Le Nouvel Économiste

La dictature n’explique pas tout

Chine et Russie viennent de décider la constructi­on de trois nouvelles liaisons entre le Dongbei et la Sibérie orientale

- LA CHINE S’EST ÉVEILLÉE, PHILIPPE BARRET

Il est fréquent d’expliquer cette coopératio­n russochino­ise par l’attraction qu’éprouverai­ent naturellem­ent deux régimes politiques “dictatoria­ux”. Mais dans les années 1960 et 1970, ces régimes de la Chine et de l’URSS étaient encore plus autoritair­es. Et pourtant, leurs relations étaient loin d’être dominées par la bonne entente ; elles l’étaient par l’hostilité, avoisinant parfois la guerre

Trois nouveaux moyens de lier la région du Heilongjia­ng, dans le Dongbei, et la Russie frontalièr­e, plus précisémen­t la ville chinoise de Heihe et la ville russe de Blagoveshc­hensk, sont en constructi­on. D’une part, un pont routier sur le fleuve Amour – que les Chinois appellent “Heilongjia­ng”, ou fleuve du dragon noir. D’autre part un téléphériq­ue, lui aussi au-dessus du fleuve Amour, entre les deux villes. L’investisse­ment prévu à cet effet est de 799 millions de yuans (120 millions de dollars) du côté chinois. Les travaux doivent commencer au printemps prochain. Enfin, un gazoduc est déjà en constructi­on à travers deux tunnels dans le fleuve Amour, mesurant chacun 1 139 mètres de long. La section chinoise du gazoduc s’étire sur près de 4 000 kilomètres et débouche à Shanghai. Dès 2018, ce gazoduc permettra d’acheminer 38 milliards de mètres cubes de gaz vers la Chine. Cette triple liaison s’ajoute à une autre, qui devrait être en mise en oeuvre en décembre prochain : une ligne aérienne de Jinan, la capitale du Shandong, à Moscou. Elle témoigne d’une politique commune des deux pays, visant à la collaborat­ion pour la stabilité internatio­nale et le développem­ent économique.

La “dictature” n’explique pas tout

Aussi les dirigeants chinois multiplien­t-ils les rencontres. En juillet dernier, le président Xi Jinping s’était rendu en Russie. Plus récemment, au début du mois de novembre, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev était à Pékin, reçu par son homologue chinois, Li Keqiang, mais aussi par Xi Jinping. C’était le premier chef de gouverneme­nt étranger à être reçu par les autorités chinoises après le 19e congrès du PCC. Au programme, l’approfondi­ssement de la coopératio­n dans l’énergie, l’agricultur­e, l’aéronautiq­ue, l’exploratio­n spatiale, l’e-commerce et l’investisse­ment financier. Et plus récemment encore, à l’occasion de la 25e réunion des dirigeants de la coopératio­n économique Asie-Pacifique (Apec), à Danang, au Vietnam, Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont longuement entretenus. Poutine a rappelé que le partenaria­t russo-chinois était une priorité de sa politique. Xi Jinping a souligné le rôle de ce partenaria­t dans le développem­ent économique des deux pays. L’un et l’autre sont convenus de coordonner toujours davantage leur action dans les organisati­ons internatio­nales auxquelles ils participen­t : non seulement l’Apec, mais aussi l’organisati­on de coopératio­n de Shanghai, les Brics et évidemment l’ONU. Dans les pays occidentau­x, et particuliè­rement en France, il est fréquent d’expliquer cette coopératio­n russo-chinoise par l’attraction qu’éprouverai­ent naturellem­ent deux régimes politiques “dictatoria­ux”. Mais dans les années 1960 et 1970, ces régimes de la Chine et de l’URSS étaient encore plus autoritair­es. Et pourtant, leurs relations étaient loin d’être dominées par la bonne entente ; elles l’étaient par l’hostilité, avoisinant parfois la guerre. La “dictature” n’explique pas tout !

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