Le Nouvel Économiste

Pinel concentré L’immobilier est la valeur refuge privilégié­e pour les épargnants. Depuis 2014, le dispositif Pinel conjugue l’investisse­ment immobilier avec une défiscalis­ation de l’impôt sur le revenu. Cette mesure soutient aussi activement la construct

Le Pinel est reconduit pour 4 ans, mais les zones les moins tendues seront exclues du dispositif. Une fausse bonne idée ?

- INGRID GODARD

Les lois Périssol, de Robien, Borloo, Scellier, Duflot et désormais Pinel ont offert des avantages fiscaux aux investisse­urs dans l’immobilier neuf. Cette dernière mesure connaît un vif succès auprès de particulie­rs et a permis de doper la constructi­on. “Sur les premiers sept mois de l’année, les mises en chantier de logements ont progressé de 8,9 %. La tendance 2017 affiche une hausse de 5,5 % s’agissant des autorisati­ons et de 8,9 % s’agissant des mises en chantier, pour un total attendu de 400 000 logements neufs à la fin de l’année 2017, contre 357 000 unités au cours de la période 1980-2016” précise la Fédération française du bâtiment. Pour chaque investisse­ur, une opération Pinel est réalisable sur deux logements par an, dans la limite de 300 000 euros d’investisse­ment total et de 5 500 euros du m² habitable. “Le but de la loi Pinel est de soutenir l’investisse­ment locatif en France par les ménages privés dans le logement locatif intermédia­ire, avec des loyers calibrés en dessous du

marché qui permettent de mieux se loger avec des consommati­ons énergétiqu­es réduites” assure Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobilier­s. La loi Pinel définit quatre zones – A bis, A, B1, B2 – suivant le degré de tension du marché immobilier, et les zones rurales sont classées en C. Avec la mouture 2018 du dispositif, les zones B2 et C, qui pouvaient être rendues éligibles de façon dérogatoir­e, seront exclues, dès janvier 2018 pour les zones C, et janvier 2019 pour les zones B2. Le gouverneme­nt veut en effet “recentrer le dispositif pour le rendre plus efficace”.

La localisati­on conditionn­e la réussite

Jusqu’à la fin de l’année, il est encore possible de défiscalis­er dans de nombreuses villes de province. Si ces offres peuvent paraître alléchante­s, “il faut rester prudent et garder du bon sens, met en garde Loïc Ollivier, directeur régional de la prescripti­on du promoteur Sedelka-Europrom. La proximité des commerces, des transports, des écoles, le prix à la revente et le potentiel élevé de locataires est à étudier. L’emplacemen­t, c’est le critère numéro un. Il vaut mieux débourser un peu plus et être bien placé. C’est un atout indéniable pour la revente et pour louer rapidement.” La loi Pinel permet aux investisse­urs de bénéficier d’une déduction d’impôts modulable en fonction de la durée de location choisie. Louer pendant 9 ans ouvre le droit à 18 % de défiscalis­ation sur le montant du bien, et louer pendant 12 ans à 21 %. L’engagement locatif sur 6 ans permet 12 % de défiscalis­ation. Pour en profiter, la première location doit intervenir dans l’année qui suit l’achèvement des travaux ou l’acquisitio­n du logement. Si logement peut être loué à un ascendant ou un descendant, les loyers restent encadrés et les locataires soumis à un plafonneme­nt du revenu. Quand le locataire donne congé, il est nécessaire d’en retrouver un dans un délai d’un an car au-delà, l’administra­tion fiscale demande le remboursem­ent de l’avantage obtenu depuis l’origine. Pourtant certains promoteurs veulent rassurer leurs investisse­urs et invoquent les assurances “carence et vacance locative”, qui garantisse­nt le paiement des loyers. “Les sommes perçues au titre de cette assurance ne sont pas considérée­s par le fisc comme des loyers,

poursuit Loïc Ollivier. La meilleure assurance contre la vacance locative est l’attractivi­té du logement. Mais aussi le ratio propriétai­re occupant et investisse­urs dans la résidence, pour une copropriét­é saine et un entretien des parties communes. Chez Sedelka-Europrom, nous veillons à maintenir l’équilibre avec 60 % maximum d’investisse­urs dans nos programmes.” Pour ceux qui ne souhaitent pas connaître le stress de la gestion locative et qui disposent d’une somme limitée, l’achat de parts dans une société civile de placement immobilier (SCPI) fiscale est aussi une solution. “Par ce moyen, on délègue l’intégralit­é des contrainte­s locatives et de gestion, explique Arnaud Dewachter, délégué général de l’Associatio­n française des sociétés de placement immobilier. L’avantage de la

Avec la mouture 2018 du dispositif, les zones B2 et C, qui pouvaient être rendues éligibles de façon dérogatoir­e, seront exclues, dès janvier 2018 pour les zones C, et janvier 2019 pour les zones B2. Le gouverneme­nt veut en effet “recentrer le dispositif pour le rendre plus efficace”

“Cette nouvelle limite concentrer­a les habitants en couronne des agglomérat­ions, probableme­nt au détriment de la qualité de vie des individus et de l’activité économique”

SCPI Pinel est son ticket d’entrée, il est beaucoup plus modeste que le moindre petit studio.”

Une rentabilit­é parfois aléatoire

Jean-Michel Ciuch, directeur général d’Immo G Consulting, estime que le Pinel peut être risqué pour les épargnants qui ne sont pas initiés, car les taux de rendements peuvent être en dessous de la

norme. “Beaucoup pensent qu’il y a une garantie de l’État, ce qui est faux. Le dispositif Pinel n’est pas avantageux car il impose une grille de loyers plafonds par zone géographiq­ue, mais un seul prix de vente plafond de 5 500 euros/m² qui s’applique uniforméme­nt à l’ensemble des zones. Dans les zones peu tendues, les prix de vente sont parfois tellement supérieurs aux prix du marché que la revente risque de se faire à perte. Quant aux économies d’impôt attendues, elles sont parfois compensées par des taxes foncières élevées et des charges de copropriét­é

conséquent­es. De plus, dans de nombreuses villes, les loyers constatés peuvent être en deçà de 30 % de la grille de loyers Pinel édictée selon les zones géographiq­ues.” Pour Jean Michel Ciuch, le resserreme­nt du dispositif Pinel ne contribuer­a pas à diminuer la ségrégatio­n et la précarisat­ion spatiale et sociale en zones immobilièr­es tendues, car “dans les secteurs résidentie­ls recherchés, les loyers plafonds Pinel sont inférieurs aux loyers moyens de marché, pareil pour le prix de vente unique applicable qui est inférieur au prix moyen du marché. Les promoteurs conservent ce foncier pour la constructi­on de programmes libres, sans contrainte­s de fixation de loyers et de prix”.

Grandes villes contre province

Belfort, Calais, Le Mans, Pau, Angers, Béziers, Quimper, Concarneau, Gap, ou encore Dunkerque font partie des 42 villes écartées du dispositif à compter du 1er janvier 2018. “La suppressio­n du prêt à taux zéro (PTZ) et du Pinel dans les zones B2 et C éliminera près de 50 000 opérations d’accession à la propriété et reviendra à abandonner 34 000 communes, où vivent 60 % de la population française, s’inquiète Pascal Thouroude, responsabl­e commercial pour le promoteur normand Edifidès. Cela va clairement sinistrer des communes et des régions où la demande est bien réelle. Cette nouvelle limite concentrer­a les habitants en couronne des agglomérat­ions, probableme­nt au détriment de la qualité de vie des individus et de l’activité économique.” Même avis pour Alexandra François-Cuxac, qui estime que “la prolongati­on en l’état pendant quatre ans du dispositif Pinel et du PTZ en zones tendues est une très bonne nouvelle, puisqu’ils sont indispensa­bles dans ces territoire­s à forte demande. Les zones détendues exclues en 2018 auraient dû en revanche faire l’objet d’une analyse au cas par cas, afin de tenir compte des spécificit­és et des évolutions de ces territoire­s”. Pour les élus, c’est une mauvaise nouvelle. Hervé Morin, président de la région Normandie, ne comprend pas ces économies gouverneme­ntales, “c’est une mesure assez curieuse qui considère à tort qu’en zone rurale, il n’y a pas besoin de soutenir le logement. Il y a des déficits en logements de bonne qualité thermique et en logements modernes. Maintenir les aides en zone B2 et C dérogatoir­e, ce n’est pas mettre de l’argent pas les fenêtres, c’est répondre à des demandes fortes en matière locative et maintenir les jeunes foyers dans nos régions. Mais c’est aussi dynamiser l’emploi dans le bâtiment. Un logement neuf, c’est 1,6 emploi direct, qui participe au soutien des filières économique­s et de la vie en province.”

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du logement.” Loïc Ollivier, Sedelka-Europrom.
“La meilleure assurance contre la vacance locative est l’attractivi­té du logement.” Loïc Ollivier, Sedelka-Europrom.
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président de la région Normandie.
“Maintenir les aides en zone B2 et C dérogatoir­e, ce n’est pas mettre de l’argent pas les fenêtres, c’est répondre à des demandes fortes en matière locative et maintenir les jeunes foyers dans nos régions.” Hervé Morin, président de la région Normandie.
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“La suppressio­n du prêt à taux zéro et du Pinel dans les zones B2 et C éliminera près de 50 000 opérations d’accession à la propriété.” Pascal Thouroude, Edifidès.

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