Conversion philanthrope
42% des Français ne soutiennent financièrement aucune association : qui sont-ils et comment les convertir à la générosité solidaire ?
Dans un contexte économique difficile, le secteur associatif n’est pas épargné. Si les dons progressent chaque année, les nouveaux donateurs, eux, se font rares. Aujourd’hui, la moitié des Français apporte son soutien financier à des associations. Pour l’autre moitié, la baisse du pouvoir d’achat, le manque de transparence mais aussi l’absence de proximité avec une cause à défendre représentent des freins aux dons. Pour les associations et les fondations, un travail de fond est à effectuer, notamment auprès des plus jeunes. Ces derniers donnent peu et pour les attirer, de nouveaux modes de collecte se développent. Mais un effort de communication sur l’usage des dons récoltés et les résultats des actions menés est également essentiel.
La France traverse une période économique morose mais qu’importe, les Français restent généreux avec les associations et les fondations. Une générosité financière qui a même continué de progresser en 2016 (+2,5 %), selon En 2016, les donateurs fidèles ont ainsi représenté 92 % de la collecte globale, selon France Générosités. Un chiffre qui interroge sur les raisons de la frilosité à donner d’une moitié des Français le dernier baromètre du syndicat professionnel France Générosités paru début octobre. Mais cette augmentation des dons, ce surplus de générosité, le secteur associatif le doit aux donateurs existants qui, une fois encore, ont mis un peu plus la main à la poche pour soutenir de nobles causes. À l’occasion de la journée internationale de la charité le 5 septembre 2017, Nolwenn Poupon, porte-parole de France Générosités, avait insisté sur ce constat : “les associations ont des difficultés à trouver de nouveaux donateurs”. Selon une enquête récente réalisée par Kantar Public, 58 % des Français déclarent soutenir financièrement des associations et fondations et 46 % donnent au moins une fois par an. Mais ces chiffres n’évoluent guère. “Recruter de nouveaux donateurs, c’est un peu le Graal pour toutes les associations, estime Majda Devienne, responsable du développement des ressources de Solidarités Laïques. Heureusement que nous avons des donateurs fidèles. Quand il y a besoin d’un renfort de générosité, ce sont bien souvent eux qui font un geste.” Nombreuses sont en effet les structures associatives à s’appuyer sur un vivier de fidèles. Acat, l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort, compte “environ 25 000 fidèles donateurs qui ont donné au
cours des 24 derniers mois”. “Chez nous, le don moyen annuel est d’environ 70 euros, confie Jean-Étienne
de Linares, délégué général. Cela nous permet d’estimer nos ressources sans dépendre de subventions ou de gros donateurs plus occasionnels et difficilement prévisibles.”
Gagner la confiance
En 2016, les donateurs fidèles ont ainsi représenté 92 % de la collecte globale, selon France Générosités. Un chiffre qui interroge sur les raisons de la frilosité à donner d’une moitié des Français. Trois raisons principales émergent : les doutes sur les usages faits des dons récoltés, le fait de ne pas avoir soi-même assez d’argent pour donner, et le fait de préférer garder son argent pour sa famille. La question de la transparence est particulièrement prégnante. Certains scandales ont laissé des marques manifestement indélébiles dans l’esprit du grand public. Pour Majda Devienne de Solidarités Laïques, “la transparence n’est pas un problème pour les grosses associations bien connues du
public. En revanche, c’est une question importante quand il s’agit de petites structures. Les gens se disent ‘je ne connais pas cette association, je ne sais pas ce qu’elle fait’. La confiance des gens se gagne”. “La transparence est capitale, affirme Jean-Louis Da Costa, directeur de la communication et du développement de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). C’est une règle majeure qui passe par des règles strictes de contrôle. À ce titre, une grande partie des associations et fondations adhèrent au Comité de la charte.
C’est notre cas.” Fondé en 1989 par 18 grandes associations et fondations sociales et humanitaires françaises, le Comité de la charte a pour objectif de créer une relation de confiance avec le public concernant les moyens de collecte des dons et legs et l’utilisation qui en était faite. Les 88 associations et fondations actuellement adhérentes acceptent de se soumettre au contrôle du comité, afin d’assurer la transparence de l’usage des dons dont elles sont bénéficiaires, et le respect par chacun de ses membres d’une charte de déontologie commune.
Faire savoir et proximité
Communiquer régulièrement sur l’utilisation des fonds, les actions
menées et les résultats obtenus est aussi primordial pour inciter le grand public à soutenir financièrement des causes aussi variées que l’aide et la protection de l’enfance, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ou encore le soutien à la recherche médicale. “Nous publions nos comptes sur notre site. Tout le monde peut y avoir accès et connaître nos missions et nos dépenses, détaille Majda Devienne. Par ailleurs, nous expliquons de manière pédagogique à quoi servent nos ressources. Toutes ces actions renforcent l’adhésion.” Même écho à
l’ICM : “Nous organisons régulièrement des réunions et des rencontres avec nos donateurs afin de leur présenter
nos actions et nos résultats. C’est stimulant pour le don.”
La proximité de la cause joue également un rôle prépondérant. Une étude sur les non-donateurs réalisée en 2011 par Mediaprism Group révélait que 58 % des
non-donateurs seraient incités à donner si c’était pour une association dont la cause les touchait personnellement ou quelqu’un de leur famille. Un résultat largement corroboré par les acteurs du secteur associatif. “Il y a une forte corrélation entre la maladie ou la proximité de la maladie et l’acte de don, convient Jean-Louis
Da Costa de l’ICM. La maladie est bien souvent au coeur des préoccupations de nos donateurs.” “Notre action se porte sur l’éducation et du coup, nous comptons beaucoup d’enseignants actifs ou à la retraite parmi nos donateurs, explique pour sa part Majda Devienne. Quand l’éducation a fait beaucoup pour une personne, celle-ci décide parfois de rendre la pareille en s’investissant ou en donnant de l’argent.”
Les jjeunes, un public à conquérir
Pour Franck Hourdeau, directeur général associé chez Mediaprism
Group, “les non-donateurs se divisent en deux populations : ‘les irréductibles’ qui ne franchiront pas la barrière du don, et les ‘espoirs’ qui sont finalement des donateurs potentiels avec lesquels les associations doivent apprendre à communiquer”. Principale cible : les jeunes. Et pour cause : en 2016, 29 % des donateurs avaient 65 ans et plus et les 25-34 ans ne représentaient que 12 %. “Les jeunes ne veulent pas simplement donner de l’argent, ils veulent participer activement, observe Majda Devienne de Solidarités Laïques. Prenons l’exemple de la course Odyssea : les gens payent pour participer à la course et ainsi soutenir la lutte contre le cancer du sein. Avec les jeunes, c’est une démarche différente, un cheminement plus long.” “La question est ‘comment s’adresser à la jeunesse qui ne s’engage pas sous forme de dons ?’ Il nous faut revoir notre communication mais aussi nos outils”, souligne Jean-Louis Da Costa. Et d’ajouter : “le digital est évidemment une des clés”. Sites Internet
Le Comité de la charte a pour objectif de créer une relation de confiance avec le public concernant les moyens de collecte des dons et legs et l’utilisation qui en était faite