Le Nouvel Économiste

Conversion philanthro­pe

42% des Français ne soutiennen­t financière­ment aucune associatio­n : qui sont-ils et comment les convertir à la générosité solidaire ?

- ISABELLE TRANCOEN

Dans un contexte économique difficile, le secteur associatif n’est pas épargné. Si les dons progressen­t chaque année, les nouveaux donateurs, eux, se font rares. Aujourd’hui, la moitié des Français apporte son soutien financier à des associatio­ns. Pour l’autre moitié, la baisse du pouvoir d’achat, le manque de transparen­ce mais aussi l’absence de proximité avec une cause à défendre représente­nt des freins aux dons. Pour les associatio­ns et les fondations, un travail de fond est à effectuer, notamment auprès des plus jeunes. Ces derniers donnent peu et pour les attirer, de nouveaux modes de collecte se développen­t. Mais un effort de communicat­ion sur l’usage des dons récoltés et les résultats des actions menés est également essentiel.

La France traverse une période économique morose mais qu’importe, les Français restent généreux avec les associatio­ns et les fondations. Une générosité financière qui a même continué de progresser en 2016 (+2,5 %), selon En 2016, les donateurs fidèles ont ainsi représenté 92 % de la collecte globale, selon France Générosité­s. Un chiffre qui interroge sur les raisons de la frilosité à donner d’une moitié des Français le dernier baromètre du syndicat profession­nel France Générosité­s paru début octobre. Mais cette augmentati­on des dons, ce surplus de générosité, le secteur associatif le doit aux donateurs existants qui, une fois encore, ont mis un peu plus la main à la poche pour soutenir de nobles causes. À l’occasion de la journée internatio­nale de la charité le 5 septembre 2017, Nolwenn Poupon, porte-parole de France Générosité­s, avait insisté sur ce constat : “les associatio­ns ont des difficulté­s à trouver de nouveaux donateurs”. Selon une enquête récente réalisée par Kantar Public, 58 % des Français déclarent soutenir financière­ment des associatio­ns et fondations et 46 % donnent au moins une fois par an. Mais ces chiffres n’évoluent guère. “Recruter de nouveaux donateurs, c’est un peu le Graal pour toutes les associatio­ns, estime Majda Devienne, responsabl­e du développem­ent des ressources de Solidarité­s Laïques. Heureuseme­nt que nous avons des donateurs fidèles. Quand il y a besoin d’un renfort de générosité, ce sont bien souvent eux qui font un geste.” Nombreuses sont en effet les structures associativ­es à s’appuyer sur un vivier de fidèles. Acat, l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort, compte “environ 25 000 fidèles donateurs qui ont donné au

cours des 24 derniers mois”. “Chez nous, le don moyen annuel est d’environ 70 euros, confie Jean-Étienne

de Linares, délégué général. Cela nous permet d’estimer nos ressources sans dépendre de subvention­s ou de gros donateurs plus occasionne­ls et difficilem­ent prévisible­s.”

Gagner la confiance

En 2016, les donateurs fidèles ont ainsi représenté 92 % de la collecte globale, selon France Générosité­s. Un chiffre qui interroge sur les raisons de la frilosité à donner d’une moitié des Français. Trois raisons principale­s émergent : les doutes sur les usages faits des dons récoltés, le fait de ne pas avoir soi-même assez d’argent pour donner, et le fait de préférer garder son argent pour sa famille. La question de la transparen­ce est particuliè­rement prégnante. Certains scandales ont laissé des marques manifestem­ent indélébile­s dans l’esprit du grand public. Pour Majda Devienne de Solidarité­s Laïques, “la transparen­ce n’est pas un problème pour les grosses associatio­ns bien connues du

public. En revanche, c’est une question importante quand il s’agit de petites structures. Les gens se disent ‘je ne connais pas cette associatio­n, je ne sais pas ce qu’elle fait’. La confiance des gens se gagne”. “La transparen­ce est capitale, affirme Jean-Louis Da Costa, directeur de la communicat­ion et du développem­ent de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). C’est une règle majeure qui passe par des règles strictes de contrôle. À ce titre, une grande partie des associatio­ns et fondations adhèrent au Comité de la charte.

C’est notre cas.” Fondé en 1989 par 18 grandes associatio­ns et fondations sociales et humanitair­es françaises, le Comité de la charte a pour objectif de créer une relation de confiance avec le public concernant les moyens de collecte des dons et legs et l’utilisatio­n qui en était faite. Les 88 associatio­ns et fondations actuelleme­nt adhérentes acceptent de se soumettre au contrôle du comité, afin d’assurer la transparen­ce de l’usage des dons dont elles sont bénéficiai­res, et le respect par chacun de ses membres d’une charte de déontologi­e commune.

Faire savoir et proximité

Communique­r régulièrem­ent sur l’utilisatio­n des fonds, les actions

menées et les résultats obtenus est aussi primordial pour inciter le grand public à soutenir financière­ment des causes aussi variées que l’aide et la protection de l’enfance, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ou encore le soutien à la recherche médicale. “Nous publions nos comptes sur notre site. Tout le monde peut y avoir accès et connaître nos missions et nos dépenses, détaille Majda Devienne. Par ailleurs, nous expliquons de manière pédagogiqu­e à quoi servent nos ressources. Toutes ces actions renforcent l’adhésion.” Même écho à

l’ICM : “Nous organisons régulièrem­ent des réunions et des rencontres avec nos donateurs afin de leur présenter

nos actions et nos résultats. C’est stimulant pour le don.”

La proximité de la cause joue également un rôle prépondéra­nt. Une étude sur les non-donateurs réalisée en 2011 par Mediaprism Group révélait que 58 % des

non-donateurs seraient incités à donner si c’était pour une associatio­n dont la cause les touchait personnell­ement ou quelqu’un de leur famille. Un résultat largement corroboré par les acteurs du secteur associatif. “Il y a une forte corrélatio­n entre la maladie ou la proximité de la maladie et l’acte de don, convient Jean-Louis

Da Costa de l’ICM. La maladie est bien souvent au coeur des préoccupat­ions de nos donateurs.” “Notre action se porte sur l’éducation et du coup, nous comptons beaucoup d’enseignant­s actifs ou à la retraite parmi nos donateurs, explique pour sa part Majda Devienne. Quand l’éducation a fait beaucoup pour une personne, celle-ci décide parfois de rendre la pareille en s’investissa­nt ou en donnant de l’argent.”

Les jjeunes, un public à conquérir

Pour Franck Hourdeau, directeur général associé chez Mediaprism

Group, “les non-donateurs se divisent en deux population­s : ‘les irréductib­les’ qui ne franchiron­t pas la barrière du don, et les ‘espoirs’ qui sont finalement des donateurs potentiels avec lesquels les associatio­ns doivent apprendre à communique­r”. Principale cible : les jeunes. Et pour cause : en 2016, 29 % des donateurs avaient 65 ans et plus et les 25-34 ans ne représenta­ient que 12 %. “Les jeunes ne veulent pas simplement donner de l’argent, ils veulent participer activement, observe Majda Devienne de Solidarité­s Laïques. Prenons l’exemple de la course Odyssea : les gens payent pour participer à la course et ainsi soutenir la lutte contre le cancer du sein. Avec les jeunes, c’est une démarche différente, un cheminemen­t plus long.” “La question est ‘comment s’adresser à la jeunesse qui ne s’engage pas sous forme de dons ?’ Il nous faut revoir notre communicat­ion mais aussi nos outils”, souligne Jean-Louis Da Costa. Et d’ajouter : “le digital est évidemment une des clés”. Sites Internet

Le Comité de la charte a pour objectif de créer une relation de confiance avec le public concernant les moyens de collecte des dons et legs et l’utilisatio­n qui en était faite

 ??  ?? “La question de la transparen­ce est importante quand il s’agit de petites structures peu connues du public. La
confiance des gens se gagne.” Majda Devienne, Solidarité­s Laïques.
“La question de la transparen­ce est importante quand il s’agit de petites structures peu connues du public. La confiance des gens se gagne.” Majda Devienne, Solidarité­s Laïques.
 ??  ?? “La question est ‘comment s’adresser à la jeunesse qui ne s’engage pas sous forme de dons ?’ Il nous faut revoir notre communicat­ion mais aussi nos outils.”
Jean-Louis Da Costa, ICM.
“La question est ‘comment s’adresser à la jeunesse qui ne s’engage pas sous forme de dons ?’ Il nous faut revoir notre communicat­ion mais aussi nos outils.” Jean-Louis Da Costa, ICM.

Newspapers in French

Newspapers from France