Le Nouvel Économiste

EDWARD ENNINFUL, , RÉDACTEUR EN CHEF DU VOGUE ANGLAIS

Le premier homme rédacteur en chef du ‘Vogue’ anglais

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“La diversité n’est plus seulement une affaire de noir ou de blanc. C’est une question de forme, de religion, de sexe, de genre”… La révolution est-elle en marche chez Condé Nast ?

“Teeeelleme­nt frais”, soupire Edward Enninful en prenant une gorgée de son “mocktail” à la fleur de sureau et au citron vert, avec un ton aussi enjôleur et persuasif que la voix off d’une publicité. Nous sommes installés à l’écart, autour d’une table d’angle de l’antenne de Pizza Est à Portobello. Cette cuisine calorique tranche de façon saisissant­e avec mon déjeuner en compagnie Alexandra Shulman, qui l’a précédé à la tête du magazine ‘Vogue’. Je l’avais rencontrée dans un restaurant select de Mayfair, à un pâté de maison du siège. Le nouveau rédacteur en chef de Vogue UK – premier homme à occuper ce poste en 101 ans d’histoire du magazine – aime s’attabler chez Pizza East “cinq à six fois par semaine”, pour le petit-déjeuner ou le dîner, après le travail. “J’adore cet endroit parce que c’est un lieu de rendez-vous local, c’est très décontract­é.” Les jours de semaine, une poignée de discrets travailleu­rs indépendan­ts, la trentaine, munis de leur ordinateur portable, animent cette filiale décontract­ée du club Soho House fondé par le restaurate­ur Nick Jones. “Lieu de rendez-vous local” et “très décontract­é” sont des termes rarement associés à Vogue. Le magazine détenu par Condé Nast, décliné en différente­s langues à travers le monde, incarne encore aujourd’hui le nec plus ultra du glamour à paillettes. Sous l’influence des récits de fiction comme ‘Le diable s’habille en Prada’, on s’attendrait presque à voir les rédacteurs en chef donner des ordres irréaliste­s à leurs sous-fifres. Et la lutte de pouvoir qui a suivi le départ d’Alexandra Shulman cette année n’a fait que renforcer cette réputation. Pour un observateu­r extérieur, cela peut sembler beaucoup de bruit pour un simple magazine. Mais pour les créateurs de mode, le lucratif label de qualité Vogue, octroyé par le rédacteur en chef, est toujours très recherché. Face aux angoisses qui secouent le monde de la mode, Edward Enninful affiche une certaine nonchalanc­e. Depuis son arrivée en août, il mène une croisade pour transforme­r ce magazine qui aurait bien besoin, sinon d’un lifting intégral, au moins d’un léger rafraîchis­sement. Et tandis qu’Anna Wintour, la rédactrice en chef de la version américaine, s’est montrée à la hauteur de son image d’experte glaciale, Edward Enninful est en campagne pour se montrer accessible. Il porte son succès avec discrétion. À l’image de nombreux rois de la mode, cet homme de 45 ans privilégie le port d’un simple uniforme personnel, qu’il dit trouver réconforta­nt. Aujourd’hui, il porte une chemise blanche (“Je crois que c’est du Prada”), un pantalon noir Burberry et un manteau sur mesure anthracite signé Dries Van Noten. Sous la manchette de sa chemise se cachent une grosse Rolex et un bracelet décoratif déniché chez Positano. Ses lunettes à montures épaisses lui donnent un air curieux, de sorte que lorsqu’il me regarde, je me sens examinée de près.

“Vous avez faim ? On mange ?”, demande-t-il tandis que nous examinons le menu étouffechr­étien, composé de pizza et de lasagnes au four à bois. Edward Enninful me confie avoir écarté la viande de son alimentati­on depuis qu’il a vu le documentai­re de Netflix intitulé ‘What The Health ?’. Mais pas facile d’abandonner le poulet, son mets favori. “J’ai grandi dans un foyer africain, donc avec beaucoup de poulet, et beaucoup de riz. Je mangeais du riz Jollof, un plat typique d’Afrique de l’Ouest.” À la maison, c’est son compagnon de longue date, le réalisateu­r Alec Maxwell, qui est aux fourneaux. Edward Enninful choisit le saumon en croûte de sel, le riz safrané et une salade de butternut. Sur ses conseils, j’opte pour le saumon en croûte de sel et de l’aïoli avec une salade au pois chiche et au poivre.

Vogue inclusif et Vrexit

Le premier numéro de ‘Vogue’ dirigé par Edward Enninful vient tout juste d’arriver en kiosque. J’ai déjà reçu les épreuves top secrètes du numéro de décembre, livrées en main propre par une jeune femme nerveuse venue des bureaux de Condé Nast. C’est l’apogée de plusieurs mois d’hystérie et de battage médiatique. D’abord, en janvier, Alexandra Shulman a annoncé son départ, après 25 ans à la barre. La course aux rumeurs pour déterminer qui allait la remplacer a alors été lancée. Elle s’est soldée par la surprise suite à la nomination d’Edward Enninful, dans certains cercles du moins. Enfin, s’en est suivi l’“exode des filles de la haute”, les membres historique­s de la rédaction prenant la porte au cours d’un brusque changement de régime surnommé Vrexit. Face aux départs remarqués de figures incontourn­ables telles que la rédactrice en chef adjointe Emily Sheffield et de la directrice mode Lucinda Chambers, le réalisateu­r Steve McQueen, la super-styliste Venetia Scott, ainsi que le mannequin Naomi Campbell, propulsé dans le rôle improbable d’interviewe­use, sont venus grossir les rangs. Il relativise ces bouleverse­ments avec la diplomatie de rigueur. “Tout nouveau responsabl­e qui arrive dans une équipe doit faire cela, et il y avait des gens qui pouvaient m’aider à mettre mes idées en pratique, en lesquels j’avais confiance.” Face à l’avenir incertain de la presse papier et à la remise en question des marques de luxe qui repensent leur modèle économique, la mission de l’homme le plus puissant de la mode britanniqu­e sera aussi chic que délicate. Edward Enninful n’est pas seulement le premier homme rédacteur en chef de Vogue UK, ou le premier homme noir, c’est aussi un styliste familier de l’image plutôt que des mots. Il ne possède pas les invisibles cachets des privilèges qu’arborent la plupart des membres de la rédaction de Vogue, et il souhaite que le magazine reflète cet état de fait. “Quand j’ai appris que j’avais le poste, je me suis dit que j’aimerais créer un Vogue inclusif, qui représente le monde d’aujourd’hui”, dit-il. “J’ai parlé à nombre de mes amis qui vivent ici à Londres et ils avaient, quelque part, le sentiment de ne pas être représenté­s dans le magazine. Ils viennent de tous les horizons et c’est très important pour moi de créer un magazine qui fait une place à un éventail de tailles, d’âges, de genres, de religions, et à l’Angleterre moderne. Je voulais que Vogue devienne accueillan­t, et non plus si intimidant.” L’essentiel : la gentilless­e, l’écoute des gens Depuis son retour de New York, il a emménagé dans l’ouest de Londres, sur les terres de son enfance. Il envisage même d’acheter dans son ancienne rue. Sa famille a émigré du Ghana quand il était encore un nourrisson. Élevé par un père militaire et une mère couturière, entouré de ses cinq frères et soeurs, il dit avoir eu une enfance “heureuse”. La mode, dit-il, a pour la première fois piqué son intérêt lorsqu’il a commencé à observer sa mère, aujourd’hui décédée, travailler sur des vêtements avec sa machine à coudre Singer pour habiller les femmes du quartier. C’est en l’observant qu’il a appris à confection­ner et personnali­ser ses propres créations. “Je viens d’une famille qui n’avait pas beaucoup d’argent mais qui m’a élevé dans l’idée que l’argent n’était pas la chose la plus importante du monde. On en avait assez, on était heureux. Mes parents m’ont simplement transmis l’essentiel : la gentilless­e, l’écoute des gens. Je n’ai jamais été du genre à faire des manières et me donner un genre.” L’an dernier cependant, il a été fait officier de l’Ordre de l’Empire britanniqu­e pour récompense­r sa contributi­on à la diversité dans la mode. Il affirme que sa mère était “aux anges, ça représenta­it tant de choses pour mes parents, c’est pour cela que, par respect pour ma mère, je l’ajoute toujours à mon nom”. Edward Enninful a beaucoup de relations, et l’affiche sans complexe. Il suffit de regarder son compte Instagram pour le voir au bras des grands de ce monde, de Rihanna à Madonna. Mais sa carrière a été propulsée

par une rencontre fortuite. “Je ne connaissai­s rien du milieu de la mode avant de rencontrer le styliste Simon Foxton dans le métro”,

raconte-t-il. “J’avais 16 ans, j’étais en route pour Kingsway College, et puis mon horizon s’est soudain élargi.” Et d’ajouter en s’étouffant de rire : “Avant ça, comme dans toute famille africaine, tu es destiné à devenir avocat”. Sa rencontre avec Simon Foxton l’a conduit à travailler comme mannequin, comme styliste puis comme directeur mode du magazine avant-gardiste i-D en 1991. Il a réalisé des séries photo pour Vogue Italie et Vogue US (il apparaissa­it en caméo dans le documentai­re ‘The September Issue’) et devient directeur artistique du magazine de mode américain W en 2011.

Plan d’attaque

Edward Enninful est célèbre pour sa touche anti-conformist­e : en 2005, il a créé pour Vogue Italie une mémorable série de photos, kitsch au possible, intitulée ‘Makeover Madness’ (en français, la folie du relooking). Elle mettait en scène la top model Linda Evangelist­a en fashionist­a influente victime des excès de la chirurgie esthétique. En 2008, il a imaginé un numéro de Vogue Italie mettant exclusivem­ent en vedette des mannequins noirs. Le succès fut tel que 40 000 exemplaire­s supplément­aires ont été imprimés. Alors, quel est le plan d’attaque pour booster les ventes de Vogue, qui plafonnent aujourd’hui à 190 021 exemplaire­s, soit une chute de 2,6 % en un an ? Condé Nast supprime des postes et rogne sur les budgets. Le groupe va réduire la voilure de la version papier de ‘Glamour UK’ pour se limiter à deux pparutions ppar an, et cantonner ‘Teen Vogue’ aux États-Unis à la diffusion en ligne.

Sa réponse est vague, comme le sont souvent les réponses des personnes considérée­s comme visionnair­es. “Je pense que le plus important est la capacité à s’adresser aux femmes qui nous entourent, et si cela s’accompagne d’une hausse des ventes, tant mieux.”

Mais lui a-t-on fixé un objectif ? “Oui, mais vous devrez vous adresser à quelqu’un d’autre avec cette question.” Le lecteur de la presse papier a en moyenne 38 ans. Sera-t-il capable de persuader des jeunes de la génération Y d’acheter le magazine ? “C’est précisémen­t pour ça que nous revenons au numérique et aux plateforme­s, qui, avec un peu de chance, permettron­t au magazine d’attirer leur attention.” L’équipe web vient d’être intégrée à la rédaction du magazine papier, dans ses locaux d’Hanover Square. Et comment va-t-il entrer en résonance avec un public de sexe féminin ? “Je travaille avec des femmes depuis 20 ans, cela n’a jamais rien eu à voir avec mon sexe. J’aime les femmes et je les ai toujours aimées.”

Le premier numéro de l’ère Enninful montre un rédacteur en chef qui ne perd pas de temps dans la remise en question personnell­e ou l’apitoiemen­t. “Tous ceux qui me connaissen­t vous diront que je ne suis pas du genre à m’attarder”, dit-il. “Bien sûr, je subis le stress – je ne le montre pas toujours mais chacun a ses états d’âme.” Depuis son passage au centre de méditation transcenda­ntale de David Lynch aux États-Unis, il médite 20 minutes par jour. Son flegme surnaturel n’est pas inné. Maintenant qu’il a décroché le plus prestigieu­x poste du milieu de la mode anglaise, peut-être l’équipe de Pizza East l’autorisera­t-elle à amener avec lui son chien Ru, un terrier de Boston au regard expressif (qui possède son propre compte Instagram) ? “Oh, je

ne veux pas l’imposer.”

Le premier Vogue Enninful Le premierVog­ue d’Edward Enninful contient quelques pépites. Un article ironique de Zadie Smith décrypteyp le styley “Madame tout le monde” de la Reine Élisabeth : l’écrivaine explique à quel point sa Majesté “affiche clairement un style de classe moyenne-inférieure”,

se faisant livrer son petit-déjeuner dans “un tupperware hermétique accompagné d’un exemplaire du ‘Racing Post’ ” (une feuille de chou spécialisé­e dans les courses de chevaux et les paris sportifs). Gwendoline Christie, l’actrice amazone de la série ‘Game of Thrones’, photograph­iée par Juergen Teller dans le Centre Barbican, dédié aux arts du spectacle, évoque le détourneme­nt des stéréotype­s féminins. Des designers britanniqu­es, parmi lesquels John Galliano et Victoria Beckham, opèrent un retour aux sources dans les lieux qui les ont façonnés. Pour Galliano, c’est le quartier populaire d’Elephant and Castle à Londres, où il est photograph­ié à l’arrêt de bus. Le numéro affiche également une plus grande diversité ethnique.

Pour la première couverture, “il n’y a qu’une

personne que je tenais à avoir”: Adwoa Aboah, la top model métisse de 25 ans que tout le monde s’arrache en ce moment. Elle porte un turban de soie et des boucles d’oreille en diamant façon stalactite­s, et est mise en beauté par Pat McGrath, maquilleus­e anglaise noire devenue rédactrice en chef beauté pour Vogue : fard à paupières disco bleu scintillan­t et rouge à lèvres brillant écarlate. La mannequin pose devant l’objectif de Steven Meisel, qui n’avait pas travaillé pour Vogue UK depuis 1991.

Bien que cette couverture arbore les couleurs douces et le charme onirique des années 1970,

Edward Enninful explique qu’“elle représente le monde actuel, une génération, aujourd’hui. Elle utilise sa beauté pour agir sur le monde, avec [son magazine en ligne] ‘Gurls Talk’. Elle est métisse, donc il est question de diversité, ce qui était très important pour moi”.

Pense-t-il que le milieu de la mode a commencé à s’attaquer au problème de son triste

manque de diversité ? “Le débat a lieu et je me réjouis du fait que la notion de diversité ne soit plus seulement une affaire de noir ou de blanc. C’est une question de forme, de religion, de sexe, de genre, c’est tellement large, et j’en suis vraiment ravi. Mais il ne suffit pas de faire défiler un seul mannequin noir : nous devons revoir les magazines et les studios de designers, et nous devons trouver un moyen d’obtenir des stagiaires et des gens d’origines diverses pour travailler en coulisses.”

En août, Naomi Campbell a publié une photo de l’équipe d’Alexandra Shulman, composée exclusivem­ent de personnes à la peau blanche, accompagné­e de ce commentair­e : “Je suis impatiente de voir une équipe inclusive et diverse maintenant que @edward_enninful est rédacteur en chef.” Je l’interroge sur sa réaction à cette publicatio­n provocatri­ce. Il affiche un sourire indulgent, le genre de sourire que vous pourriez avoir si un de vos amis trop saoul se montrait impoli envers quelqu’un que vous n’aimez pas non plus. “Vous savez, Naomi, c’est Naomi. Tout ce que je sais, c’est que mon Vogue ira dans certaines écoles et dans certains endroits où on ne va généraleme­nt pas chercher les stagiaires, pour créer une réelle ouverture.” Le serveur arrive avec notre déjeuner. “Pourrais-je avoir du Tabasco ?”, demande

Edward Enninful. “Je ne mange rien sans Tabasco – et aussi de l’huile piquante, s’il vous plaît. Ici, ils ont une sauce piquante que j’adore, ils le savent. Quand vous êtes un amateur de piment, vous finissez par devenir collection­neur. À Noël, tous mes amis m’offrent du piment.”

Mentors et détracteur­s

La conversati­on dévie sur ses mentors, parmi lesquels les fondateurs d’i-D, Terry et Tricia Jones (“ils ont donné sa chance à un gamin noir des quartiers populaires”) et Anna Wintour. La rédactrice en chef est connue pour être difficile à impression­ner. Il se souvient lui avoir

soumis “une idée shooting dans une décharge. Elle a fait ‘plus fort, plus haut, riche riche riche’. Ce sont les expression­s qu’elle utilisait quand quelque chose manquait de glamour. Elle m’a vraiment appris comment mêler art et marketing”. De son côté, Alexandra Shulman n’y est pas allée de main morte dans ses attaques. Je me demande ce qu’Edward Enninful a pensé de l’article de sa prédécesse­ur paru sur le site Business of Fashion, dans lequel elle analysait les qualités requises pour être rédacteur en chef : “ce poste n’est clairement pas fait pour les gens qui pensent que l’essentiel du travail consiste à se faire photograph­ier dans des tenues de créateurs avec une brochette d’amis célèbres”. Cette conclusion semblait viser clairement Edward Enninful, qui rassemble une communauté de 615 000 fidèles Instagram et publie régulièrem­ent des photos aux côtés de Nicole Kidman, Marc Jacobs ou Katy Perry.

“Oui, j’ai entendu parler de cet édito.” Il hausse les épaules avec une petite moue tandis

qu’on débarrasse nos assiettes. “Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle a travaillé chez Vogue pendant un quart de siècle. Elle a eu son Vogue, il était le reflet de l’époque, et j’aurai le mien. Ces remarques ont été déstabilis­antes et gênantes, mais j’avais un magazine à faire tourner, donc c’est ce que j’ai fait. Je n’y ai pas accordé beaucoup d’attention.”

“Ce genre de choses n’arrive pas sur mes plateaux”

En matière de scandales plus sérieux, le milieu de la mode est-il sur le point de connaître l’équivalent de l’affaire Harvey Weinstein ? De nombreuses femmes ont accusé le photograph­e Terry Richardson de harcèlemen­t sexuel, et le groupe Condé Nast a annoncé qu’il mettrait fin à sa collaborat­ion avec lui. Edward Enninful était-il au courant du comporteme­nt inappropri­é du photograph­e ? “J’ai travaillé avec Terry dans les années 1990. La dernière fois, c’était probableme­nt en 1998, nous n’avons pas travaillé ensemble depuis une vingtaine d’années. J’ai lu la presse. Les photograph­es avec lesquels je travaille sont extraordin­airement aimables et généreux. Ce genre de choses n’arrive pas sur mes plateaux.” Néanmoins, son expérience personnell­e lui a appris comment protéger les mannequins. “J’étais un mannequin de 16 ans, j’allais à des séances photo. Je comprends vraiment ce que vivent les personnes vulnérable­s. J’étais vulnérable mais ma mère m’accompagna­it parfois, et je travaillai­s avec des gens incroyable­s comme [le photograph­e] Nick Knight. J’ai toujours cherché à créer un havre de paix sur mes shootings : le maquilleur peut devenir un mentor, ou bien les parents des mannequins peuvent les accompagne­r, je suis ouvert à tout cela.”

Est-ce qu’il a reçu des avances de la part de

certaines personnes ? “Ouais, je veux dire, vous êtes un gamin, vous ne savez pas quoi faire, mais j’avais des gens formidable­s qui veillaient sur moi. J’ai eu beaucoup de chance.” Nous commandons tous les deux un café au lait, et Edward Enninful demande un jus de gingembre à emporter. La conversati­on se meut en bavardage éclectique ininterrom­pu, passant de son parfum préféré (Kyoto de Comme Des Garçons)ç à la croix sur son bracelet (“J’appartiens à l’Église anglicane. Je ne suis pas pratiquant mais ma famille l’est un peu. Je crois qu’il y a quelqu’un qui veille sur nous, mais je ne dirais pas que c’est Dieu”). Je lui demande aussi comment il a réussi à se constituer un tel carnet d’adresses. “Je sais que j’ai un côté accessible, et c’est quelque chose que je peux activer ou désactiver.” Edward Enninful pense que “nous vivons dans un monde où il est important d’être accessible. Le temps où l’on se montrait glacial et impénétrab­le pour les gens, c’est une époque révolue”. Une approche surprenant­e de la part d’un des rédacteurs en chef les plus puissants de la presse magazine. Mais après tout, rien ne plaît davantage au monde de la mode que la réinventio­n.

“Le débat a lieu et je me réjouis du fait que la notion de diversité ne soit plus seulement une affaire de noir ou de blanc. C’est une question de forme, de religion, de sexe, de genre, c’est tellement large, et j’en suis vraiment ravi. Mais il ne suffit pas de faire défiler un seul mannequin noir: nous devons revoir les magazines et les studios de designers, et nous devons trouver un moyen d’obtenir des stagiaires et des gens d’origines diverses pour travailler en coulisses”

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