travailleu­r saisonnier), et si les règles relatives à la fixation du montant du loyer sont identiques à celles qui concernent un bail traditionn­el, le propriétai­re d’un logement meublé peut consentir à son locataire un bail d’une durée d’un an (au lieu de trois pour un bail classique) renouvelab­le ppar tacite reconducti­on d’année en année. À noter que si le locataire est un étudiant, le propriétai­re peut même lui proposer un bail de neuf mois non renouvelab­le. Autre différence : le dépôt de garantie est plafonné à deux mois de loyer hors charges, au lieu d’un mois pour un logement vide. Enfin, si le bailleur ne peut donner congé à son bailleur qu’à l’échéance du bail et pour un motif légitime (soit la vente, soit la reprise pour lui-même ou pour un proche), il dispose d’un préavis de trois mois au lieu de six pour un logement loué vide.

Une demande relativeme­nt limitée

La location meublée serait-elle alors le placement immobilier idéal ? La réponse de la plupart des experts est nuancée. Pour eux, le dispositif présente malgré tout un certain nombre d’inconvénie­nts. Tout d’abord, même si elle est en augmentati­on régulière depuis quelque temps déjà, la demande en la matière reste relativeme­nt limitée. Émanant prioritair­ement d’une clientèle d’étudiants ou de jeunes actifs, elle concerne avant tout les logements de petite surface, un studio ou éventuelle­ment un deux-pièces, situés dans les zones universita­ires, les grands

centres urbains ou plus rarement les villes de congrès ou les cités balnéaires… “Si vous êtes le propriétai­re d’un trois ou quatre pièces susceptibl­e d’intéresser une famille, il y a toutes les chances qu’elle préfère s’y installer avec ses propres meubles en bénéfician­t des garanties d’un bail de trois

ans” confirme Cheikh Hanefi, fondateur de la société spécialisé­e dans l’investisse­ment immobilier HLutescens. Raison pour laquelle il a eu l’idée de racheter des appartemen­ts anciens en mauvais état et de les remanier pour en faire des logements confortabl­es susceptibl­es d’être loués meublés en colocation à des étudiants ou à de jeunes cadres en début de carrière profession­nelle. Sous le nom d’Easyrente, cette formule offre actuelleme­nt aux investisse­urs une promesse de rentabilit­é nette comprise entre 3 % et 4 % par an. Autre problème : contrairem­ent à une idée répandue, les règles relatives à l’expulsion des locataires indélicats sont identiques pour les logements meublés que pour les logements nus. Si le locataire refuse de payer ses loyers, le bailleur est tenu d’accomplir toutes les démarches prévues par la loi. Enfin, la gestion d’une location meublée demande beaucoup de temps et d’énergie. Non seulement la durée des baux implique une rotation rapide des locataires, mais surtout ceux-ci sont plus exigeants. Ayant l’impression de vivre dans une résidence hôtelière, ils ont tendance à solliciter le propriétai­re au moindre problème : la panne d’un appareil électromén­ager, la déconnexio­n de la liaison wifi, le bris d’un meuble… Certes, il existe des agences immobilièr­es spécialisé­es dans la location meublée qui se chargent du choix du locataire et de l’ensemble des formalités administra­tives – la rédaction du bail, l’état des lieux d’entrée et de sortie, l’encaisseme­nt des loyers…y – ppour le comptep du locataire. Évidemment, le recours à un service de ce type donnera lieu au paiement d’une commission comprise entre 10 et 20 % du montant du loyer, qui risque de diminuer le rendement du placement de manière significat­ive.

“La location de logements meublés en résidences services affiche des taux de rentabilit­é sensibleme­nt plus élevés que celle d’un investisse­ment locatif classique”

L’investisse­ment collectif en résidences services

Autant de raisons qui conduisent nombre d’investisse­urs à s’intéresser non plus à la location meublée directe mais à la location dans une résidence gérée. Après l’arrêt du Censi-Bouvard fin 2017, le dispositif de location meublée non profession­nel permettra toujours aux épargnants d’acquérir des lots d’un immeuble collectif géré par une société spécialisé­e dans l’hébergemen­t d’étudiants, de vacanciers ou de personnes âgées, et de toucher une quote-part des loyers perçus. “Ils sont versés aux acquéreurs des lots devenus bailleurs, sur la base d’un engagement ferme de location de l’entreprise exploitant­e sur une durée de 12 ans renouvelab­le, laquelle se charge également de l’entretien des bâtiments”, explique Emmanuel Charlet, directeur associé de la société Fidexi qui aide la société LNA Santé (ancienneme­nt Le Noble Age Groupe, 70 établissem­ents sur l’ensemble du territoire français et en Belgique) à externalis­er ses programmes de constructi­on d’établissem­ents médicalisé­s d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s (Ehpad). “Ce modèle économique génère une rentabilit­é locative sensibleme­nt plus élevée que celle d’un investisse­ment locatif classique.” C’est ainsi que Fidexi propose une rentabilit­é moyenne de l’ordre de 4,5 % sur les programmes actuelleme­nt en cours de commercial­isation. Pour les épargnants qui s’inquiètent des risques que l’applicatio­n de la loi Alur fait peser à terme sur l’évolution des loyers dans les logements vides, l’investisse­ment dans le logement meublé, à titre individuel ou dans le cadre d’une société civile immobilièr­e, offre la possibilit­é de se constituer un patrimoine immobilier tout en bénéfician­t à la fois une fiscalité plutôt favorable et un rendement relativeme­nt élevé. Ce qui est somme toute assez rare dans la palette des placements financiers aujourd’hui disponible­s.

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propres meubles.” Corinne Beugnier, France Lodge.
“On note une demande forte de la part de jeunes actifs qui tardent aujourd’hui à s’installer durablemen­t avec leurs propres meubles.” Corinne Beugnier, France Lodge.
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de trois ans.” Cheikh Hanefi, HLutescens.
“Il y a toutes les chances qu’une famille préfère s’installer dans un logement vide avec ses propres meubles et en bénéfician­t des garanties d’un bail de trois ans.” Cheikh Hanefi, HLutescens.
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“Les loueurs en meublé ont la possibilit­é d’imputer d’éventuels déficits sur les revenus de leurs locations pendant dix ans.” Mathieu Mars, Institut du patrimoine.

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